16 août 2023 3 16 /08 /août /2023 05:42

de  Daigo  Matsui (Japon 2021) 

 

avec Sosuke Ikematsu, Sairo Ito, Yumi Kawai, Reika Ohzeki

 

Prix du public Festival international du film  de Tokyo (octobre 2021)

Les 26 juillet se suivent et ne se ressemblent pas. C'est le jour où un danseur professionnel et une conductrice de taxi se sont rencontrés , celui où ils se sont aimés, et celui où ils se sont séparés....

Rendez-vous à Tokyo

 

Une chronologie inversée ( de la rupture à  la rencontre)  le principe d'une narration centrée sur seule journée  ( le 26 juillet date de l' anniversaire de Teruo)  une  histoire d'amour ( avec ses émerveillements  ses douleurs ses attentes ses pièges, sa banalité et son caractère d’exception ) jusque-là   rien d'original! 

Mais  le réalisateur a su mêler les ambiances, alterner les contraires et surtout faire du  spectateur un témoin et un  complice, en parsemant sa narration de détails comme autant d'indices, et c'est à ce dernier  de reconstituer le puzzle apparent, de revisiter le film de Jarmusch ( Night on earth, le  taxi, habitacle de tous les possibles l'horloge, qui ponctue la temporalité, le premier fragment avec Gena Rowlands et Wivona Ryder (re)vu sur petit écran), et dans les flashbacks successifs, de sympathiser "aussi" avec les personnages dits secondaires (mais qui ont participé peu ou prou à cette histoire plus mélancolique que romantique ) : l'homme qui attend la femme sur un banc, les clients du taxi, le barman , et dont la présence est traitée à  la manière de  vignettes  

7 rendez-vous, (le titre original  "je viens juste de me souvenir"  est moins médiocre) 7 étapes initiatiques 7 facettes d'une histoire, d'un parcours 7 façons de transcender l'ordinaire (même  si chaque séquence débute "apparemment" par le même rituel matinal - plans  sur le lit, sur la table basse, sur  la pièce,-  puis passage devant l'homme assis ) Il y a des moments de grâce absolue  ( la danse improvisée dans une rue où les amoureux sont "seuls au monde") d'autres plus "conventionnels" (aquarium) Il y a des dialogues  "convenus" mais qui font partie du répertoire amoureux (peu importe à quel point tu changes je t’aimerai toujours)

C'est aussi un film "d'atmosphère "  et la capitale ne sera pas seulement décor mais l'écrin des  états d'âme (ainsi au tout début la pluvieuse et grouillante mégapole  se donne à  voir et à entendre  comme la musique d'une rupture - définitive ??? )

 Ajoutons la prestation de l'actrice Saisi Ito, la raucité sensuelle de sa voix, son air clownesque (on pense à  Gelsomina dans la Strada )

 

Tout cela pour affirmer qu'il eût été bien dommage de passer à côté de cette pépite -même si par moments j'ai eu l'impression d'assister à un " exercice de style" ( la dernière séance:  c'était  hier 15 août )

 

 

Colette Lallement-Duchoze 

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15 août 2023 2 15 /08 /août /2023 07:02

de Quentin Dupieux (France 2022)

 

avec Raphaël Quenard, Pio Marmaï, Blanche Gardin

En pleine représentation de la pièce "Le Cocu", un très mauvais boulevard, Yannick se lève et interrompt soudainement le spectacle pour reprendre la soirée en main...

Yannick

Foin de l’absurde ou du fantastique (pneu serial killer et psychopathe « Rubber, » faux film d’anticipation « fumer fait tousser », rêve d’immortalité « incroyable mais vrai ») la seule incongruité (et encore!!) dans Yannick étant l’intervention intempestive d’un spectateur lors d’une représentation théâtrale.

Voici un lieu, un huis clos : une salle de théâtre, sa scène « éclairée » vue en contreplongée par le public dans l’obscurité (unité de lieu). Un renversement de perspective et d’éclairage avant une « étrange » fusion (unité d’action avec les « fameux » rebondissements liés  ici aux  "jeux de masques" ); un troisième "espace", le dehors où rode, sournois,  le réel répressif jouera  le rôle de final avant que l’écran noir n’impose le silence du non-dit -(Ne pas spoiler).

A la fin de Au poste un rideau s’ouvre, se ferme. Surprise : on venait d’assister à une comédie foutraque puis  on accompagnait  les acteurs au restaurant en train d'éplucher  les critiques. du Figarock... Esquissée, déjà plus prégnante dans le Daim -où Georges se révèle piètre réalisateur apprenant son métier- sur le tas , la thématique relation et dépendance auteur/public, est ici plus amplement développée. Mais surtout Yannick nous interroge sur la pertinence de l’art dans la vie d’un être  "lambda" (et invisible), sur l’arrogance de ces fieffés acteurs (dont Pio Marmaï exploite avec verve toutes les facettes insoupçonnées). C’est en cela que le dernier film de Quentin Dupieux est très   "captivant"  (et ce, dans toutes les acceptions de ce terme) quoi qu’en disent et pensent certains spectateurs !!!!!

Reprenons : un spectateur outré par la médiocrité de la pièce, se sent floué (veilleur de nuit à Melun, il a profité de son jour de congé, pour assister après 45 minutes de transport en commun et 15 minutes à pied, à une "comédie divertissante".) Résultat ? auteur, acteurs, système l’ont  "cocufié" . On le sommerait de pactiser avec la nullité ? il risque en outre d’être encore plus angoissé…alors qu’il était venu  se  "divertir" (sens pascalien) Qu’à cela ne tienne ! Il décide de tout (re)prendre en main (armée) et à zéro (quitte à ce que le temps, l’attente ne deviennent personnages).

Venez découvrir les subtilités qu’exige l’élaboration d’un texte, les nuances des jeux d’acteurs (Pio Marmaï  « adaptant» sa diction et sa présence à toutes les « circonstances », par exemple)

Laissez-vous emporter par la performance époustouflante (sens propre) de Raphael Quenard / Yannick : qu’il soit apprenti dramaturge, contestataire bon enfant, soumis aux diktats éhontés de l’acteur lors d’un renversement de situation, attendrissant ou inquiétant, son phrasé son regard sa gestuelle,  tout chez lui -qui résonne juste- est au service d’un discours beaucoup plus politique qu’il n’y paraît….

Ne serait-ce pas  la surprise de ce film ?

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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14 août 2023 1 14 /08 /août /2023 10:01

de Frédéric Mermoud  (France Suisse 2023)

 

avec Suzanne Jouannet (Sophie Vasseur) , Marie Colomb (Diane Le Goff), Maud Wyler, (professeur en sciences physiques)  Maryline Canto (la mère de Sophie) Antoine Chappey (le père) Matthieu Rozé (l'interrogateur Polytechnique) 

Sophie est une lycéenne brillante. Encouragée par son professeur de mathématiques, elle quitte la ferme familiale pour suivre une classe préparatoire scientifique. Au fil de rencontres, de succès et d’échecs, face à une compétition acharnée, Sophie réalise que son rêve, intégrer Polytechnique, représente plus qu’un concours… un vrai défi d’ascension sociale.

La voie royale

Le film s’ouvre sur des scènes de l’exploitation familiale. Motivée, Sophie « trime » avec méthode (nourrir les porcs dont les gros plans sur les défenses de leurs mâchoires avides et le groin rosâtre envahissent l’écran) ; elle assume aussi les tâches administratives (fournir les documents adéquats pour l’obtention d’une subvention). Se dessine en filigrane le choix politique d’une société qui privilégie la grande exploitation aux dépens des petits producteurs ou éleveurs (dont la famille de Sophie qui peine à  "joindre les deux bouts".)

Lycéenne brillante en math, elle va (boostée par son prof), abandonner le projet initial -études universitaires courtes en IUT-,  et emprunter « la voie royale », celle des Classes Préparatoires aux Grandes Ecoles, en intégrant le prestigieux lycée Descartes à Lyon en MPSI.

A travers le parcours de cette lycéenne, "transfuge de classe",  c’est tout un "système" qui est radiographié, mis à nu. Celui qui privilégie méritocratie, travail forcené, celui qui -sous couvert d’égalité des chances- reproduit la société les avantages d'une classe,  les cloisonnements inamovibles, et la voie royale qui prépare les futures élites est précisément celle de la concurrence féroce. Victime de vexations et d’humiliations, victime de l’intransigeance de certains professeurs, soumise à un véritable rouleau compresseur, Sophie aura-t-elle la force de s’en « sortir » ?

Le film est bien trop appliqué dans cette démarche (dont le tempo est scandé par l’alternance entre séquences à la campagne et séquences au lycée, elles-mêmes alternant  bizutage « bon enfant » et exigences quasi surhumaines de l’apprentissage,  explosions de joie et  de souffrances,  rires et larmes, images d'élèves  statufiés, en cours, lors des "colles" ou des "contrôles" écrits et étudiants qui "lâchent prise", cadrages sur le personnage principal et vues d'ensemble sur le groupe).

Film  bien trop convenu  dans la forme, dans le propos, dans la caricature (celle du  jeune "macronien", celle de l’étudiant démuni hébété), dans les archétypes (le frère et les parents de Sophie, les parents et le frère d'Hadrien)

Cela étant il est soutenu par des acteurs talentueux dont le duo Suzanne Jouannet / Marie Colomb, Maud Wyler en prof de sciences physiques  moins sadique qu’il n’y paraît

Vous avez dit entêtée, butée ? Sophie l’est assurément ! Or si elle veut entrer à l’X c’est précisément pour changer la société, de l’intérieur, ne plus être dépendant du pouvoir captif délétère de l’argent.

En cela le film s’inscrit dans cette tendance qui se profile chez certains jeunes : dire non au formatage séculaire de l’Ecole puis à l’asservissement….. aux entreprises du CAC40.

Avoir emprunté la voie royale a dessillé les yeux de Sophie 

La voie royale un message d’espoir ??

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

« changer la société, de l’intérieur, » : Cela me fait penser à l'argument souvent avancé par les RH pour tenter de convaincre les nouveaux diplômés de rejoindre leur entreprise.

Comment peut-on imaginer qu’un jeune diplômé arrivant en « bas » de l’échelle puisse réellement « changer » une entreprise…

Même E. Faber, ancien PDG de Danone, s’est fait remercier alors qu’il essayait d’apporter un changement…

Le changement, s'il-y-a, viendra d'ailleurs.

 

Fabien 16/08/2023 11h40

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13 août 2023 7 13 /08 /août /2023 11:43

de Christopher Nolan (USA 2022)

 

avec Cillian Murphy, Emily Blunt, Matt Damon, Robert Downey, Kenneth Branagh, Casey Affleck, Florence Pugh

En 1942, convaincus que l’Allemagne nazie est en train de développer une arme nucléaire, les États-Unis initient, dans le plus grand secret, le "Projet Manhattan" destiné à mettre au point la première bombe atomique de l’histoire. Pour piloter ce dispositif, le gouvernement engage J. Robert Oppenheimer, brillant physicien, qui sera bientôt surnommé "le père de la bombe atomique". C’est dans le laboratoire ultra-secret de Los Alamos, au cœur du désert du Nouveau-Mexique, que le scientifique et son équipe mettent au point une arme révolutionnaire dont les conséquences, vertigineuses, continuent de peser sur le monde actuel

Oppenheimer

Adapté du livre "Robert Oppenheimer - Triomphe et tragédie d'un génie" de Kai Bird et Martin J. Sherwin, le film de Christopher Nolan s’intéresse surtout à l’implosion intérieure du personnage (que Cillian Murphy au regard d’acier et aux gestes chorégraphiés incarne avec maestria).

 

Trois temporalités se chevauchent pour rendre compte de ce choix :  l’ascension d’Oppenheimer de Cambridge à Los Alamos, l’audition de sécurité en 1954 et l'audition parlementaire de Strauss en 1959 Trois temporalités traitées en noir et blanc ou en couleurs -celle à valeur impressive le ressenti du personnage- sera en couleurs). Le montage au rythme souvent endiablé entraîne le spectateur de l’une à l’autre parfois sans ménagement : et c’est le premier intérêt de ce film : une fragmentation narrative où  la musique de Ludwig Göransson s'associe à tous les états d’âme du « père de la bombe atomique » : depuis ses rêveries ses cauchemars jusqu’aux « prises de position » -tardives et peut-être opportunistes ??

 

N’a-t-on pas l’impression d’assister parfois à une sorte d’opéra crépusculaire ? Le véritable enjeu du film (et les questionnements d’Oppenheimer le prouveraient aisément) est bien la dénonciation d’une arme dévastatrice pour l’humanité : le prologue citant le mythe de Prométhée, les mises en garde d’Einstein (rares il est vrai) autant de prémices à une "une histoire faite de questions et dilemmes impossibles, histoire qu’a voulu « mettre en images » le réalisateur, histoire qui nous immerge aussi dans l’époque de la guerre froide, sur fond de maccarthysme …)

 

Une mention toute particulière au traitement visuel de l’explosion : le film s’ouvre sur des images de « lave en fusion » d’une puissance inégalée, magma aux couleurs violentes que renforce la musique de Ludwig Göransson; démesure (celle de tous les Prométhée des temps modernes ?) mais au moment de l’explosion -le « fameux » essai Trinity- alors que l’on devine le stress de tous les participants en ce jour fatidique du 16 juillet 1945, à Los Alamos-, C Nolan va dissocier lumière et son, une décomposition dans la lumière blanchâtre opalescente ; couleurs désaturées en opposition à la « déflagration » intérieure (l‘épouse peut retirer les draps blancs qui séchaient sur l’étendoir !!)

 

D’indéniables « qualités » certes (interprétation et casting, traitements visuels, rythme et montage, interrogations sur les monstres créés par l’homme, rôle des USA,  leur hypocrisie, etc.) mais on peut tout aussi bien dénoncer les « failles » de la démarche : un film (très) bavard, des longueurs inutiles -relations avec la maîtresse et le fantasme des corps nus au moment de l’audience est à n’en pas douter de mauvais goût !! -, des plans cut pour la multiplicité des points de vue, fracas sonores, gros plans répétés sur le visage du personnage principal comme pour l’isoler du monde ?

 

Un professeur conseillait au jeune Oppenheimer de savoir entendre l’algèbre -comme la musique- plutôt que de la lire   

Capturer entendre la matière… que seuls les scientifiques sont à même de « voir » ?(comme l’affirme Kittie l’épouse) serait-ce -mutatis mutandis- le vœu du cinéaste ?

 

Oppenheimer a battu sa coulpe ….Mais le Mal était irréversible !

 

Colette Lallement-Duchoze

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12 août 2023 6 12 /08 /août /2023 05:26

d'Aritz Moreno (Espagne 2019)

 

avec Luis Tosar, Pilar Castro, Ernesto Alterio, Quim Gutiérrez, Belen Cuesta, Macarena Garcia, Javier Godino Gilbert Melki

 

  • Prix Feroz 2020 : meilleure comédie
  • Grindhouse Paradise 2021 : Prix du public

Helga, éditrice madrilène, vient de faire interner son mari en clinique psychiatrique. Dans le train du retour, elle fait la connaissance du Dr Angel Sanagustín qui lui fait part de ses expériences les plus fascinantes, sordides et obsédantes. Cette rencontre bouleverse Helga et la plonge dans une profonde introspection. Et ce sont bien là quelques-uns des avantages de voyager en train.

Les avantages de voyager en train

 

Vous êtes cette femme vous prenez le train du retour (la voix off, le serpent ferroviaire sinuant dans la campagne, la valise habitacle de votre « moi ») vous vous installez et voici qu’un passager vous surprend il a envie de raconter des histoires pourquoi pas ? Mais cet homme est un « psychiatre » et il connaît les bas-fonds de la gent humaine, il sait les pires fantasmes et en « racontant » les « autres » il met à nu votre propre « moi ». Dès lors se superposent, s’enchâssent des intrigues sous forme de tableaux farfelus (voire écœurants) comme autant d’approches de notre quotidien fortement « dérangé »

 

Audacieux, irrévérencieux cultivant gaiement le surréalisme à la Buñuel l’absurde à la Roy Anderson, ce film inspiré du roman d’Antonio Ojerudo est structuré en trois mouvements (avec effets de circularité) ; il imbrique plusieurs intrigues et fait la part belle aux digressions. Des sujets scabreux - zoophilie coprophagie-, des sujets sérieux et graves -violences faites aux femmes, trafic d’enfants, guerre au Kosovo-, une sorte de « dystopie » sur les déchets domestiques (plus aptes que le traçage sur internet à suivre l’individu lambda, c'est la conviction de Martin -Luis Tosar-, un schizophrène) s’inscrivant dans une problématique littéraire  -distinguo entre auteur et narrateur, entre fiction et réalité, relation personnage inventé et lecteur-(la femme Helga est éditrice), y sont traités -du moins évoqués-  avec un humour noir tel que le « mauvais goût » n’est que de façade.

En  fait l’image mentale imposée par le Verbe s’en vient créer un univers de fantasmagorie visqueuse et sanguinolente, un univers où sont abolis les repères habituels…pourtant ancrés dans un monde familier. En d’autres termes les histoires enchâssées sont déformées à la fois par le locuteur et par la perception qu’en a le destinataire ; tout le travail du réalisateur étant de « jongler » avec ces « disparités » : l’esthétique surprenante (couleurs pastel des amoncellements de déchets, cadrages audacieux) et surtout le montage (enchâssement, au rythme débridé, des trop-pleins de déviances ) témoignent d’une incontestable maîtrise !!!

 

 

Si vous refusez d’ouvrir une « boîte de Pandore » aux confins du surréel et de la nausée, alors reprenez votre valise …afin de passer outre les déjections

 

Si vous n’êtes pas choqué, dégoûté par les images morbides, si vous acceptez le mélange des genres (horreur, comédie noire), et des registres (pathétique et absurde), si vous consentez à pénétrer dans les ombres tordues et tortueuses de la (votre) psyché humaine, laissez-vous emporter !

Vous serez captif d’un wagon de surprises dont le rythme infernal épouse celui du train bolide !!

Et où le dédale mental s’est paré de tous les oripeaux du bizarre

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

 

 

 

 

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30 juillet 2023 7 30 /07 /juillet /2023 04:07

de Soi Cheang ( 2021 Hong-Kong, Chine)

 

avec Ka Tung Lam, Yase Liu, Mason Lee, Hiroyuki Ikeuchi

 

Présenté au Festival de Berlin ainsi qu’à l’Étrange Festival en 2021, ce film vient de sortir sur nos écrans (juillet 2023)

Dans les bas-fonds de Hong-Kong, un flic vétéran et son jeune supérieur doivent faire équipe pour arrêter un tueur qui s’attaque aux femmes, laissant leur main coupée pour seule signature. Quand toutes leurs pistes s’essoufflent, ils décident d’utiliser une jeune délinquante comme appât

Limbo

Voici un polar à couper le souffle :-sens propre : utilisation somptueuse du noir et blanc, plans larges étonnants, courses effrénées et chutes à répétitions dans un dédale d’ordures de saletés de flaques nauséabondes, visqueuses dont la prégnance délétère est accentuée par la bande-son, jeux de contrastes entre l’imposante verticalité des gratte-ciel de la ville et les rondeurs crépusculaires des bas-fonds -royaumes des trafics en tous genres et des brutalités, pluie incessante qui transforme le bitume, le plastique autant que les visages  …A cela il convient d’ajouter l’éclatement chronologique (le film serait un long flash back) et le jeu d’images « mentales » (Cham par exemple imagine, à partir d’un son ou d’une parole -, des scènes qui vont se succéder rapidement à l’écran ) et l’omniprésence de la violence (même dans les instants de « pause » la mort souveraine s’impose).

Pendant presque deux heures, le spectateur serait « mis à mal »???

 

Si le réalisateur a recours à des archétypes classiques (le duo de flics, la disparité de leurs méthodes, les milieux interlopes, un tueur en série fétichiste, une vengeance personnelle) il insiste simultanément sur une forme de résilience (et l’actrice incarne avec une maîtrise étonnante cette jeune femme qui veut se « racheter » et qui lutte contre les violences de tous les clans : utilisée comme appât  par les flics, elle est devenue une balance pour les « siens » les trafiquants, elle doit être châtiée) ; le choix de la « fange » des « limbes » s’en trouve pleinement justifié.

« Cham m’a chargé de te dire qu’il était désolé et qu’il te pardonne »

 

Certes on pourra toujours déplorer d’évidentes insistances voire outrances (la bagarre interminable avec le tueur, les gros plans sur les blessures, l’acharnement dans les humiliations) et des invraisemblances (cf les empreintes découvertes dans les détritus, le flic qui court comme un dératé dans le capharnaüm du cloaque, même en l’absence de ses lunettes) N’empêche !!!  

 

Limbo, un film à voir !!!

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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29 juillet 2023 6 29 /07 /juillet /2023 05:09

de Fyzal Boulifa (Maroc 2022)

 

Avec Aïcha Tebbae, Abdellah El Hajjouji, Antoine Reinartz

 

Musique originale Nadah El Shazly

Sélection Giornate degli autori (Mostra de Venise) ·

Festival de cinéma queer lyonnais Écrans Mixtes : Grand prix Mastercard et double prix d’interprétation.

 

 

Fatima-Zarah traine son fils de 17 ans, Selim, de ville en ville, fuyant les scandales qui éclatent sur sa route. Quand Selim découvre la vérité́ sur leur passé, Fatima-Zahra lui promet un nouveau départ. Ils arrivent alors à Tanger, où de nouvelles rencontres leur donnent l’espoir d’atteindre la légitimité́ qu’ils recherchent tant. Mais ces aspirations menacent la relation fusionnelle qui les lie depuis toujours

Les damnés ne pleurent pas

Un « couple » chaotique et fusionnel à la fois. Elle Fatima-Zahra la mère, outrageusement fardée -le maquillage comme écran sur un passé peu glorieux ?-, croqueuse d’hommes, cabotine et pétulante à souhait et fière de l’être ; lui Selim 17 ans, taiseux et fougueux tout à la fois, l’enfant orphelin de père, en quête d’identité et de… travail. (Duo interprété par deux acteurs non professionnels Aïcha Tebbae et Abdellah El Hajjouji) Après des errances, de ville en village, après les "révélations"  comme autant de coups de poignard pour le fils, de déconvenues en déconvenues, l’escale à Tanger sera-t-elle la promesse d’un « nouveau départ » ? C’est un des enjeux de la narration !

Aux déplacements dans l’espace (le duo de damnés, forcément marginalisés, trimbale ses baluchons dans des installations provisoires) répond en écho le va-et-vient sentimental entre fusion et rejet; aux " occupations"  de la mère répondent celles du fils qui découvrira son homosexualité dans les bras d’un « chrétien blanc » (lequel représente ces « colons » friqués en quête d’expériences sexuelles tarifées ; mais son « portrait » est  nuancé !!)

Le réalisateur d’origine marocaine et vivant en Angleterre inscrit ainsi son film dans un contexte socio-politique précis (le poids des traditions, la vie dans les riads et l’homosexualité, le prototype du « bon musulman » polygame en la personne du chauffeur de bus) mais sans vraiment s’appesantir : l’essentiel est cette force qui émane du couple mère/fils: souvent désaccordé (damnés qui ne pleurent pas !!! et si larmes il y a, elles sècheront toutes seules) la force de l’espoir, de l’amour authentique qui survit malgré tous les malgré

En revanche Fyzal Boulifa, rend très palpable le sentiment de la honte. Ecoutons-le,  interviewé par le magazine Têtu: "(la honte) c’est pour moi la vraie thématique de fond du film! C’est la honte qui rend leur relation si volatile et si instable, et les empêche d’accepter l’autre. Leur relation est le reflet de la violence qui habite la société marocaine, et dont la honte est un moteur. On retrouve par ailleurs ces thématiques dans le cinéma de Douglas Sirk et de Fassbinder, où la société est critiquée grâce aux émotions intimes des personnages. La honte est un problème majeur, que ce soit au Maroc ou ailleurs. Quand on est gay, la honte est toujours présente, même en Angleterre, où les derniers scandales touchant des animateurs télé ont été la source de déferlements de haine"
"être out, au Maroc n'est pas possible. C'est pourquoi, dans ce film, je me suis concentré sur la construction et l’expression du désir chez des personnages issus de milieux et de culture différents"

 

Un film que je vous recommande !

 

Colette Lallement-Duchoze

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28 juillet 2023 5 28 /07 /juillet /2023 05:51

de Francisca Alegría  (Chili 2022)

 

avec Leonor Varela (Cecilia), Mía Maestro (Magdalena), Alfredo Castro (Enrique), Luis Dubó (Victor), Marcial Tagle (Bernardo), Laura Del Rio Rios (Alma), Enzo Ferrada Rosati (Tomas), Benjamin Soto (Pablo),

 

présenté au festival du film de Sundance 2022 (section word dramatic competition) 

Cecilia, chirurgienne à la ville, doit revenir précipitamment avec ses deux enfants à la ferme familiale où vivent son père et son frère dans le sud du Chili. Au même moment, des dizaines de vaches sont frappées d’un mal mortel et la mère de Cecilia, disparue depuis plusieurs années, réapparaît.

La vache qui chantait le futur

Mêler onirisme et réalisme rural, fable écologiste (et écologique) et portrait intimiste familial, rêverie fantastique et réflexion sur le « futur » de la planète, est un pari à la fois courageux et « casse-pipe » Tout étant dans l’équilibre entre ce qui est dit montré et ce qui est suggéré, soit entre une narration pertinente et crédible et une suggestion « poétique »

 

 

Dans le premier long métrage de Francisca Alegria, l’eau omniprésente est déclinée dans TOUTES ses acceptions : principe de Vie mais aussi force impétueuse qui charrie les produits toxiques d’une usine ; élément qui en ses abysses fait se "réconcilier"  Magdalena la revenante et sa fille Cecilia - et le film pourrait se donner à voir et à lire comme une authentique ode à la « maternité »- L’œil de la vache filmé en très gros plan est à la fois  miroir et palimpseste  sur lequel Cecilia, à l’écoute des lamentations animales et prodigue en caresses et murmures, lit à  la fois la douleur du présent et  la "promesse"  d'une "aube nouvelle" (?)  L’ambiance nocturne, les effets des clairs obscurs en intérieur, des masses verdâtres d’où clignote l’étincelle en extérieur, alors que la surface des eaux et de l’humus se ride, ou les effets des ombres portées, (il faut saluer le travail du chef opérateur Inti Briones) , les meuglements de panique torturante ou les voix de la Nature gémissante, chœur antique et chorale moderne  (la musique de Pierre  Desprats illustre l’aspect à la fois sensoriel et mystique de cette « fable »),  tout cela participe à l’atmosphère d’étrangeté; alors que  le message est assez « limpide » : en dénonçant l’hyperactivisme de  puissances industrielles qui bafouent et rompent l’équilibre écologique, la cinéaste revendique une  forme d’écoféminisme ....sur fond de chronique familiale

 

Mais à force de vouloir trop « montrer » (les manifestations d’écolos, le fils de Cecilia Tomas et le changement de "sexe" , les mâles (le père le frère) coupables de domination patriarcale), à force de courtiser l’irréel (résurrection de la mère Magdelena, hors des eaux boueuses, parallélisme entre elle et la Nature, bafouée exploitée, vaches transfigurées, devenues "le corps exploité du féminin, de la maternité de l’abondance de la Terre") à force d’entremêler systématiquement toutes les thématiques la réalisatrice  aurait-elle cédé aux « sirènes de l’air du temps » ? Usé et abusé du fameux réalisme magique latino-américain… ?

 

Peut-être !  

 

Je vous laisse juge

 

Colette Lallement-Duchoze 

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27 juillet 2023 4 27 /07 /juillet /2023 09:22

de Marie Garel-Weiss (2022)

 

avec Daphné Patakia, Benoït Poelvoorde, Agnès Jaoui, Raphaël Quenard

Mimi a presque trente ans et rêve toujours à ce qu’elle pourrait faire quand elle sera grande. Alors qu’elle se décide à chercher du travail, elle fait la connaissance de Paul, un avocat sur la touche. Ensemble ils vont tenter de défendre Christophe, un petit arnaqueur qui clame son innocence. Si Paul voit dans cette affaire un moyen de se refaire, Mimi y voit, elle, une mission, un chemin vers la justice et la vérité.

Sur la branche

 

Une pépite inconnue s'est posée sur nos écrans de cinéma en ce mois de juillet : Sur la branche d'une réalisatrice surprenante Marie Garel-Weiss.

D'abord saluons Ferdinand Berville co-auteur du très bon scenario. Au centre l'actrice Daphné Patakia délicieuse de naturel déjanté, illumine par la justesse de son jeu et son rôle si bien construit qu'on aimerait que tout le monde lui ressemble.

Daniel Poelvoorde qui énerve parfois dans d'autres films en surjouant, est cette fois extrêmement bien dirigé et émeut.

 

On rit, on est fasciné(e) par le charme, la poésie qui se dégage de Mimi le personnage original, trentenaire délicate ;  à la fois lunaire mais efficace dans son généreux projet de libérer de prison une victime d'injustice, interprété si finement aussi bien dans les paroles que les silences.

 

Bref, au milieu des films glauques de cet été, ce film sans publicité ravit, on s'y sent bien, une bouffée de bien-être nous emplit et tant pis s'il pleut en sortant du cinéma.

 

A voir pour le grand plaisir de s'embellir le moral.

 

 

Serge Diaz

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26 juillet 2023 3 26 /07 /juillet /2023 05:36

de Hong Sang-Soo (Corée du Sud 2022)

 

 

avec Ki Joo-bong, Kim Min-hee, Song Se on-mi, Park Mi-so, Kim Seung-yun, Ha Seong-guk

 

Présenté au festival de Cannes 2023  Quinzaine des Cinéastes 

Synopsis : Deux conversations en alternance à Séoul : une ancienne actrice est sollicitée par une débutante tandis qu’un vieux poète reçoit un admirateur. Les deux vedettes esquivent les questions existentielles de leur interlocuteur, la première songe à sa récente reconversion et le second bataille avec son sevrage d’alcool et de tabac.
DE NOS JOURS…, à la manière d’un haïku, invite à guetter ce qui importe intimement, ce qui fait le sel, chaque jour, de notre vie.

De nos jours

J'ai rêvé  qu’une fleur  me parlait  (Sungwon  l’ex actrice) 

 

Deux portraits croisés (une actrice à succès reconvertie dans l’architecture, un poète vieillissant célébré par la jeunesse et qui fait l’objet d’un film documentaire) filmés en une vingtaine de plans, deux récits en alternance, deux conversations apparemment distinctes sur la transmission, mais avec des échos, des points communs ou des effets miroir (les deux appartements, les deux  "apprentis comédiens"  la présence de la guitare, les procédés d’attente, les nouilles pimentées, les questions sur le sens de la vie, les jeux de séduction -terriblement sournois malgré les sourires de circonstance) -

Ainsi d’une séquence à l’autre, d’un appartement à l’autre, d’un trio à l’autre, -et le spectateur est guidé par les informations qui s’affichent en bas de l’écran -encore que parfois il y a discordance entre le texte informatif et la séquence  qui suit…!!, voici des  " situations" qui frappent par leurs  similarités- et comme à l’accoutumée voici une exploration des   "possibilités formelles de la narration cinématographique"  (recadrages, brusques zooms avant, c’est la spécificité du cinéaste sud-coréen). Ici il s’agit de transmission (talent et passion) et alors même que les deux personnages de référence esquiveraient les questions existentielles,  ils s'accordent sur un précepte/principe  "vivre sans se mentir à soi-même", professent un "art de vivre"  de type épicurien , (l'ex actrice est en "post-dépression" et  le poète privé d'alcool et  de tabac peine à respecter son sevrage thérapeutique!!!)  …. Art de vivre teinté d’humour dont témoignent entre autres la séquence du jeu pierre-feu-ciseaux ou le dernier plan avec un zoom avant sur le poète, alors que par-delà sa terrasse s’éploient majestueusement les toits de la ville

 

J’ai vu de jeunes spectateurs quitter la salle…. Il est vrai que le Verbe est primordial, que le dispositif narratif et scénique à la Rohmer peut dérouter, que les questions apparemment naïves du jeune admirateur  comment on transmet les expériences? « Pensez-vous que la poésie est essentielle à notre époque ?« c’est quoi l’amour ? » ou « c’est quoi le sens de la vie ? et qui suscitent un rire moqueur, participent en fait (à) d’une forme d’autodérision,   

 

Même si De nos jours est empreint de  drôlerie (cf les contradictions des personnages "consultés") et qu’il déploie une charte du " savoir-vivre",  ce n’est assurément pas (pour moi tout du moins) le film le plus convaincant de ce réalisateur prolifique (cf Ha ha ha, Turning gate, Un jour avec un jour sans, Hotel by the river et surtout le très beau Le jour d’après où le traitement du noir et blanc  était  digne d’une estampe)

 

Colette Lallement Duchoze

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