19 mai 2024 7 19 /05 /mai /2024 03:49

de  Quentin Dupieux (2024)

 

avec Vincent Lindon (Guillaume)  Raphaêl Quenard (Willy)   Louis Garrel, (David) Léa Seydoux (Florence) Manuel Guillot (Stéphane) 

 

 

Festival de Cannes 2024 (Ouverture) 

Florence veut présenter David, l'homme dont elle est amoureuse, à son père. Mais David n'est pas attiré par elle et souhaite s'en débarrasser en la jetant dans les bras de son ami Willy

Le deuxième acte

« On peut se détendre la nouille un peu là ? Non justement elles sont hyper tendues les nouilles (Willy et David)

On n’est plus dans les années 80 là, on s’en branle de ces petites histoires d’amour! (…) On n’est pas sur le Titanic là. Le naufrage, il est mondial! On est tous en train de couler (Guillaume à Florence)

 

Auteur prolifique Quentin Dupieux l’est assurément: Le deuxième acte est sa troisième création en 10 mois, Et quand la prolixité devient "personnage" (film bavard avoue ironiquement le cinéaste) la prestation des acteurs  doit être exemplaire -pari réussi avec mention spéciale pour Vincent Lindon et Raphaël Quenard

 

Logorrhée verbale où s’entrechoquent tous les ferments et ingrédients de « problématiques très contemporaines » celles liées à l’industrie cinématographique, à la création, à l’acteur, mais aussi aux tendances négatives de notre société. Et voici que s’invitent -pêle-mêle ?- les ravages de l’IA, la porosité de la frontière entre réalité et fiction, l’homophobie et #MeToo , le carriérisme l’individualisme et l’ego surdimensionné des acteurs, le comportement (b)ovin des individus, dicté en partie par l’omniprésence et l’omnipotence de l’image dans une société voyeuriste (un malheur ? une mort ? clic je l’enregistre dans ma galerie IPad )

Or la critique à peine corrosive met TOUT sur le même plan d’autant que l’absurde, le farfelu ou le fantastique (cf le rat baveur, le pneu psychopathe) ont déserté le plateau (hormis le grotesque d’une salle d’op…)

 

Saluons en revanche la mécanique -savante- de la construction ; loin de cette  paresse puérile que l'on reproche parfois au cinéaste

Les duos Willy/David et Florence/Guillaume se répondent en miroir -avec les mêmes effets de rupture quand un des protagonistes s’écarte du rôle qu’il doit interpréter, vitupérant la création cinématographique, revendiquant haut et fort son statut d’acteur accompli exigeant ou se lamentant du peu de considération dont il est l’objet ou encore professant des stupidités

La séquence liminaire -une voiture dans une ambiance crépusculaire ou pré-aurorale, un chauffeur en sueur extrême, un restaurant « le deuxième acte » sis dans un lieu improbable- et voici qu'entre en scène ( dans le cadre) le « figurant » dans le « rôle du serveur ; un serveur tétanisé  qui n’en finira pas d’en finir avec ses tremblements (le comique de répétition saturé et saturant dérivant vers le tragique -un faux suicide-) Vilipendé moqué -par les acteurs « prestigieux» - il n’en était pas moins l’élément fédérateur (convergence de tous les protagonistes et d’autres figurants faussement attablés). Leçon ? ? Jouer la comédie est un métier cruel, on peut y laisser sa peau....

Le film n’est que mises en abyme (entendons une mise en abyme d’une mise en abyme) La palme ? Quand Vincent Lindon censé quitter le plateau de la fiction se pare d’une fausse moustache et se grime, avec cet œil/miroir qui  reflète un monde « bien à l’envers » : Être dans le vrai, le prétendu réel, serait-ce changer de « masque » ?

Aux longs travellings du début vont répondre en écho ces rails qui n’en finissent pas d’être filmés ; rails qui auront servi à la fiction, rails qui in fine immergent le spectateur dans l’envers du décor, les coulisses du tournage, circulez il n’y a rien à voir (ou plus rien à voir ?)

Une épate narrative que cette peinture difforme de la réalité ….cinématographique? D’une réalité où « l’illusion d’un ordre est abolie ? La bande annonce -succession rapide des acteurs chacun s’attribuant le rôle phare… sans extraits du film et le dessin de l'affiche  étant censé.es  " guider"  le public

 

Serez-vous Yannick dans votre appréciation?

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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17 mai 2024 5 17 /05 /mai /2024 11:14

Documentaire réalisé par  Mehran Tamadon (France Suisse 2023)

 

 

45e Festival International du film documentaire “Cinéma du Réel” (2023)

 

cf Mon pire ennemi - Le blog de cinexpressions

 

 

Taghi, Homa et Mazyar ont été arrêtés et interrogés par le régime iranien. Tous les trois témoignent avec leurs corps, avec leurs gestes, et racontent ce que signifie résister, ce que signifie craquer. Y a-t-il un espoir que le tortionnaire renoue un jour avec sa conscience ?

Là où Dieu n'est pas

Le film s’ouvre et se ferme sur des rues à Paris et sur le ciel où l’on peut lire le titre « là où Dieu n’est pas ».

Mais l’essentiel va nous « enfermer » dans les pièces d’un bâtiment désaffecté où tout sera reconstitué  de façon artisanale: barreaux peints à la peinture blanche, tasseaux de bois pour délimiter l’espace très étroit d’une cellule, sommier métallique, choix d’un câble aux filons assez souples pour « lacérer » les pieds, confection d’un cercueil où Homa va reposer ; et lors de ce processus de « fabrication » auquel tous participent (le spectateur est mal à l’aise) le réalisateur s’entretient avec les protagonistes : voir ressurgir les instruments de torture ne peut que raviver et la mémoire et les traumas. Et quand la parole prend le relais Homa Kalhori craque (elle avoue avoir consenti in fine à porter le voile, avoir « pactisé » avec l’ennemi en étant la « gardienne d’une section de la prison après sa pseudo-conversion ; s’interroge encore sur ce processus de réification de néantisation)

 

Le réalisateur est toujours à leurs côtés ; dans le cadre ou hors champ il guide propose d’interrompre, console Homa en l’enlaçant, il se met aussi à la place du torturé (allongé sur le lit poignets entravés genoux repliés voûtes plantaires dégagées) Les yeux souvent bandés à l’époque des tortures, Homa Taghi Mazyna vont faire appel à leurs sens auditif et olfactif pour « restituer » ce qu’ils ont enduré dans leur chair leur être tout entier (chants bruits gueulantes humiliantes des bourreaux)

Les trois ont été torturés dans la sinistre prison Evin (à la réputation aussi sulfureuse que d’autres prisons que le régime soit dictatorial ou  …. démocratique   avec les mêmes dénégations officielles quand on en dénonce l’arbitraire et l’outrageante entreprise de déshumanisation …là où les interrogatoires, prétendument destinés à soutirer des « aveux » ( ?), virent aux abus viols tortures exécutions, l’ensemble savamment maquillé !!!

 

Situation éprouvante et gênante pour le spectateur (dans la position ou posture du « voyeur ») Spectateur qui ne peut souscrire aux propos du réalisateur : destinée aux bourreaux, sa « reconstitution » aurait une vertu cathartique (et d’ailleurs Taghi se moque « gentiment » de cette naïveté ;  on sait que les bourreaux sont persuadés « être du « bon côté » (on se souvient du film de Rithy Panh S21 la machine de mort khmère rouge et des témoignages glaçants) Spectateur qui s’interroge sur la nécessité, la pertinence et l’efficacité d’une telle démarche… l

La réponse est précisément dans la réaction de ces « héros ordinaires » ; ils ont du mal à « incarner » les bourreaux ils s’isolent réfléchissent puis (du moins Mayzar) affirment que reconstituer les scènes de torture c’est révéler aux gens ce qui se passe réellement dans leur pays Il rejoue les aveux extorqués et cette mise en abyme par l’image, et par extension le cinéma, se donne à voir/lire dans son double pouvoir de « vérité » et de « manipulation, Mystificatrice» Le torturé qui avait les yeux bandés voit pour la première fois la position dans laquelle il était comme si la peur quittait son corps Mayzar Ebrahimi  souffre encore des séquelles des coups reçus ; or cette douleur fait surgir « du corps une force de réaction insoupçonnée »  «C’est dur de faire de la prison sans s’illusionner” "jouer un rôle ça permet de témoigner de comprendre l'autre"

 

Colette Lallement-Duchoze

 

Là où Dieu n'est pas

Mazyar Ebrahimi reconstitue les conditions dans lesquelles il a été torturé, avec le réalisateur comme cobaye volontaire. | Survivancsens

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16 mai 2024 4 16 /05 /mai /2024 06:30

 De Joao Salaviza et Renée Nader Messora. (Brésil 2022)

Avec· Ilda Patpro krahô Patpro  Francisco hyjnõ krahô, Hyjnõ, Solane tehtikwyj krahô Jotàt, Raene kôtô kraho kôtô, Débora sodré Debora , Luzia Cruwakwyj krahô Crowrãkwyj

 

 

Couronné par le prix d’Ensemble au festival de Cannes 2023 Section Un certain regard

A travers les yeux de sa fille, Patpro un membre de la tribu des Karahô, va parcourir trois époques de l’histoire de son peuple indigène, au cœur de la forêt brésilienne. Inlassablement persécutés, mais guidés par leurs rites ancestraux, leur amour de la nature et leur combat pour préserver leur liberté, les Krahô n’ont de cesse d’inventer de nouvelles formes de résistance...

La fleur de Buriti

Long poème souvent chanté et dansé, ce film très militant entrelace le document ethnographique, la revendication politique écologique, la reconstitution fictionnelle, avec un mélange de réalisme de naturalisme et d’onirisme.

Le montage a ceci de mystérieux et de convaincant -pour certains- de spécieux- pour d’autres- qu’il met sur le même plan des temporalités et des points de vue différent.es. Trois périodes trois points de vue trois approches. (dont celles du jeune Ilda Patpro Kraho, de Hyjno Kraho et de sa femme Luzia Cruwakwyj Kraho) Et la récurrence du procédé de surimpression (deux plans du même personnage dans le même cadre, l’un immobile l’autre en mouvement) en créant une sorte de dédoublement participe de ce choix

L’ouverture est consacrée à ce chant venu du fond des âges échos feutrés d’antiques cosmogonies et de mythes fondateurs ; une prose poétique à la gloire de Crowrà, la fleur de Buriti (nom que portait la grand-mère d’un chef de village qui enfant avait vu toute sa famille se faire massacrer par les gens des villes et les agriculteurs)  Le film dans son ensemble n’est -il pas une ode psalmodiée avec une perspective animiste (cf l’interpénétration des règnes et des espèces avec des zooms ou des plans rapprochés  sur la cohabitation; mode de vie qui perdure par-delà les époques, mode de pensée qui glorifie forces chtoniennes et cosmos originel) ?

Et quand les mêmes personnages (ceux du présent que filme avec empathie le couple de cinéastes) vont « interpréter » des rôles « historiques » (avec insertion d’images d’archives en noir et blanc) on comprend l’intention des réalisateurs: non pas faire œuvre d’historiens mais chanter la persistance d’un mode de vie singulier qui a dû affronter la cruauté barbare des « prédateurs », ceux qui ont cherché- et cherchent encore-  à s’approprier les terres en massacrant leurs habitants….

Et ce n’est pas pur hasard si à la scène liminaire (douleurs de la parturiente) répond en écho au final la scène de l’accouchement (on entend les voix bienveillantes des femmes avant que l’être nouveau ne s’approprie le sein tutélaire et nourricier) Naissance et survie. Et comme entre temps il y aura eu cette marche à Brasilia, par un effet spéculaire l’accouchement acquiert une dimension plus universelle

Un environnement d’une luxuriance sidérante celui du nord-est de la forêt amazonienne état du Tocantins où vit la tribu Krahô -un groupe d’environ 2000 personnes- contrastant avec les échappées urbaines où les représentants de la communauté vont plaider leur devenir à Brasilia. Car ce film/documentaire met en exergue deux « projets différents pour le monde » soit deux « visions différentes du futur du monde » Si les Krahô ont accepté une forme de « modernisation » (utilisation de portables pour communiquer par exemple) ils militent pour préserver l’environnement, refusant de le laisser saccager en énièmes exploitations agricoles, ils plaident pour l’acceptation de « l’autre » (cf les banderoles et les slogans qui fustigent la politique de l’agronégoce du président Bolsonaro) (à noter ici que depuis le tournage le président Lula a été réélu et qu’une militante dont on a entendu la prise de position à Brasilia a été nommée ministre…)

Voici un feu avec ses braises mais aussi ses volutes de fumée. Horizontalité et verticalité, puissance tellurique et voûte céleste vont se conjuguer dans le rouge et l’évanescent, le rêve et le cauchemar (l’enfant et sa prescience du malheur que la berceuse d’une mère aimante tente de consoler)

Le feu tel un foyer protecteur, le feu et ses dévastations infligées par les tenants du "profit à tout prix" 

Le feu - ouverture et clôture du film – dont les crépitements et l’incandescence font entendre la voix des Anciens …

Lenteur du rythme, beauté sculpturale des êtres humains et des vivants piliers que sont les arbres, somptuosité des couleurs (vert émeraude, ocre brun, rouge vif bleu céruléen) lumières diffractées chants mélopées tout dans ce film  semble renouer avec une des fonctions majeures du cinéma "révéler d'autres mondes" 

A ne pas manquer !

 

Colette Lallement-Duchoze

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14 mai 2024 2 14 /05 /mai /2024 08:16

de Juan  Sebastiàn Vàsquez  et Alejandros  Rojas  (Espagne 2023)

 

avec Alberto Ammann Diego Bruna Cusí Elena Ben Temple Agent Barrett Laura Gómez Agent Vásquez Gerard Oms Un passager Colin Morgan Un agent de la Police des Frontières

 

Angers festival Premiers Plans 2024 Prix d’interprétation féminine (Bruna Cusi) et Grand prix du jury

Un couple de trentenaires barcelonais décide de s’établir aux États-Unis – pourquoi pas eux ? Elena est une talentueuse danseuse et Diego, originaire du Venezuela, peine à trouver un emploi stable. Avant de s’envoler vers la Big Apple, le couple signe un acte d’union civile. Cependant cet accord va leur causer des problèmes. Arrivé à l’aéroport, le couple est interpellé. La police des frontières soupçonne d’entrée de jeu une union arrangée pour passer la frontière. Le duo se retrouve pris au piège par les soupçons qui les assaillent

Border Line

Huis clos, thrillers de bureau, les films- interrogatoires reposent sur une tension qui jamais ne doit faiblir grâce à une progression savamment dosée avec éventuellement changement de perspective. Pari réussi pour le duo Alejandro Rojas et Juan Sebastián Vasquez  avec  Border line (un film inspiré des difficultés rencontrées -c’est un euphémisme-  à la police des frontières américaine  " Il est né des nombreuses fois où nous nous sommes rendus, nous Vénézuéliens, aux États-Unis. Mais aussi des témoignages de nos familles et de nos amis. [...] Ce qui nous intéressait, c’était de raconter au grand jour ce qui, généralement, se déroule derrière les portes closes des aéroports."

 

La scène préliminaire (le couple à l’arrière d’un taxi à Barcelone, en partance pour l’aéroport) est placée sous le signe de la joie exubérante ; puis voyage en avion (Elena dort, mais Diego semble stressé) ; arrivée aéroport International de Newark (New Jersey) passage douane, guichet 18 (passeports empreintes) et voici que le temps qui s’étire devient anxiogène…Ce que vient corroborer la nécessité d’un contrôle (en fait interrogatoire) plus « élaboré » ; l’attente du spectateur se confond astucieusement avec celle du couple (suspicion sur la politique américaine d’immigration très stricte ; n’avait-il pas entendu dès l’ouverture, dans le taxi, la voix de Trump vantant les bienfaits du mur à la frontière avec le Mexique ???

 

Se met en place un dispositif resserré -exiguïté du lieu clos, lumière artificielle, plans fixes, champ contre champ- caméra peu mobile mais suffisamment pour capter regards hésitations gestes (qui rendent compte des « états d’âme » des deux protagonistes) et quand la porte s’ouvre avec l’entrée d’un nouvel agent qui coïncide avec la sortie programmée et éphémère d’Elena ou de Diego c’est pour mieux enfermer l’interrogé dans ses contradictions

Questions comme autant de menaces insidieuses proférées par des agents -seuls habilités à donner ou non le « feu vert » Questions qui, sur un ton de plus en plus ferme, cherchent à déstabiliser (Diego est-il vraiment amoureux d’Elena ? lui qui a déjà été fiancé …), à « rabaisser, humilier », en mettant en doute l’amour filial (Elena consentirait à vivre éloignée de ses proches elle qui se prétend fille aimante ??) en violant l’intimité (désir d’enfant, fréquence des rapports sexuels)

 

Cruauté et dévoilement ; question et accusation ; enfermement et reddition ; couple qui se fissure…dans un huis clos de plus en plus oppressant

Et un spectateur impliqué de bout en bout dans une entreprise humiliante de réification

 

Bienvenue …au pays du rêve / cauchemar

 

A ne pas manquer

 

Colette Lallement-Duchoze

 

Ps Laura Gomez triomphe dans le rôle d’agent ?  "nous avons remarqué que généralement, quand nous passions l’immigration en arrivant aux États-Unis, les agents qui nous traitaient le plus mal étaient des Latinos (…) Ils s’intègrent à un système totalement déshumanisant et se comportent de manière encore plus américaine que les Américains"  (Alejandro Rojas )

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14 mai 2024 2 14 /05 /mai /2024 04:01

de Shinya Tsukamoto  (Japon 2023)

 

avec Shuri Mirai Moriyama, OgaTsukao, Hiroki Kono3)

 

 

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le Japon tente péniblement de se relever et de panser ses blessures. Unique survivante de sa famille, une jeune femme passe son temps enfermée dans le bar délabré qui lui sert de refuge. Un jour, elle voit débarquer un petit orphelin chapardeur et un jeune soldat démobilisé. Entre ce trio atypique, un semblant de vie de famille commence à s'installer. Hélas, les traumatismes de la guerre auront tôt fait d'anéantir ce bonheur fugace.

L'ombre du feu

L'ombre du feu ou le théâtre de la cruauté

Le trauma de la Seconde Guerre mondiale est encore prégnant dans l’imaginaire collectif au Japon (message non subliminal) .Le réalisateur, dans ce film de "reconstitution" et dont le titre est un bel oxymore,  dénonce la déshumanisation liée à cette tragédie  à travers le parcours d’un gamin orphelin.

Quelle étrangeté et quelle singularité dans sa façon de filmer! car en alliant lenteur et minimalisme, réalisme et onirisme, l'esthétique peut verser dans l'esthétisme  - Ambiances cuivrées d’un sordide lieu refuge, extérieurs bleutés, cours des miracles pour ces rescapés définitivement fracassés; netteté de certaines images (due au numérique) récurrence de certains procédés (dont la surimpression) , et parfois dolorisme – dû à l’omniprésence de la cruauté, qui envahit le réel le souvenir le rêve et qui peut mettre à rude épreuve le spectateur

La première partie par l’unité de lieu d’action est un huis clos théâtral et claustrophobe : la jeune femme… prostituée seule occupante de ce bar calciné tente provisoirement de « refonder » une famille avec un soldat de passage démobilisé et un orphelin chapardeur ; mais les cauchemars et traumas auront raison de cette éphémère illusion  ( le hors champ reste très prégnant  : ravages de la guerre, bruits détonants et qui détonnent.) Puis le gamin s’émancipant va suivre un « inconnu » avide de vengeance (le pistolet chapardé en sera l’instrument) avant de revenir sur les lieux (la jeune femme atteinte d’une maladie contagieuse, contrainte de survivre dans le « noir » l’accompagne de ses vœux (travailler honnêtement sans « voler » ); le gamin mettra-t-il à profit ces « pieuses » requêtes ? Une toute dernière séquence comme une ouverture ? Or le gros plan sur le visage du commerçant "prédateur" et "exploiteur" dit les ravages du capitalisme ... sauvage !

Restera gravé le visage de ce gamin (Oga Tsukao)

Un enfant au silence si mature!

Au regard magnétique…  substitut de la parole

Son passé ? les cauchemars qui hantent ses nuits…

Son présent ? l’’ombre du feu ?...

Son futur ? une prière comme un flux mémoriel à venir ?

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

Attention dernière séance mardi 14 mai 19h30 salle 8 Omnia

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13 mai 2024 1 13 /05 /mai /2024 04:04

de Stéphane Demoustier  (2023)

 

avec Hafsia Herzi, Moussa Mansaly, Florence Loiret Caille Michel Fau Louis Memmi

Melissa, 32 ans, surveillante pénitentiaire expérimentée, s'installe en Corse avec ses deux jeunes enfants et son mari. L'occasion d'un nouveau départ. L'intégration de Melissa est facilitée par Saveriu, un jeune détenu qui semble influent et la place sous sa protection. Mais une fois libéré, Saveriu reprend contact avec Melissa. Il a un service à lui demander. Une mécanique pernicieuse se met en marche.

Borgo

Ici, ce sont les détenus qui surveillent les gardiens et non l’inverse

Un film dont la dynamique interne repose sur une forme de dualité, d’ambivalence grâce à des effets spéculaires : Voici la Corse en tant que territoire et en miroir la prison, tel son microcosme avec ses codes sa hiérarchie ses non-dits. Voici l’enquête sur un double assassinat, menée par le commissaire et le décrypteur de caméras de surveillance et en parallèle la « vie » de Melissa à la fois familiale et professionnelle comme matonne à la prison Borgo. Soit deux temporalités traitées en montage alterné, temporalités d’abord éloignées l’une de l’autre et de plus en plus intégrées au « présent ». Sur le plan formel cette  « apparente dualité » se manifeste aussi dans le télescopage des images prises in situ avec celles visionnées sur écran.

Mais la dynamique principale est bien le glissement d’abord pernicieux puis assumé vers l’illégalité (Melissa se sent « redevable » - son voisin de palier raciste n’importunera plus son mari, grâce aux « potes » détenus de la prison- et malgré des réticences elle consentira à divulguer des infos ….sans connaître leur issue tragique)

Oui le film est bien mené (tant en extérieur qu’à l’intérieur de ces murs qui crissent ou crépitent de ces bruits assourdissants de serrures …) et la musique de Sarde participe à la fois de la structure et du rythme

Oui Hafsia Herzi est impériale en matonne filmée de face ou souvent de dos, droit(e) dans son uniforme, en mère de famille imposant respect et obéissance, en épouse -finement rusée ou aimante-, et quand l’alcool aidant elle risque de « lâcher prise » personne n’osera profiter de la situation…

Oui l’ambivalence est souveraine même dans cette « spirale transgressive »

On devine qu’avec le « retour » sur le continent (dernier plan où se conjuguent mais pour mieux se « séparer » la mer et les montagnes de l’île) ce sera un nouveau « départ » (l’épisode corse ayant failli aux attentes de Melissa et Djibril …)

Est-ce pour autant un film " incontournable" ?

On peut en douter.....

 

Colette Lallement-Duchoze

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12 mai 2024 7 12 /05 /mai /2024 08:11

Documentaire réalisé par Mehran Tamedon (France/Suisse 2023)

 

avec le réalisateur et Zar Amir Ebrahimi

 

 • Festival de Film de la Villa Médicis • Rome (Italie) • Prix du meilleur film 2023

• Terra di Tutti Film Festival • Bologne (Italie) • Mention spéciale 2023

• FIFAM - Festival International du Film d'Amiens • Amiens (France) • Grand Prix (ex æquo) & Mention spéciale Prix du jury étudiants

 

Mehran Tamadon vit en France depuis de nombreuses années. À titre expérimental, il demande à des artistes iraniens en exil de l'interroger comme pourrait le faire un agent de la République islamique. L'un d'entre eux, ayant une connaissance directe de ces mauvais traitements, accepte le défi.

Mon pire ennemi

Mon dernier film, Iranien, se termine par mon interdiction de retourner en Iran. Avec Mon pire ennemi, je mets en place un dispositif cinématographique, cette fois en France, pour me frayer un chemin de retour en Iran : il s’agit de me prêter au jeu d’un interrogatoire, tel que les autorités iraniennes pourraient me le faire subir. Contrairement au précédent, ce film s’achèvera, je l’espère, par ma liberté de circuler entre mon pays d’origine et le pays où je vis. » (Mehran Tamadon)

 

Dès le début le réalisateur tel un élève appliqué fait part de son projet, met en place un casting mais se heurte à des fins de non recevoir ou à des essais peu convaincants. C’est alors qu’entre en scène (dans tous les sens de l’expression) l’actrice Zar Amir Ebrahimi

Une maison située dans la banlieue parisienne (délabrée ou du moins vétuste dans sa pseudo modernité avec ses ampoules nues, son mobilier sommaire, son inconfort) sera le décor de « l’entreprise d’avilissement » (c’est ainsi que Sartre définissait la torture dans son essai sur « la situation de l’écrivain »). Et dans les derniers plans du documentaire le vide de cette maison (travellings passage d’une pièce à l’autre) sera forcément habité…

La tortionnaire/bourreau est donc interprétée par l’actrice Zahra Amir Ebrahimi, (prix d’interprétation féminine pour Les nuits de Masshad Cannes 2022) elle-même victime de tortures en Iran …; et le réalisateur interprète son propre rôle de victime, torturé

En l’absence de toute contextualisation, triomphe l’arbitraire. Sadisme savamment calculé (insinuations, invectives, propos comminatoires) mise à nu (sens propre et figuré) pour extorquer des (prétendus) aveux ; glissement perceptible dans la  "destruction de l’humain" ; la victime (par la violence psychologique surtout) perd la "maîtrise" ; aux rires francs puis étouffés succède une apparente capitulation non pas celle de l’aveu (il n’y a rien à avouer) mais celle de la déshumanisation en plein mode opératoire. La tortionnaire semble « jouir » du pouvoir dont elle est investie et pour reprendre les propos de Sartre se châtie dans le corps de sa victime des soupçons et du mépris qu’il(elle) éprouve à l’égard de l’homme et de la foi qu’il(elle) a perdue en sa propre humanité. Et l’actrice n’avouera-t-elle pas avoir ressenti à un moment le pouvoir insidieux de la  contamination … la situation est plus décisive que le caractère des individus (comme si la simulation avait fait émerger ce quelque chose d’enfoui et qui s’apparenterait à des velléités de tortionnaire… à méditer ) !! Les emplacements judicieux de la caméra dans ce huis clos ou à l’extérieur (quand Zar Amir Ebrahimii traîne le « supplicié » presque nu tel un chien dans le froid jusqu’à l’école pour le donner en pâture à ses propres enfants) seront déterminants dans la maîtrise des « jeux » de même les gros plans sur le visage ou les plans rapprochés sur la victime et son bourreau.  Se pose dès lors la question du rapport filmeur-filmé. Est-ce que le réalisateur peut perdre le pouvoir sur son propre film ? (car ici c’est bien l’actrice qui va tout imposer, jusqu'aux révélations troublantes sur son propre  vécu aux dépens de et à l'insu du …réalisateur) Problématique qui induit un autre questionnement a-t-on le droit de faire du mal aux gens pour faire un film ? Rappelons que Mehran Tamedon fut longtemps tiraillé par des problèmes d’ordre éthique (demander à des victimes de rejouer des scènes traumatisantes….) et que « mon pire ennemi » aura mis presque une décennie avant d’être finalisé (second -ou premier- volet du diptyque consacré à  la torture,  avec Là où Dieu n’est pas)

Au-delà de la "simulation" (un mécanisme propre au cinéma expérimental) c’est moins la tentative de dissection de la torture au sein d’interrogatoires idéologiques qui hantera l’esprit du spectateur que cette mise en abyme (deux « artistes »,   deux êtres humains victimes de …les « aveux » de l’actrice, les enlacements n’en seront que plus déchirants)

A voir c’est une évidence !

Colette Lallement-Duchoze

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11 mai 2024 6 11 /05 /mai /2024 11:06

de  Ryo Takebayashi (Japon 2023)

 

avec Wan Marui , Makita Sports ,Hirofumi Suzuki 

Votre boss vous harcèle ?Vos collègues vous épuisent ?Vous ne voulez plus retourner au bureau ? Vous n’imaginez pas ce que traversent Yoshikawa et ses collègues ! Car, en plus des galères, ils sont piégés dans une boucle temporelle... qui recommence chaque lundi ! Entre deux rendez-vous client, réussiront-ils à trouver la sortie ?

Comme un lundi

Entre l’instant où la cheffe de projet Akemi Yoshikawa (Wan Marui) se réveille dans ce bureau –où elle a d’ailleurs passé le week end avec ses collègues, afin de créer une publicité pour une soupe miso effervescente -, et le moment où elle décide d’abandonner son rêve (décrocher le job dans une autre agence de pub plus prestigieuse) que s’est-il passé ?

 

Ce « fameux » lundi sert de prélude (avant d’être leitmotiv) à une « boucle temporelle » -avec les mêmes démons à affronter (plus ou moins métaphorisés par ce pigeon qui vient se fracasser sur la vitre -rêve de liberté qui se brise sur le bloc de l’immanence ?, la panne d’électricité – moins le signe d’un dysfonctionnement que celui d’une troublante opacité voire cécité). Lundi ou la répétition de la veille, lundi ou le premier jour d’une semaine « ingérable », semaine qui ira se dupliquant… ad nauseam (unité de lieu, univers plus ou moins « carcéral », inserts et propos répétitifs, gestes mécaniques, etc.) L’exemple du « boss » (la cinquantaine) Shigeru Nagahisa dont les rêves appartiennent définitivement ( ?) au (à son)  passé, est anxiogène (répétitivité saugrenue ou normative ?) surtout ne « pas devenir comme lui »

 

ET quand le film bascule (dernier tiers) que l’écran est saturé des planches d’un manga (conçu par le boss et réalisé manuellement par l’équipe) le spectateur comprend que la leçon (si apologue il y a) est double : satire d’un monde professionnel aliénant (boucle temporelle, éternel recommencement, répétitivité sclérosante) mais aussi émancipation par le collectif Ce que je veux, c’est réaliser le rêve du chef avec vous Le plus important, c’est qu’on sorte de cette boucle avouera  Akemi Yoshikawa

 

Si le film référence Un jour sans fin est cité intentionnellement, n’est-ce pas pour s’en affranchir ? (laissons les exégètes comparer les deux films opposer aussi deux cultures…) Ne pas oublier la fréquence des suicides liés au surmenage (les karoshi) et se rappeler qu’au Japon le ministère du travail est aussi celui de la santé ….

 

Immersion survitaminée et empreinte d’humour, dans le milieu professionnel de la jeune génération japonaise « comme un lundi » est une comédie (légère et sérieuse à la fois) à ne pas bouder !!!

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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10 mai 2024 5 10 /05 /mai /2024 06:16

De Baptiste Debraux (2023)

 

avec Léa Drucker, Bastien Bouillon, Pierre  Lottin

Rochebrune est au bord du chaos. Johnny, leader du mouvement de protestation de la ville, a disparu après avoir braqué un fourgon. Lorsque Paul Ligre apprend la nouvelle, il quitte précipitamment Paris et revient dans la ville qui l'a vu grandir pour retrouver son ami d'enfance avant la police. Seulement, l'enquête d'Anna Radoszewski la mène inéluctablement vers le secret qui unit Paul et Johnny.

Un homme en fuite

Entremêler enquête policière et luttes ouvrières, enchâsser plusieurs temporalités, en privilégiant une histoire d’amitié, voilà qui n’a rien d’original, le tout étant (il est bon parfois de rappeler certains truismes) dans la façon de filmer (rythme, montage ,cadrages,  etc..)  Or l’opposition (très, trop) marquée entre une enquête au rythme ralenti (et la rigidité de l’actrice concourt à cette apparente placidité) et la fougue des " retrouvailles " (Paul à la recherche  du "frère" blessé disparu, Paul à la recherche d'un temps "perdu"? à reconquérir (?)  ...)   mobilisation ouvrière et  intrépidité (malgré quelques querelles intestines) ne sauraient à elles seules illustrer un aspect bancal assez déplorable. Dès les premiers plans (forêt et brouillard, vues aériennes sur une route sinueuse telle une saignée ; très gros plan sur le  " fugitif"  torturé par la douleur, momentanément arrêté dans sa "course" ,  sur la rambarde d’un pont avant d’être happé par l’élément liquide (?) tout -même ce prétendu ancrage dans un territoire-  sonne faux (ce qu’accentue la musique illustrative assez envahissante)

Si la littérature a scellé une amitié indéfectible entre Johnny et Paul (l’île au trésor,  de Stevenson) deux gamins issus de milieux sociaux opposés, s’ils construisent sur leur île un bastion forteresse, témoin et gage de…, cette même littérature subit des dévaluations répétées (fierté dubitative de parents "ah tu es devenu écrivain"  , ébaubissement  de Charlène, sollicitée par le « bon sens » et les « intuitions » de Léa Drucker en charge de l’enquête, intuition qui s’interrogeant sur la créativité aborde de façon biaisée docu et fiction, autofiction ; de même le « statut » de l’auteur, contraint de  pratiquer moult métiers pour « survivre » est mentionné au détour d’un échange entre Paul et Charlène ; la notion de « transfuge de classe » d’abord inversée sera comme réhabilitée par les choix assumés de Paul! )

 

Certes le trio s’en sort honorablement (étonnant Bastien Bouillon dans ses courses effrénées, mutisme réfléchi de Léa Drucker dont le visage est souvent filmé en gros plan, rôle charismatique assumé par Pierre Lottin en Robin des Bois ou fils éploré portant sa mère telle une Pietà inversée).

Mais que d’invraisemblances ! Que de passages racoleurs (une prise de bec au bar et des propos machistes, un tabassage et surtout le misérabilisme) Que de formules clichés et clivantes manichéennes sur les « bons » et les « méchants » formules désincarnées car souvent récitées.  Et ces fréquents allers et retours entre un passé lointain ou proche et le moment présent !! si, d’un point de vue purement « dramatique » ces flash-back  sont censés justifier l’indéfectibilité d’une amitié, d’un point de vue « narratif » ils sont souvent plaqués artificiellement  

 

Et que dire de ce silence mensonger qui met fin à l’enquête…  préserver le(s) secret(s) d’une Amitié (?)

Et  de ce « portrait » de Johnny en Che ardennais,  flottant  au vent pour l’éternité !

 

Décevant !

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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9 mai 2024 4 09 /05 /mai /2024 03:38

 

Le festival du court-métrage de Rouen et Mont-Saint-Aignan se déroulera du 15 mai au 8 juin 2024. 

 

Les courts « En compétition »  vous seront proposés sur 3 actes au Cinéma Ariel (Mt-St-Aignan).

vendredi 17 mai 20h, vendredi 24 mai 20h, vendredi 31 mai 20h

 

Les 6 films finalistes seront reprojetés dans une ultime séance, « La Finale » au Cinéma Omnia (Rouen). 

samedi 8 juin 20h 

 

Le lauréat recevra le « Frigo d’or », réalisé par Alex Nicol. 

 

En parallèle, le Courtivore vous régalera de projections thématiques (hors compétition) tout au long de cette période.

 

 

Enfin, le Courtivore, n’oublie pas les bambins… des projections jeune public viennent agrémenter le festival avec des séances scolaires et deux séances familiales ouvertes à tous et à toutes !

23ème festival du court métrage (du 15 mai au 8 juin 2024)
23ème festival du court métrage (du 15 mai au 8 juin 2024)

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Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

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