26 janvier 2024 5 26 /01 /janvier /2024 04:14

d'Arnaud des Pallières (2023)

 

Avec  Mélanie Thierry, Josiane Balasko, Marina Foïs, Carole Bouquet, Yolande Moreau, Dominique Frot, Elina Lowensöhn Solène Rigot, Miss Mong 

 

 

Festival Deauville 2023 Sélection officielle Fenêtre sur le cinéma français

Argument: Paris 1894. Qui est Fanni qui prétend s'être laissée enfermer volontairement à l'Hôpital de la Salpêtrière?  Cherchant sa mère parmi la multitude de femmes convaincues de "folie" elle découvre une réalité de l'asile tout autre que ce qu'elle imaginait ainsi que l'amitié inattendue de compagnes d'infortune. Le dernier grand bal de la Salpêtrière (dit "le bal des Folles") se prépare; politiques artistes mondains s'y presseront; dernier espoir d'échapper au piège qui se referme....

Captives

Si vous vous rappelez Adieu (2004) et son générique -un film à part entière, (atelier de montage d’un camion qui par métaphore devient le ventre de la baleine qui engloutira Jonas…) vous ne serez nullement surpris  par la façon de filmer du cinéaste qui s’impose dès le début… Zooms et fragmentations. De  très gros plans à l’intérieur d’une carriole sur des détails avant que n’apparaisse sanglée la nouvelle " pensionnaire";  et après le franchissement du " grillage"  voici comme au ralenti un déshabillage, une fouille telle une défloraison  (le titre du film vaut pour toutes ses dénotations et connotations) .Fanni la bourgeoise désormais captive d'un monde sans pitié ...

Une façon de filmer   qui, par la démesure (le zoom) sublime l’intime…, de la peau surtout : voyez cette perle qui suinte d’un œil, ce duvet qui caresse la peau, cette denture d’outrages, ces doigts "énormes"  qui cisèlent la dentelle, cette commissure des lèvres qui se rétracte ou s’affaisse. Mais aussi des plans très serrés -sur le groupe- caméra à l’épaule, plans  qui se succèdent , (en alternance avec les premiers) dans le huis clos censé guérir la Folie (mais on ne naît pas folle on le devient au contact précisément de ceux qui prétendent prendre en charge les femmes soupçonnées d'hystérie …) La Salpêtrière !  où en cette fin du XIX° siècle des rebelles, des  pauvres, des  marginales étaient recluses, jusqu’à épuisement. C’est dans cet univers reconstitué que nous plonge le cinéaste (avec une prédilection pour le flamboiement les couleurs chaudes la lumière qui contrastent avec la noirceur des traitements infligés)

Un enchevêtrement de plusieurs « intrigues » incarnée chacune par une femme : Fanni (formidable Mélanie Thierry) est censée retrouver sa mère internée depuis plus de 20 ans (trame narrative principale),  Bobotte l’intendante (impressionnante Josiane Balasko) doit recevoir une décoration lors du bal annuel dit « bal des folles » auquel assisteront politiques et autres représentants de la jet set, Hersilie Rouÿ (étonnante Carole Bouquet) internée d’office par ses frères, elle doit apprendre la quadrille aux « pensionnaires » et en même temps elle rédige ses « mémoires » ;et si l’on ajoute les « micro fictions» : la Douane qui terrorise (décidément Marina Foïs excelle dans tous les rôles) la prostituée (Dominique Frot) et ses imprécations, ses incantations, alors que Camomille (Yolande Moreau) s’épanouit dans et par le rêve… voilà au final un maillage dense et  fluide à la fois,  dans un film d’époque avec  costumes certes, mais surtout très, très charnel et dont les thématiques (psychiatrie, violences faites aux femmes) sont d’une brûlante actualité

Avec toutefois le risque de l’enlisement !!!!….

Mention toute particulière à Mélanie Thierry

Un film que je vous recommande!

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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25 janvier 2024 4 25 /01 /janvier /2024 06:22

De Satyajit Ray (Inde 1956) Version restaurée 

 

 

avec ,  Karuna Bannerjee,  Samaran Ghosal , Kanu Bannerjee,  Santi Gupta,  Ramani Sengupta,  Ranibala Sudipta,  Roy Ajay Mitra, Charuprakash Ghosh

 

Venise, Lion d'Or du meilleur film, 1957

Argument:  Harihar Ray est venu s'installer avec sa femme, Sarbojaya, et Apu, son fils, à Bénarès, la ville sainte de l'hindouisme. Il gagne désormais sa vie en lisant des textes sacrés. Suite à son décès inattendu la mère décide alors de retourner vivre à la campagne. Devenu un élève brillant, Apu décroche une bourse et part étudier à Calcutta, laissant sa mère déchirée par le chagrin...

La trilogie d'Apu: L'invaincu

Deuxième volet de la trilogie d’Apu

A l’opposé du premier (marqué par l’unité de lieu, le nombre restreint de personnages et le sentiment d’intemporalité) L’invaincu suit le parcours d’Apu dans Bénarès la grouillante, puis à la campagne chez le grand-oncle et à Calcutta, soit de l’école de la rue à l’université, itinéraire marqué par le questionnement sur une société en mutation. Apu s’ouvre au monde avec un mélange d’émerveillement de douleur et de résignation, résignation dont rend compte  le tout dernier plan.  

  Et quand bien même la mère après le décès de son époux préfère revenir à la campagne,  le réalisateur  à aucun moment, ne fait le choix du manichéisme facile qui opposerait le traditionalisme de la campagne à la modernité des grandes métropoles ; ruralité et modernité sont les deux faces d’un tout. 

 

Grâce aux ellipses narratives (procédé qui avait prévalu aussi dans le premier volet) Satyajit Ray peut multiplier époques, rencontres et thématiques. (Exploitation au travail, prégnance de la religion, amitié, émancipation par le savoir, un savoir concrétisé par la remise de prix, des livres comme autant de portes ouvertes et  par un globe terrestre) 

Le train que découvraient émerveillés Apu enfant et sa sœur Durga est certes synonyme de « progrès » -et de fait il permet à l’adolescent de se rendre à Calcutta pour ses études supérieures. Ce même train qui assure les va-et-vient entre deux mondes (la campagne et la ville) soit ce qui relie Apu à sa mère,  symbolise simultanément l’isolement (à chacun de ses passages la mère ressent plus douloureusement l’absence du fils jusqu’à être victime d’hallucination auditive et à se morfondre dans une attente frappée d'inanité…)

Dans un premier temps le cinéaste fait la part belle au père (souvent absent en I) nous le voyons (du moins à travers le regard d’Apu) lire les textes sacrés sur les bords du Gange (c’est son « gagne-pain » , ce qu’illustre un  très gros plan sur les pièces de monnaie données par l’assistance subjuguée par sa voix) nous le suivons de dos  grimpant les marches --et les panoramiques sur les ghats sont tout simplement vertigineux-   portant  religieusement l’eau purificatrice ( ?). Le parcours de la mère (une mère courage, omniprésente, comme dans le premier volet) sera diamétralement opposé à celui du fils (la réussite de ce dernier contrastant avec le chagrin dû à son éloignement)

Sur les toits voici une communauté de pigeons (plan d’ouverture après un générique qui défilait en même temps que le train filait vers Bénarès) D’abord agglutinés ils vont cisailler le ciel en le striant de leur débandade au moment même où le père meurt.

En parallèle voici une myriade de lucioles qui semblent matérialiser l'éparpillement de l’âme dans le noir empyrée,  âme de la mère inconsolée.

Deux instants d’éternité.  Et la musique de Ravi Shankar à la  puissance suggestive, envoûtante  !  

A ne pas rater (séances jeudi 13h40, samedi 19h30, dimanche 17h , lundi 16h ) quand bien même ce volet n’aurait pas la force émotionnelle du  premier !

 

Colette Lallement-Duchoze

La trilogie d'Apu: L'invaincu
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22 janvier 2024 1 22 /01 /janvier /2024 08:09

De Quentin Dupieux (2023)

 

avec Anaïs Demoustier : Judith, la journaliste Édouard Baer : Salvador Dalí Jonathan Cohen : Salvador Dalí Gilles Lellouche : Salvador Dalí Pio Marmaï : Salvador Dalí Didier Flamand : Salvador Dalí âgé Romain Duris : Jérôme, le producteur Agnès Hurstel : Lucie, l'assistante Marie Bunel : l'acheteuse du tableau Nicolas Carpentier : le commissaire-priseur Jérôme Niel : le modèle à la canne Marc Fraize : le modèle au mouchoir  Hakim Jemili :Jean-Marie Winling : le journaliste Tom Dingler : François Laurent Nicolas

 

Thomas Bangalter compositeur  

 

Projeté à Venise  hors compétition 

 

Présenté en avant-première dans le cadre Festival Cinéma Télérama (Omnia dimanche 21/01/2024)

Sortie en  salles  le 7 février 2024

 

Une journaliste française rencontre Salvador Dali à plusieurs reprises pour un projet de documentaire...

Daaaaaali

Un  plan fixe prolongé sur un piano à queue en plein air,  avec son tuyau d'arrosage son arbuste et sa sculpture ( à la Chirico? à la Magritte?) Bienvenue dans l'univers pictural de Dali et sa  Fontaine nécrophilique coulant d'un piano à queue . Le  même plan en écho au final (ou presque car  il y aura plusieurs fins,  comme dans certains films de Buñuel ). Entre les deux une immersion dans l'univers mental du peintre ! 

 

Surréaliste  la tonalité d'ensemble ? Certes, à  condition  que le terme ne soit pas pris au sens strict  d'"automatisme psychique" que lui donnait André Breton ... Surréalisme des décors (maison reconstituée au bord de la Méditerranée) des situations des dialogues, mélange rêve et réel. Quentin Dupieux multiplie en outre les "effets" gigogne comme un déploiement ad infinitum et ad libitum de mises en abyme, avec reprises comiques et facétieuses; un  procédé d'emboîtements qui rappelle sans conteste Buñuel . Confier l'interprétation à plusieurs acteurs (cf les "a" du titre)  ne relève-t-il pas de la perturbation du  "fameux principe d'identité"  (contre identité, subversion du sujet) plus que de la volonté d'illustrer les multiples  facettes du peintre? . Et la vision  récurrente de Dali en vieillard infirme ne serait-elle pas l'équivalent des cadavres exquis si chers aux surréalistes? 

 

Omniprésentes donc (quel que soit l'interprète) l'extravagance l'arrogance et la mégalomanie du peintre et penseur. Avec les "célèbres accessoires" -moustache torsadée en 10h10,  manteau pelisse, canne, Rolls Royce, deux cadrans,  montres molles; avec aussi et surtout dans la diction ce roulement outrancier des "r" et un débit assez lent (marteler certains phonèmes, les étirer tout comme les 6 "a" du titre) . A noter que les prestations d'Edouard Baer et Jonathan  Cohen sont de loin les plus convaincantes... 

 

La première séquence où la journaliste, et son précieux calepin, attend fébrile le "Génie" qu'elle doit interviewer restera dans les annales:  avec cet effet au montage d'un couloir d'hôtel qui n'en finit pas de finir ....De même le rêve raconté par le prêtre n'en finirait pas de finir ...s'il n'était relayé par son "interprétation picturale" signée Dali et recopiée ad nauseam...(si le cinéaste épingle le marché de l'art, il se moque aussi du snobisme de  clients fortunés)

 

 

Prolifique Quentin Dupieux l'est assurément (Yannick sorti en 2023  suivait de peu Fumer fait tousser) tout comme Dali était ...prolixe.

Il est  peut-être "entré en connexion avec la conscience cosmique de Dali" mais son "faux" biopic certes hyper référencé, divertissant, parfois hilarant n'en laisse(ra) pas moins une impression mitigée  (essoufflement, attentes déçues...)

 

Je vous laisse juge

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

 

 

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22 janvier 2024 1 22 /01 /janvier /2024 04:56

ET SPLACH !! 🎞 🏊‍♂️

Après quelques années d'absence, c'est le grand retour du CINÉ-PISCINE !

 

 

Au programme, deux séances de courts-métrages concoctées par nos soins avec des comédies, des films d'animation ou d'aventure sur les thèmes de l'eau, de la natation, la mer, etc.

Ciné-piscine Courtivore samedi 27 janvier 2023

Samedi 27 Janvier - Piscine Guy Boissière

 

🥽 18h30, pour les enfants (6-10 ans) dans le petit bassin - environ 45 min de projection (et un petit peu de temps en plus pour barboter)

 

🩱 20h30, pour les adultes (à partir de 16 ans) dans le grand bassin- environ 1h30 de projection

 

🛟 Des bouées seront à disposition pour flotter tranquillement pendant la projection et la température de l'eau sera adaptée.

Tarifs habituels de la piscine.

 

 

Plus d'informations ici :

https://rouen.fr/cine-piscine

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21 janvier 2024 7 21 /01 /janvier /2024 07:49

De  Sofia Exarchou (Grèce 2023)

 

Avec Dimitra Vlagopoulou (Kalia) Flomaria Papadaki (Eva ) Danai Petropoulea   (Mary) Ahilleas Hariskos (Simos) Chronis Barbarian (Thomas) Ilias Hatzigeorgiou (Vladimir)

 

Festival de Locarno 2023  Prix d'interprétation féminine ( Dimitra Vlagopoulou) 

 

Sur une île grecque, les animateurs d’un hôtel all-inclusive menés par la charismatique Kalia se préparent pour la saison. Décors en carton-pâte, costumes pailletés et spectacles de danse envahissent la scène. À mesure que l’été avance, la pression augmente, les nuits s’enchaînent, et les démons de Kalia se réveillent. Lorsque les projecteurs s’allument, the show must go on

Animal

Je voulais surtout parler de ceux qui connaissent la précarité la noirceur la fatigue induites par ces conditions de travail. Pour moi, Animal devait être une allégorie pour n’importe quel secteur d’activité

 

De très gros plans sur une partie du corps de femme (en plein exercice physique), sur des poissons dans un aquarium, sur des grillages puis le plan s’élargit sur une plage de sable gris. Début assez déroutant, certes, mais qui "encode" le film

 

Voici les coulisses où œuvrent telles des bêtes de cirque de « gentils organisateurs » Bienvenue dans le grand cirque divertissant du capitalisme. Autopsie d'un "mécanisme" (qui fleure parfois le documentaire) et analyse d’une usure (corps et esprit) à travers le parcours de la charismatique Kalia, telles seront les deux forces de la dynamique interne (encore que la réalisatrice privilégie les ambiances à une structure narrative élaborée)

 

D’une part, rendre palpable le tourisme de masse (très rentable en Grèce) en disséquer tenants et aboutissants (avec cette opposition pertinente entre des touristes aux moyens financiers modestes réduits au statut de « figurants » et l’énergie requise des « animateurs » des forçats que l’on sollicite et de jour et de nuit, à l’intérieur de l’hôtel ou sur le sable !!! Une énergie que Sofia Exarchou filme au plus près, exaltant le corps. Corps en lévitation, corps caressé des effluves de la sudation, corps où ruisselle l’eau de la douche, corps pénétré de sable et de sexe ; mais aussi corps « stigmatisé » (cf.la blessure au genou de Kalia)

 

D’autre part la réalisatrice va focaliser le récit sur un trio féminin Katia Eva et la gamine Mary. Katia animatrice/danseuse/chanteuse, la "cheffe"  transmet à Eva la jeune polonaise de 18 ans, les directives pour perpétuer ce "commerce"  Mary (fille d’un animateur) vit déjà au rythme effréné des aînés et l'apprentissage sous les projecteurs s’impose presque « naturellement ». Mais ne serait-ce pas la même personne (Kalia) à des âges différents, à trois moments d’une vie ? Quoi qu’il en soit, trio ou non, il fonctionne à l’intérieur d’un groupe qui insuffle l’énergie, galvanise suscite les fous rires au moment des répétitions ou après les shows.… Un corps soudé bienveillant et ….conscient de sa précarité ???

 

Une vision pessimiste avec ses nuits qui ne cessent d’empiéter sur les jours, avec ses tubes d’une autre époque (dont Yes Sir, I Can Boogie et Felicita)

Animal est sans conteste une dénonciation au rythme souvent trépidant (caméra portée qui virevolte) où l’alcool, le sexe seraient les moyens de contourner (même provisoirement) la mélancolie de ces forçats du divertissement ?

 

Tels les poissons du début qui enfermés dans l’aquarium contemplaient la mer, la mer toujours recommencée, les GO d’Animal contemplent un « rêve » que jamais cette industrie ne pourra concrétiser. « je ne rêve pas. Rien » avouera, désenchantée, Katia !

 

Malgré quelques longueurs (le film aurait gagné à être plus court…) Animal est un film que je vous recommande ! 

 

 

Colette Lallement-Duchoze


 

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19 janvier 2024 5 19 /01 /janvier /2024 08:06

De Jean-Baptiste Durand (2023)

 

Avec Anthony Bajon : Dog,  Raphaël Quenard : Mirales,  Galatéa Bellugi : Elsa,  Dominique Reymond : Christiane, la mère de Mirales,  Bernard Blancan : Bernard,   Nathan Le Graciet : Paco , Mélanie Martinez : Charlotte,  Mike Reilles : Dimitri,  Mathieu Amilien : Enzo , Evelina Pitti : Madame Dufour , Kader Bouallaga : Ali , Marysole Fertard : Sonia, la copine de Dimitri

 

 

Festival Premiers Plans d'Angers 2023 : Prix du public

Festival La Ciotat Berceau du cinéma 2023 : Lumière d'or et double prix d'interprétation masculine pour Raphaël Quenard et Anthony Bajon

Festival de Cabourg 2023 : Swann d'or du meilleur premier film et Swann d'or de la révélation masculine pour Raphaël Quenard

Prix Pierre Chevalier 2023 pour le réalisateur Jean-Baptiste Durand et la productrice Anaïs Bertrand

 

Dog, le taiseux, et Mirales, le flamboyant, sont deux amis de longue date âgés d'une vingtaine d'années. Ils passent la plupart de leur temps ensemble et font les quatre cents coups dans leur village du sud de la France. Ils ne se cachent rien, leur amitié semblant plus forte que tout. Jusqu'au jour où Elsa s'installe dans le bourg le temps de l'été. La jeune fille tombe très vite sous le charme de Dog. Le jeune homme passe de plus en plus de temps avec elle, ce qui a pour conséquence de faire vaciller son amitié avec Mirales. Ce dernier éprouve de la jalousie et ne supporte pas d'être le témoin de cette histoire d'amour...

Chien de la casse

Dans le groupe de désœuvrés qui s’adonnent à des (petits) trafics, se détache le duo. Dog et Mirales. Leur relation?  à la fois dyadique et hiérarchique dont Dog est le subordonné (et le jeu tout en retenue d’Anthony Bajon est exemplaire ) Raphaël Quenard qui interprète Mirales a cette audace qui lui sied, de proférer maximes et aphorismes, de citer Montaigne dans un langage soutenu avec la mélodie de la rue (on a beau savoir que le « chien de la casse » désigne en argot un « être vindicatif ou agressif dont les fins justifient les moyens employés on ne peut qu’être séduit par une étonnante singularité, un phrasé et une faconde quasi naturel.les.

De plus quand l’acteur est filmé arpentant les ruelles de ce petit village, son dos envahit l’écran;  de même pour les gros plans sur son visage. Donneur d’ordres (à Dog son pote, et à Malabar son chien) lui qui se plaît à humilier publiquement, lui qui ne tolère pas la désobéissance, sait manifester de la tendresse (cf la relation avec la mère dans une surprenante inversion des rôles et cette attention portée à cet homme attendant le gain messianique du jeu d’argent alors qu’à chaque mise il se trompe de signe astrologique….) Et si cette carapace de "dominateur" maquillait une détresse intérieure? 

 

Elsa est la seule à  lui tenir tête, à passer outre ses diatribes,  faire fi de son venin  ! A partir de là s’estomperaient  semonces et remontrances ?  quand le réalisateur semble faire la part belle à une relation amoureuse hétérosexuelle?  Mais la dynamique interne, rapport de force, n’en sera pas ébranlée  ….Et au plus fort du désarroi, de profundis de la tempête, Dog sollicite l’aide de son ….Ami !! Cet ami qui lui veut du bien....

 

Le village est à lui seul un personnage. Filmé en un beau frontal éclairé de lumières vespérales (plan d’ouverture) en contre plongée avec ses couleurs ocres ou encore en légère plongée sur les toits (et leurs tuiles bicolores typiques du sud) ; nous pénétrons dans ses "entrailles" avec son labyrinthe de ruelles, son banc public, son PMU, avant qu’il ne s’inscrive dans une vue d’ensemble plus large  sur le paysage environnant de la garrigue (somptuosité de la vastitude, de la palette de couleurs,  des panoramiques) Un plan sur un ciel ennuagé, annonciateur d’un drame intérieur ? … 

Quand la petite place sur le promontoire des rencontres devient un point de chute

 

Un premier long métrage tout en nuances et comme épuré,  à ne pas rater! 

 

A voir,  (ou revoir)  dans le cadre "Le Festival Cinéma Télérama"  (Omnia samedi 13h30, lundi 20h, mardi 18h)

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

 

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19 janvier 2024 5 19 /01 /janvier /2024 02:06

de Satajit Ray (Inde 1955)

 

avec Subir Bannerjee (Apu Roy), Kanu Bannerjee (Harihar "Hori" Roy), Karuna Bannerjee (Sarbajaya Roy), Uma Das Gupta (Durga), Chunibala Devi (Indir Thakrun), Runki Banerjee (La petite Durga), Tulsi Chakraborty (Prasanna, l'instituteur), Binoy Mukherjee (Baidyanath Majumdar).

 

musique Ravi Shankar

chef opérateur Subrata Mitra 

 

Festival de Cannes 1956: prix du "document humain"

 

 

La vie d'une famille indienne pauvre, dans un village du Bengale, au début du vingtième siècle. Le père occupe la fonction de brahmane (prêtre) alors que Durga et sa mère travaillent au champ. Naît un second enfant, Apu, un petit garçon. Durga, commet de petits larcins pour améliorer le quotidien. Apu grandit et le père décide de partir travailler à la ville en espérant gagner plus d'argent. C'est désormais la mère, seule, qui doit faire vivre la famille.

 

La trilogie d'Apu: La complainte du sentier

 

Un coin perdu comme oublié, une maison ancestrale délabrée, une cour intérieure lieu de toutes les activités et des palabres ; c’est là que vit une famille dont le père (brahmane) est souvent absent. Famille que le cinéaste (dont c’est le premier long métrage) filme au plus près (à la manière du néo réalisme italien et dans la mouvance de Renoir). Il fait se succéder des scènes comme autant de tableaux d‘un théâtre de la vie dont le tempo est scandé par les allers retours du père et dont le passage d’une scène à l’autre ou d’un acte à l’autre se fond dans l’écran noir. Et pour les 2/3 il adopte le point de vue de l’enfant Apu.  Enfant dont la sœur (émancipée de certaines contraintes) servira de « modèle » dans un  monde miséreux misérable mais traité sans « misérabilisme » ; voyez ces gestes dont le prosaïsme est magnifié, (brossage de cheveux )  gestes de survie (l’eau les préparations culinaires les repas)   sinon sacralisés du moins ritualisés dans une belle liturgie 

 

La présence de la vieille Indir aussi décharnée que l’intrigue est minimaliste, pliée en deux, et dont le visage, édenté,  parcheminé s’impose en gros plan à l’écran, illustre  le problème de l’entraide des humains dans la précarité, ainsi que la survivance des croyances animistes ancestrales. Plus d’une fois la mère la chasse du logis (car les larcins répétés de sa fille  Durga -dont celui de fruits destinés à l’aïeule provoquent des réactions indignées et ulcèrent une mère soucieuse de sauvegarder son amour-propre, son honneur). Cette « tata » sait capter l’attention des enfants en leur racontant des histoires de même qu’en sentant sa mort prochaine elle psalmodie une complainte en s’adressant directement au passeur "Le crépuscule de ma vie est venu. Je vous attends, ô passeur qui devez me conduire sur l'autre rive. Vous êtes bon et n'abandonnerez pas le pauvre parmi les pauvres..."

 

 

Le cinéaste fait alterner vastes étendues extérieures, plaine forêt (que le frère et la sœur, pieds nus, parcourent en courant ) paysages personnages à part entière et séquences à l’intérieur de la maison ancestrale.

Un quotidien dont l'immuable recommencement sera provisoirement brisé par les préparatifs de mariage d’une jeune voisine et par le festival de théâtre t. Bien plus,  alertés par un sifflement jusque-là inconnu,  les deux enfants assistent au passage d’un train…Un train et ses connotations  de fuite , d'évasion !!

 

Et la musique discrète ou expressive, mais si envoûtante de Ravi Shankar  (il  joue autant du sitar que de la flûte de bambou) ! 

 

Autant de raisons pour ne pas rater ce film, premier volet de la trilogie d'Apu

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

PS En 1956 Truffaut aurait dit « je ne veux pas voir un film avec des paysans qui mangent avec leurs mains"....

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16 janvier 2024 2 16 /01 /janvier /2024 07:05

de Zoljargal PUREVDASH - Mongolie 2023

 

 avec Battsooj Uurtsaikh, Nominjiguur Tsend, Tuguldur Batsaikhan, Batmandakh Batchuluun...

 

Sélection Officielle Cannes 2023

Ulzii, un adolescent d’un quartier défavorisé d’Oulan-Bator, est déterminé à gagner un concours de sciences pour obtenir une bourse d’étude. Sa mère, illettrée, trouve un emploi à la campagne les abandonnant lui, son frère et sa sœur, en dépit de la dureté de l’hiver. Déchiré entre la nécessité de s’occuper de sa fratrie et sa volonté d’étudier pour le concours, Ulzii n’a pas le choix : il doit accepter de se mettre en danger pour subvenir aux besoins de sa famille.

Si seulement je pouvais hiberner

En analysant le  parcours d’un adolescent taraudé entre la survie des siens et un brillant cursus scolaire la réalisatrice souligne à la fois la misère des laissés pour compte dans le quartier périphérique de la capitale mongole Oulan Bator et les problèmes de pollution (Oulan Bator est une des métropoles les plus polluées ).

Une yourte qui abrite la mère (illettrée sans emploi et alcoolique ; elle sera d’ailleurs contrainte de quitter cette zone en marge pour la campagne) et ses 4 enfants. L’aîné, relayant la figure paternelle, tente de subvenir aux besoins élémentaires de son frère et de sa sœur (le plus jeune ayant suivi sa mère) Chauffage et nourriture !  Or précisément bois et charbon (quand la température peut descendre jusqu’à -35°) sont plus que précieux, et les fumées noires intoxiquent l’atmosphère ; mais que faire  quand on est complètement démuni sinon participer à un abattage clandestin d’arbres ?

Un film qui mêle justice sociale et justice climatique

Certes le déroulé a quelque chose de prévisible, certes de gros plans fixes prolongés (sur le visage d’Ulzii surtout) et des longueurs inutiles loin de servir le propos le privent d’une puissance suggestive ; certes les contrastes entre la misère de cette périphérie et les appartements chauffés de la ville, entre les gratte-ciel (filmés en de superbes contre plongées) et la décrépitude de l’hôpital public, et plus largement entre la « ruralité » et la « modernité » peuvent nous sembler un peu trop appuyés !!!

Le film n’en reste pas moins « sobre » Les paysages (loin de ceux qui ont marqué un imaginaire collectif) sont réduits ici à leur fonction première - même si les roses saumon et les bleu- vert en se détachant sur la lumière blanche font de certains plans   d'authentiques tableaux. Il frappe aussi par la raucité d’une langue qui n’a d’égal que l’âpreté du quotidien auquel est confronté cet adolescent ; et enfin par ces élans de solidarité (cf le rôle du voisin bienveillant)

Film solaire? Peut-être

Film social ? assurément

 

Colette Lallement-Duchoze

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15 janvier 2024 1 15 /01 /janvier /2024 06:32

de Hirokazu Kore-Eda  (Japon 2023)

 

 

avec Sakura Andô (Saori) Soya Kurokawa (Minato) Eita Nagayama (Hori)

 

Queer Palm et Prix du Scénario Festival de Cannes 2023

 

Film dédié au pianiste Ryuichi Sakamoto, ( décédé en mars 2023 

 

Argument: Le comportement du jeune Minato est de plus en plus préoccupant. Sa mère, qui l’élève seule depuis la mort de son époux, décide de confronter l’équipe éducative de l’école de son fils. Tout semble désigner le professeur de Minato comme responsable des problèmes rencontrés par le jeune garçon. Mais au fur et à mesure que l’histoire se déroule à travers les yeux de la mère, du professeur et de l’enfant, la vérité se révèle bien plus complexe et nuancée que ce que chacun avait anticipé au départ...

L'innocence

Moins un film à plusieurs voix qu’un film puzzle, à énigmes. Là où le film de Kurosawa Rashômon (1950) (auquel on compare inévitablement L’innocence à cause de la structure fragmentée en chapitres)  montre les « mêmes événements vus sous des angles différents », celui de Hirokazu Kore-Eda va « dévoiler le hors champ du témoignage précédent » Le spectateur ainsi placé au cœur d’un « drame » social familial, est amené à découvrir ce qui se cache derrière la « monstruosité », (cerveau de porc ? harcèlement ?) et il peut éprouver de l’hostilité envers le corps enseignant éducatif - en adoptant le point de vue de la mère – puis de la « sympathie » (sens étymologie) pour le prof d’abord incriminé avant d’être immergé dans le monde de l’enfance, avec ses vertes lumières qui vont calmer les douleurs stigmatisantes de l’amour naissant....

L’innocence ou la remise en cause de nos certitudes ? Une remise en cause en trois « temps » soit trois chapitres ponctués par le plan récurrent sur l’immeuble en flammes. Un embrasement prélude à…Un embrasement et toutes ses connotations !!!

Chemins de traverse fausses pistes c’est bien la construction progressive d’un puzzle qui s’impose à l’écran. Dans un contexte social et sociétal  précis (lieux de travail, d’habitation, idéologie dispensée) Avec ses huis clos (l’appartement où vivent mère et fils, le collège avec ses escaliers ses salles de cours et de discussion, ses vitres ses w-c comme autant de cloisonnements ); avec ses changements de cadre (quand la mère sera précisément en  dehors aux moments les plus douloureux ou que le professeur « accusé » et contraint de battre sa coulpe… est tenté par le vide) et surtout avec cette envolée à la fois poétique et solennelle vers la lumière…quand un wagon d’un autre âge, customisé et enguirlandé, abrite l’innocence.

Et le tremblement de  terre  n’a-t-il pas son équivalent dans le séisme intérieur qui ébranle chaque personnage et plus particulièrement les deux garçons ?

En fait L’innocence (sens étymologie « ce qui ne nuit pas ») est de l’aveu même du cinéaste plus une quête de justice que de vérité Le fait de vouloir revendiquer à tout prix qu'une chose est juste peut constituer un acte de violence pour d'autres personnes. C'est plutôt ce mécanisme qui m'intéressait Et le titre original Kaibutsu, (qu’on peut traduire par « monstre ») serait plus éloquent 

 

Un film à voir ! c’est une évidence !

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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14 janvier 2024 7 14 /01 /janvier /2024 06:40

de Helena Girón et Samuel M. Delgado  (Espagne 2021)

 

avec Xoán Reices, Valentín Estévez  David Pantaleón  Sara Ferro Nuria Lestegás

 

Mostra de Venise 2021 semaine internationale de la critique

Argument:  1492. Parmi l'équipage dirigé par Christophe Colomb voyagent trois hommes condamnés à mort. Ils ont réussi à éviter leur triste sort en participant à ce voyage incertain. Lorsqu'ils atteignent les îles Canaries, ils s'enfuient, emportant avec eux une des voiles du navire. Pendant ce temps, dans le "Vieux Monde", une femme tente de sauver sa sœur mourante en l'amenant chez une guérisseuse

Un corps sous la lave (eles transportan a morte)

C’est à une expérience visuelle plastique et sonore que nous convient les deux réalisateurs ! 

Il faut se laisser habiter, se laisser transporter par ce film contemplatif. Oui essentiellement contemplatif même si les éléments naturels (forces vives de l’océan,  forces éruptives des montagnes volcaniques) déversent leur puissance, leur incandescence , leurs tourbillons incendiaires (accompagné.es par une bande-son prestigieuse).

Et la caméra grâce à certains effets fait s’évanouir en une confondante unité les êtres humains  (en les filmant de dos) et une nature qui les absorbe, comme si les vivants allaient se fondre dans le néant !.

Lenteur du rythme, dialogues minimalistes,  à la parole les deux réalisateurs préfèrent un travail élaboré sur l’image, laquelle va transformer le paysage en un authentique personnage.

Voici apparemment deux "histoires" en montage  parallèle  (cf. le synopsis) (On apprendra à demi-mot  ce qui les relie quand l'aînée  tente de "justifier" le suicide de sa jeune sœur, l'Abandonnée ..)  Certaines scènes se font écho : la lutte sous l’eau avec le drapé de la voile confisquée par les trois « fuyards » et le drapé qui va couvrir tel un linceul le corps de la jeune femme après sa tentative de suicide ; à la marche dans les escarpements et anfractuosités des roches des premiers répond celle de la sœur aînée à travers les hautes herbes, en quête d’une guérisseuse ; aux pauses des trois hommes mâchant quelque biscuit de survie ou s’aspergeant le visage d’une eau lustrale répond la main vigilante, avec en son creux une eau salutaire, - la sœur aînée caresse le visage, les lèvres de la jeune femme qui agonise. L’âne porteur, compagnon tutélaire des femmes, est aussi le lien entre le chthonien et l’apollinien ! 

L’apparente binarité ne saurait exclure une même réflexion sur le temps, la mort, Et sur notre propre finitude ! Le film se pare ainsi d’une portée universelle ; la lutte des trois hommes et des trois femmes pour leur survie c'est aussi la nôtre !  La voix off vers la fin du film en s’adressant directement aux forces chthoniennes, aux laves dissimulatrices,  le dira plus explicitement. (ô combien de mort.es  enseveli.es à jamais sous la lave!!) 

Le choix de 1492 n’est pas anodin et le long métrage acquiert une dimension politique non négligeable -la conquête d’un monde nouveau, mythifiée, exhaussée en légende, avait honteusement bafoué les règles élémentaires de la morale et de la justice… Dont acte ! 

 

Un corps sous la lave!  Une méditation  sur le Temps, Une œuvre poétique (dans toutes les acceptions de ce terme) belle dans son intransigeance même !

A ne pas rater !

 

Colette Lallement-Duchoze

 

Un corps sous la lave (eles transportan a morte)

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