21 septembre 2023 4 21 /09 /septembre /2023 05:23

 

JEUDI 28 SEPTEMBRE  A 18H

 

CINEMA OMNIA REPUBLIQUE

 

Soirée Moteur (réseau des festivals de cinéma de Rouen)

 

 

Le réseau des festivals de cinéma de Rouen vous invite

le jeudi 28 septembre

au cinéma Omnia-République à 18h

à une soirée de courts-métrages

pour la présentation de la saison 2023/2024.

 

A l'issue de la projection, nous partagerons un moment de convivialité autour d'un verre.

 

Entrée libre.

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20 septembre 2023 3 20 /09 /septembre /2023 05:57

de Yolande Moreau (2023)

avec elle-même (Mireille) Gregory Gadebois, Esteban, Sergi Lopez, Thomas Guy, Anne Benoît, Aïssatou Diallo Sagna, François Morel, Philippe Duquesne

 

prix du scénario Angoulême 2023

Amoureuse de peinture et de poésie, Mireille s'accommode de son travail de serveuse à la cafétéria des Beaux-Arts de Charleville tout en vivant de petits larcins et de trafic de cartouches de cigarettes. N'ayant pas les moyens d'entretenir la grande maison familiale des bords de Meuse dont elle hérite, Mireille décide de prendre trois locataires. Trois hommes qui vont bouleverser sa routine et la préparer, sans le savoir, au retour du quatrième : son grand amour de jeunesse, le poète.

 

La fiancée du poète

 L'écrivain est une sorte de voyant émerveillé  (Pieyre de Mandiargues)

 

Le portrait de Rimbaud en icône dans une pièce de la grande demeure et comme effet spéculaire le « grand cerf » ce gardien témoin confident ?

La sculpture du cerf qui trône dans l’allée, accueille les hôtes, servira de ponctuation- d’abord dans un cadre étréci voici la comptine « dans sa maison un grand cerf » mimée par l’enfant, puis dans des plans plus larges des étreintes où l’encolure de l’animal épouse les caresses de Mireille (ou l’inverse), en une courte vision onirique on entendra raire le dix cors, avant qu’il ne soit arraché au socle de l’enfance et « embarqué » pour une nouvelle aventure !!!

Certes le film de et avec Yolande Moreau n’a rien de rimbaldien, hormis la fantaisie. Mireille préfère citer Valéry Chateaubriand et bien d'autres, réciter André Pieyre de Mandiargues dont elle fut « la fiancée » - mais  dont la véritable identité lui sautera aux yeux sur le petit écran de la télévision en prison (émission Apostrophes) Je lui avais donné mon âme, il en a fait un champ de ruines

Elle la victime d’un « faussaire » (jeu de mots facile avec faux cerf) incarne une dualité qui est le lot de l’humanité . Le  film est bâti sur l’alliance souvent "foutraque"  de deux forces « opposées » vérité et mensonge : voyez le jeune étudiant des beaux-arts exercer son talent dans la « reproduction » des toiles de  maîtres incontestés (dont le fameux Pornocrates de Félicien Rops) le faux rocker Elvis qui change d’identité pour ne pas être reconduit à la frontière, et Bernard (excellent Gadebois) jardinier…travesti ; mensonge que ne renie pas dans un discours jésuite le « prêtre » (déroutant et convaincant à la fois William Sheller)

 

Oui le film de Yolande Moreau a quelque chose de si rafraîchissant que l’on oubliera les faiblesses du scénario, l’abondance de clichés (les reflets, la séquence muette avec le collectionneur, et même la bal(l)ade nuptiale) ainsi que l’aspect "bricolage" 

 

La « famille » dont s’entoure Mireille/Yolande est à la fois «une famille de cœur et une famille de cinéma » (cf le casting ; le duo dans l’habitacle de la voiture avec Morel le compagnon de Deschiens) Tendresse et solidarité dans l’adversité (même écouter l’autre par une trappe n’est pas intrusion maligne ou éhontée mais support à l’entraide !)

Un film où l’humour sert  une réflexion sur l’altérité et l’amour, un film qui emprunte à divers « genres » pour illustrer une « renaissance ».

La fiancée du pirate : un conte qui exalte le pouvoir des mots et des couleurs (le portrait de Yolande Moreau, aux couleurs pastel réalisé par Sophie Morisse irradie tout le film dont il  serait la clé de voûte???)

 

Colette Lallement-Duchoze

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19 septembre 2023 2 19 /09 /septembre /2023 05:29

d'Ahmad Bahrami (Iran 2020)

 

avec  Ali Bagheri, Farrokh Nemati, Mahdieh Nassaj

 

77e Festival international du film de Venise,  prix Orizzonti.‌

 

Prix 2021 du jury international au Festival Nouvelles Images Persanes à Vitré

Quelque part perdue dans le désert iranien, une usine de briques est obligée de fermer face aux contraintes économiques. Les différents employés accusent très différemment le coup. Le superviseur Lotfollah joue les intermédiaires entre le patron et les ouvriers. Né et grandi sur place, il n’a jamais quitté l’enceinte de l’usine. Il va tenter d’accompagner les différents membres de la communauté – et notamment la belle Sarvar qu’il aime en secret...

The Wasteland

Une merveille qui allie une critique du monde du travail -ou plutôt la dénonciation des conséquences tragiques de la crise économique sur les classes ouvrières d’Iran – et une réflexion sur le cinéma (ne serait-ce que par la maîtrise d’un somptueux noir et blanc, le recours à des procédés cinématographiques et des pratiques de tournage de ce qui a fait du cinéma un ART)

Le choix d’un format carré permet d’enfermer les « travailleurs » dans le processus inexorable de la « mort » Mort de la fabrication artisanale de la brique, devenue trop coûteuse et le « discours » du patron censé l’annoncer reviendra de façon récursive (à chaque fois un nouvel élément vient corroborer les prémices) Dès le début, en pensant à mon scénario, à la mise en scène, un mot me revenait tout le temps en tête : le cercle. Il fallait que chaque dialogue, chaque mouvement revienne à son point de départ… La vie des personnages est une vie répétitive. Alors la forme devait suivre ce contenu. Ce procédé laisse au cinéaste le « temps » de montrer la lente agonie, en changeant les « points de vue - familles de travailleurs, querelles inter ethnies, délations. Et au spectateur celui de « comprendre » les effets pervers de l’embargo, l’obéissance servile du travailleur (qui aurait toutes les raisons de se révolter …) la toute-puissance du chef sous couvert de paternalisme, le contexte socio-religieux qui accorde au mâle tant de privilèges (et Sarvar a conscience de son statut d’épouse intérimaire !) Lotfollah (intermédiaire docile entre le patron et les ouvriers) est comme l’épicentre du récit

La matière à l’état brut est dans The Wasteland un personnage  à part entière! Matière telle qu’elle apparaît dans ce premier plan où se dressent géants des blocs de glace (destinés à étancher la soif des travailleurs œuvrant sous un soleil de plomb). Matière que cette poussière dégagée par la fabrication des briques ; poussière qui enveloppe les corps ; chaleur que les pores exsudent. Et cette lancinante bande son (thème musical composé par Foad Ghahramani, mais surtout rugissement du vent. Vent de l’histoire ?….)

Tout concourt à faire de cette usine, un tombeau : les formes en dômes l’allée souterraine avec les ombres portées, les cellules rudimentaires comme lieux de survie, mais antichambres de la mort ; jusqu’à ce drap blanc qui tel un suaire couvre le corps après une « rencontre » avec le patron !!! Des plans séquences presque tétanisants dans un univers entièrement minéralisé, creuser jusqu’au désespoir, jusqu’à l'ensevelissement???

The wasteland une fable intemporelle ?

The wasteland, microcosme de la société iranienne ?

The wasteland un film à ne pas rater (dernière séance ce jour à 18h)

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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17 septembre 2023 7 17 /09 /septembre /2023 05:38

de Catherine Breillat (2023)

 

avec Léa Drucker, Samuel Kircher, Olivier Rabourdin 

 

librement adapté du film danois Queen of Hearts (Dronningen, 2019), de May el-Toukhy

 

présenté en Compétition Officielle au festival de Cannes 2023

Synopsis: Anne est une brillante avocate, spécialisée dans la défense des mineurs victimes d'abus et des adolescents en difficulté. Elle habite dans une grande villa sur les hauteurs de Paris avec son mari, Pierre, et leurs deux filles. Cependant, l'harmonie dans sa famille est perturbée par l'arrivée de Théo, fils de Pierre né d'un précédent mariage, qui emménage chez eux. Anne entame en effet une liaison avec cet adolescent de dix-sept ans rebelle et contestataire, et cela risque de tout détruire.

L'été dernier

Après avoir mis en  "place"  le contexte social et générationnel- par de lentes étapes progressives (trop lentes pour certains spectateurs qui ont quitté la salle au bout de 10’ !!)- la cinéaste s’intéresse d’abord à l’embrasement des corps (un ado de 17 ans, une femme quadra, bien corsetée dans ses robes fourreau et ses principes, qui … "lâche prise") puis au déni monstrueux !!! Un déni  nécessaire à la survie du " couple bourgeois" donc du corps social qu’il incarne (c’est l’aspect "politique"  du film) et que la toute dernière scène illustre magistralement (invitation au silence, étincelle qui jaillit de l’anneau dans la profonde nuit)

Mais ce qui joue le rôle de  "prélude"  a ceci de singulier : préparer le spectateur à la rhétorique de l’aveu en faisant émerger des frustrations latentes -qui voleront en éclats-, tout en le  "manipulant" (comme Anne manipule son mari, son beau-fils et l’avocat quand elle est "l'accusée") en le focalisant sur la romance d’un désir fou que l’on peut confondre avec l’amour fou (cf la chanson de Léo Ferré au final).  Eros et Thanatos ? plutôt alliance dans la simultanéité de la glace et du feu que Léa Drucker incarne de façon cardinale ! Voyez son visage figé ses yeux bleu acier, écoutez SA parole sur le visage de sa jeune cliente qui frémit de peur, tant le  "discours"  sur le "consentement"  est impitoyable : c’est la séquence d’ouverture. (Très souvent d’ailleurs l’impact de la parole se lira sur les gestes les regards du destinataire alors que le locuteur est hors champ). Même aplomb glacial dans cette scène époustouflante où l’actrice monte à reculons les marches de l’escalier tout en invectivant son mari, tout en condamnant sa pleutrerie, tout en l’accusant d’avoir cédé au  "chantage"  de son fils,  (c’est ignoble ! ton fils est un monstre ! )

Quant au désir, toute l’astuce de Catherine Breillat est de placer sa caméra là où il affleure, là où il risque d'exploser en un embrasement incontrôlé…et c’est le visage, car il  "dit"  mieux que le corps lui-même, le foudroiement, - l’écho de la spasticité sera dans la bande-son ; avec le mari, c’est une logorrhée verbale qui accompagne la "pénétration" ; avec Théo, Anne s’abandonne, alanguie, les yeux clos, le visage en arrière comme la Madeleine en extase du Caravage (dont Catherine Breillat dit s’être inspirée) 

Fluidité, importance de la lumière (même dans l’obscur), refus délibéré du sensationnalisme et du moralisme, prestation exemplaire de Léa Drucker (jusque dans le timbre de sa voix et ses intonations) Oui tout cela est indéniable et pourtant !!!!

L’été dernier n’est pas un film « sulfureux », tout au plus transgressif - moins par la relation sexuelle évoquée, que par les choix d’Anna qui aura préféré broyer le jeune homme plutôt que sacrifier son confort bourgeois, et « l’absence de morale » perturbe certains spectateurs.!!! Plus patente serait l’inconsistance du « jeu » (si jeu…d’acteur il y a) de Samuel Kircher étonnamment salué par la critique, inconsistance qui nuit à l’ampleur dramatique attendue

En revanche les propos entendus (sorte de making of sur la genèse du film, et la façon de filmer) à l’issue de la projection (mardi 12/09) étaient d’un immense intérêt. Voir sur grand écran Catherine Breillat évoquer avec un mélange de volupté et de malice sa façon de « diriger » les acteurs, le rôle de sa chef’'op Jeanne Lapoirie, les choix de l'emplacement de la caméra,  d'une musique non intrusive de Kim Gordon, ou  des trois couleurs de robe que porte Léa Drucker, le rôle éminemment suggestif de la lumière, etc…, était un pur régal et prouvait (une fois de plus ! ) que si l’histoire racontée est importante, elle ne serait quasiment rien sans la force d’un style choisi (l'écriture cinématographique) Il en va de même en littérature « la façon dont une histoire est mise en mots » importe plus que « l’histoire racontée » !!!, idem avec toute œuvre d’art !

 

Colette Lallement-Duchoze

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14 septembre 2023 4 14 /09 /septembre /2023 11:51

de Rabah Ameur -Zaimeche  (2022) 

 

avec Régis Laroche (Monsieur Pons) Philippe Petit (Bébé) Slimane Dazi (le détective) Kenji Meunier (Mouss) Salim Ameur-Zaimeche (Tonton) Kamel Mezdour (Melka) Nassim Zazoui (Nass) Rida Mezdour (Dari) Sylvain Grimal (Sly) Lucius Barre (Intendant du prince) Marie Loustalot (Linda)  Mohamed Aroussi (le prince) Annkrist (elle-même la chanteuse à l’enterrement)

Synopsis Un militaire à la retraite vit dans le quartier populaire des Bois du Temple. Au moment où il enterre sa mère, son voisin Bébé, qui appartient à un groupe de gangsters de la cité, s'apprête à braquer le convoi d'un richissime prince arabe

Le gang des Bois du Temple

Un film  qui séduit par ses exigences cinématographiques et  son originalité !

Le réalisateur refuse  les formes habituelles du polar, du thriller,  les courses poursuite,  le sensationnalisme et la musique intrusive !

 

Certes il y a le braquage d’un fourgon (appartenant à un richissime cheik du Moyen-Orient) par le gang de s« professionnels »  des  Bois du Temple,  et la réponse du potentat  (par l'intermédiaire d'un détective  qu'interprète Slimane Dazi)  Il y a bien du  "suspense" , des   "règlements de compte"  (souvent hors champ).

 

Mais l’essentiel est ailleurs !

Comme l’illustre de façon magistrale la première séquence. Après de lents travellings sur les façades d’une cité, compacité verticale qui sature l’écran et l’espace en les obstruant, voici un homme accoudé qui attend…Des vues en plongée sur le parking et un panoramique sur la cité (comme si l’œil de la caméra et le sien ne faisaient qu’un). Au final les mêmes plans : l’œil de cet homme -vigie en surplomb,  et à même le sol voici des enfants qui jouent !!! Cet homme Monsieur Pons le pote des gens de la cité, l’ex tireur d’élite, se singularise par sa bonhomie et un certain flegme ! avant qu’il n’accomplisse (ne pas spoiler !!)

 

Le réalisateur qui ne s’appesantit pas sur tout ce qu’un adepte du polar a l’habitude voir à l’écran (TV ou  salles de cinéma), s’intéresse avant tout à la façon dont vivent les hommes en général, ce groupe en particulier uni par une amitié et une solidarité indéfectibles. On est loin des stéréotypes définissant en une odieuse philosophie essentialiste les habitants des « cités »

 

La première partie ou plutôt le préambule (le corps mort de la mère de Monsieur Pons, l’enterrement) frappe  par sa lenteur, la variété de ses plans, de ses cadrages et sa référence explicite à l’Etranger de Camus « aujourd’hui maman est morte» et par une des rares musiques intra diégétiques « la beauté du jour » interprétée par Annkrist

En écho inversé la toute dernière partie ou épilogue marque le triomphe de la Vie à travers le jeu des enfants (vus en plongée) et le sourire de M Pons qui illumine son visage

Entre ces deux moments intenses, le « cœur de l’histoire » : le gang, les rv au Garage, le coup « réussi » contre le convoi, la vengeance du prince -à la frêle morphologie-,  et ses conséquences tragiques....Quels étaient  les rêves des braqueurs après leur "coup d'éclat" dont ils s'enorgueillissaient ? lune de miel au Brésil avec l’aimée, pour l'un,   prothèse  main pour l'autre .. et  surtout pas de velléités ostentatoires!!!

 

Profondément humain, humaniste, le film de Rabah Ameur-Zaïmeche aura « placé » le banditisme comme à la lisière (la machine aura pris le temps de broyer de sa cruauté vengeresse) lisière de ce qui faisait la force vive de chacun  : parler, rêver, lire des histoires à ses enfants, aider le voisin, dans un être-là,  le fameux « dasein »

Bébé au parloir de la prison capte le geste d’amour de sa femme à travers les croisillons

 trois ans ce ne sera pas long      Mais...

 

Colette Lallement-Duchoze

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12 septembre 2023 2 12 /09 /septembre /2023 15:28

d'Aki Kaurismaki (Finlande 2023)

 

avec Alma Pöysti ( Ansa)  Jussi Vatanen  ( Holappa) 

 

Prix du jury Festival de Cannes 2023

 

Grand prix de la FIPRESCI (fédération internationale de la presse cinématographique )

Ansa, une femme célibataire, vit et travaille dans un supermarché à Helsinki. Une nuit, elle rencontre Holappa, un travailleur tout aussi solitaire et alcoolique. Malgré l'adversité et les malentendus, ils tentent de construire une relation.

Les feuilles mortes

 

Ceux qui ont découvert Kaurismaki à Rouen grâce au festival du cinéma nordique vont retrouver dans ce film les thèmes si chers à l’auteur d’Ariel ou de La fille aux allumettes : son empathie pour les gens simples, la solidarité dont font preuve les cabossés de la vie ; la présence d’un chien ; la sordidité des lieux de travail (usines cabanes de chantier, coulisses de supermarchés). Ils retrouveront aussi cette façon de filmer si singulière : couleurs froides en grands aplats, personnages placides et renfrognés, filmés en plans américains ou en frontal, avant que le cadre ne s’élargisse ; ellipses ; caméra souvent fixe ; dialogues minimalistes ; importance de la musique (ici chansons nostalgiques que l’on écoute quasi religieusement dans un bar (miteux) lors des soirées karaoké)

 

Or le contexte a ceci de tragique que l’invasion de l’Ukraine par la Russie est le lot quotidien des émissions radiodiffusées. Et quand bien même cette douloureuse contemporanéité se double de la présence d’un calendrier 2024,  que les personnages utilisent des téléphones portables (déjà désuets…)  il faut reconnaître que leurs vêtements, leur mode de vie (plutôt survie) nous transportent dans un monde suranné (il en va de même pour les décors comme figés dans les années 60). Une désuétude assumée, largement compensée par la vitalité du cinéma auquel le cinéaste rend un vibrant hommage (Visconti, Jarmusch entre autres) avec parfois cet humour « on dirait du Bresson ou du Godard à propos du film de zombies The Dead Don't Die de Jim Jarmusch.

Et ce n’est pas pur hasard si « l’union » entre Ansa et Holappa se « concrétise » autour d’un film  (de ce film en particulier) dans un cinéma de quartier ; lieu de la rencontre, lieu de l’attente. Le cinéma ou l’art de transcender le prosaïque, la réalité la plus glauque ??

 

Voici une succession de mini séquences comme autant de tableautins où Ansa et -en montage alterné- Holappa, sont filmés dans leur quotidien, victimes d’une pression sociale cruelle (arbitraire et violence managériale). Mais Holappa est en outre un alcoolique notoire (il ingère sa dose quelle que soit l’heure, quel que soit le lieu) et les mises en garde d’Ansa -qui a vu mourir son père et son frère victimes de ce fléau puis sa mère par désespoir - seront dans un premier temps frappées d’inanité …avant…. un sursaut…

 

Humanisme « chaplinesque » ? (facétieux, Kaurismaki l’accentue en prénommant le chien abandonné Chaplin et en recourant à un final où le trio quittant l’écran sur un tapis de feuilles mortes, peut rappeler Chaplin, vu de dos, quittant le cadre dans un médaillon, en surimpression)

 

Un grand moment de cinéma !

 

Colette Lallement-Duchoze

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12 septembre 2023 2 12 /09 /septembre /2023 05:15

de Thomas Cailley (2023)

 

avec Romain Duris, Adèle Exarchopoulos,, Paul Kircher 

 

Présenté au festival de  Cannes 2023 Section Un certain Regard 

Dans un monde en proie à une vague de mutations qui transforment peu à peu certains humains en animaux, François fait tout pour sauver sa femme, touchée par ce phénomène mystérieux. Alors que la région se peuple de créatures d'un nouveau genre, il embarque Émile, leur fils de 16 ans, dans une quête qui bouleversera à jamais leur existence.

Le règne animal

"ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience." ( René Char) Ce propos  que Paul cite plusieurs fois, semble corroborer celui du cinéaste invité pour l’avant-première dimanche 10/09 « mon film se déploie comme un monde qui se revitalise (sous-entendu la mutation génétique vers l’animal, apparemment étrange "troublante"  est positive dans la mesure où elle  " doit"  poser les bases d’une autre société)

 

Faire un film à la fois fantastique et totalement ancré dans notre époque ; Parler du corps, de la différence, de la transmission, du monde qu’on a envie de léguer à nos enfants et plus largement de ce sentiment d’appartenance commune avec ce qui est vivant  telle est  l’intention du réalisateur (l’idée lui est venue par hasard  quand en 2019, membre  d’un jury à la FEMIS , il lit un scénario écrit par Pauline Munier ....qui sera d’ailleurs  sa co-scénariste).

 

Partir de quelque chose d’organique de viscéral (le corps)  puis mélanger les « genres » Et de fait dans ce film s’enchevêtrent plusieurs strates qui devraient être interdépendantes : la relation père/fils le « parcours croisé » de l’un et l’autre avec inversion des rapports de force, la découverte de la différence (celle de son propre corps d’ado, celle de l’humain mutant), une société qui va se « revitaliser » grâce à cette « diversité » mais avec ses querelles politiques internes sur l’acceptation ou non de l’altérité. Tout serait-il question de norme ? . La métaphore du film vaut pour tout ce qui est autre, différent (handicapés, migrants). Le questionnement authentique « comment vivre ensemble dans la diversité » induit le refus de l’exclusion. 

Réalisme, fantastique, naturalisme et onirisme, tout va se mêler (Thomas Cailley refuse le sensationnalisme facile de l’épouvante pustuleuse, ou de nez verruqueux par exemple, ainsi que  les effets spéciaux  spectaculaires ). La nature, celle des Landes de Gascogne où par-delà les « pins » et la culture du maïs imposé.e.s par l’homme  subsistent des endroits telle une jungle à la végétation dense et qui fourmille d’espèces vivantes, est le réceptacle vert doré qui sert à la fois d’écrin à cette mutation, et d’accompagnement musical : grondements insolites (rendus par les percussions) et musique plus cristalline (pour les envolées aériennes)

Une nature traitée comme un personnage à part entière, un chien, d’abord membre du trio, coach, modèle  intermédiaire entre deux mondes, quittera définitivement le cadre dès lors qu’Emile assume seul sa « mutation » -physique mentale - et que Paul transcende ses contradictions, et surtout une bande-son originale, voilà de quoi « emporter » le spectateur

 

Et pourtant !!!

Après un prologue  "fracassant", bien vite émergent des "facilités", bien vite s’émousse l’émotion, et la prestation des acteurs dont celle de Romain Duris (en époux et père aimant, en victime de ses propres contradictions) ou  l’humour (auquel participe  le  " rôle"  décalé d’Adèle Exarchopoulos) , n’y changeront pas grand chose !!!!

Autant dans Border (Border - Le blog de cinexpressions qui inscrit aussi le fantastique dans l’intimité du quotidien, Ali Abassi entremêlait plusieurs   "genres"  (social, policier, fantastique) sans jamais amoindrir la « puissance singulière de sa narration autant dans le règne animal des longueurs, des étirements inutiles et l’exacerbation de la  "sentimentalité"  vont affaiblir (pour ne pas dire affadir) le scénario.!!!

 

Colette Lallement-Duchoze

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10 septembre 2023 7 10 /09 /septembre /2023 05:24

de Christian Petzold (Allemagne 2023)

 

avec Paula Beer, Thomas Schubert, Langston Uibel, Enno Trebs, Matthias Brandt

 

Grand Prix du jury Berlin 2023

 

 

Une petite maison de vacances au bord de la mer Baltique. Les journées sont chaudes et il n'a pas plu depuis des semaines. Quatre jeunes gens se réunissent, des amis anciens et nouveaux. Les forêts desséchées qui les entourent commencent à s'enflammer, tout comme leurs émotions. Le bonheur, la luxure et l'amour, mais aussi les jalousies, les rancœurs et les tensions. Pendant ce temps, les forêts brûlent. Et très vite, les flammes sont là...

Le ciel rouge

Si l’idée de départ du scénario est venue à Christian Petzold (dont nous avions apprécié Barbara Ondine ou encore Phoenix) en revoyant La Collectionneuse de Rohmer on peut -sans faire de déduction hâtive- considérer Le ciel rouge comme un conte à la fois cruel et délicieux

Voici une maison à la fois sertie dans un îlot de verdure et toute proche de la mer…

Voici deux camarades, fort dissemblables, Léon et Félix venus s’y installer le temps d’un été, pour leurs travaux respectifs (rédaction d’un roman pour l’un, projet de fin d’étude , photos sur le thème de l'eau, pour l’autre). C’était sans compter sur la présence de Nadia et de son « compagnon », dont les ébats (hors champ) s’en viennent troubler le calme nécessaire à la …création littéraire…(humour, circulation de regards et de désirs dont le « sens » échappera (trop) longtemps à Léon)

 

L’élément perturbateur était annoncé métaphoriquement dès la séquence d’ouverture : panne de voiture, opacité insidieuse d’une forêt, passage de canadairs ??? « ça sent le roussi » ; il devient le "révélateur"  du sentiment amoureux qui s'empare de Léon -et  la caméra l'ausculte par-delà les apparences de pataud lourdingue et méprisant !.  Pas de discussions à la Rohmer ! mais un   "glissement"  progressif de la  "romance"  à la catastrophe

Et le rythme chaloupé des vacances sera inévitablement perturbé : l’incendie qui dévaste la forêt,  dévore aussi les ambitions du personnage. Ne resteront que les braises, les cendres ???

 

Voyez ces lucioles voleter, ce sont des cendres,

Voyez ces vaguelettes si lumineuses que les flots en deviennent incandescents (Un rayon vert à même l’écume ?)

Grand prix du jury à Berlin 2023, le film de Christian Petzold décline -sans la caricaturer  - la polysémie de l’expression ciel rouge .  Il réactive (ou irrigue) l’enchevêtrement de divers modes narratifs (dont la fable apocalyptique et la romance estivale) par le beau poème de Heinrich von Kleist (Nadia le récite deux fois consécutives dans un silence quasi « religieux »), Il est en outre porté par cinq acteurs très talentueux, chacun exprimant (ou celant) sinon un destin du moins une tragédie propre (mention spéciale à Paula Beer et Thomas Schubert)

 

Un film que je vous recommande !! 

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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5 septembre 2023 2 05 /09 /septembre /2023 02:54

d'Alex van Warmerdam (2021 Pays-Bas) 

 

avec Tom Dewispeleare, Frieda Barnhard

Günter, trouvé dans les bois en Allemagne à l’âge de quatre ans, a grandi dans une famille d’accueil. Quatre décennies plus tard, il mène une vie normale : il gagne sa vie comme acteur de théâtre, passe du temps avec sa fille Lizzy, a une liaison avec une femme mariée. Lorsqu’un homme sur un pont lui chuchote un mot étrange à l’oreille, il commence à s’interroger sur ses origines

N° 10

Si vous appréciez l’absurde ou l’humour à la Bent Hamer ou Roy Andersson vous apprécierez le 10ème film d’Alex van Warmerdam, et vous laisserez embarquer en absurdie, un voyage qui flirte avec la science-fiction et qui fait la part belle à l’iconographie (ne serait-ce que par le jeu de miroirs d’écrans et au final d’œuvres picturales)

Si au contraire vous êtes allergique à l’humour froid, aux incohérences, aux invraisemblances,  si vous êtes insensible aux détournements de clichés, passez votre chemin, encore que…

Voici dès le début comme une mise en abyme de la   "création " : le réalisateur "filme"  les répétitions d’une pièce de théâtre ; le metteur en scène est exigeant, intolérant; et chaque acteur est si imprégné de son rôle qu’il confond réel et fiction. Günter, l’acteur principal, est l’amant d’Isabel la femme du metteur en scène, lequel décide ex abrupto de  "changer"  les rôles et de substituer à l’intrigue traditionnelle le procédé du "collage abstrait" ; en fait c’est une mesure punitive à l’encontre de l’acteur/amant. Toutefois le concept de "collage" reste une clé/sésame pour le spectateur : ce N° 10° ne ressemblerait-t-il pas au beau d’Isidore Ducasse  beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie Hormis qu’avec le cinéaste néerlandais rien n'est laissé au hasard tout en donnant l'impression de l'imprévu  (Chaos organisé!)

Günter, un père célibataire, auquel Lizzy sa fille demande des explications pour une anomalie héréditaire (un seul poumon !!!), Günter un acteur espionné par le mari jaloux, par sa fille qui le prend en filature, mais aussi par de bizarres intermédiaires de l’Autorité catholique (le Prélat -seconde mise en abyme- semble être l’instigateur de tout ce que nous sommes en train de voir.... Représentant de Dieu, aux pouvoirs sataniques, il est le "guide" de Günter dans la recherche de ses origines ; laquelle doit puiser (sens propre et figuré) au plus profond des abysses (premier plan déchaînement des remous de l’eau) des forces telluriques avant d’emprunter un vaisseau spatial anthracite….vers des espaces interstellaires! (une autre planète??)

On passe du vaudeville au pamphlet contre l’église, de la farce sociale à la science-fiction et comble d’ironie tout est mis en œuvre pour que le spectateur n’éprouve aucun "sentiment" (empathie ou autre) tout comme les acteurs d’ailleurs : confrontés au malheur (cf Marius), ils restent figés dans le cadre, à peine ahuris dans leur immobilisme, ce qu’accentuent l’absence de profondeur de champ et la tonalité quasi monochrome grisâtre ou brunâtre ; embarqués dans une autre dimension,  ils ne sont nullement  "surpris"  comme si l’étrange le bizarre le surréel allaient de soi

Un film borderline, un film déconcertant que je vous recommande

Mais....j’entends déjà les contempteurs !!!

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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4 septembre 2023 1 04 /09 /septembre /2023 07:08

de Tina Satter (2023 USA) 

 

avec Sydney Sweeney, Josh Hamilton, Marchant Davis

Le 3 juin 2017, Reality Winner, vingt-cinq ans, est interrogée par deux agents du FBI à son domicile. Cette conversation d’apparence banale parfois surréaliste, dont chaque dialogue est tiré de l’authentique transcription de l’interrogatoire, brosse le portrait complexe d’une milléniale américaine, vétérane de l’US Air Force, professeure de yoga, qui aime les animaux, les voyages et partager des photos sur les réseaux sociaux. Pourquoi le FBI s’intéresse-t-il à elle ? Qui est vraiment Reality ?

Reality

Une tension qui naît d’un dispositif resserré, de la menace insidieuse des deux agents du FBI (apparent paternalisme, excessive bonhomie), des plans fixes -dont certains larges -dans l’exigüité du lieu clos qu’est ce " cagibi " Un huis clos glacial;  ô combien efficace !

 

Dès le début le spectateur est prévenu : le film donne à voir et entendre ce qui a été réellement enregistré lors de la perquisition chez Reality Winner, cette jeune femme coupable d'avoir osé divulguer une vérité que la NSA (National Security Agency) a considérée comme une violation de document classifié, de l'espionnage (ingérences russes dans l’élection présidentielle américaine de 2016)

L’événement est reconstitué comme en temps réel -les encarts "25 minutes après le début de l’enregistrement," 105 minutes semblent le prouver-.  La caméra est peu mobile mais suffisamment pour capter regards hésitations gestes (l’actrice Sydney Sweeney, est impériale dans le rendu des  "états d’âme"  de Reality Winner -dont le portrait apparaît  à l’écran quand l'image -la représentation du réel- .vient corroborer les "faits  avoués"

Une tension habilement graduée qui fait basculer l’interrogatoire dans une sorte de thriller politique.

D’abord filmé en extérieur (Reality est interpellée au volant de son Espace) puis dans une pièce "abandonnée" de sa maison de banlieue (la chatte, elle, est tapie sous le lit de la chambre puis sera tenue en laisse, clin d’œil appuyé au statut réservé à sa maîtresse ?…) ; d’autres agents du FBI auront pour mission de tout passer au crible dans les pièces meublées et aménagées) Le trio -deux agents et Reality- (la réalisatrice varie les angles de vue, use de plans rapprochés ou plus serrés) évolue dans ce climat  " étrange" Et l’interrogatoire qui mêle questions de confort (boisson,  pauses) et questionnaire sur la maitrise des langues orientales, les accréditations, le rapport aux armes, les ambitions de carrière militaire, progressivement prend les allures d’un thriller. Un thriller inquiétant à l’instar de ces murs qui "emprisonnent"  ou qui jouent le rôle de caisse de résonance, de cette pièce vide qui par métaphore devient espace mental. Inquiétant quand l’écran se lacère, que les personnages disparaissent provisoirement  (recours à ces glitchs quand bien même ce procédé peut sembler superflu). La technique de l’encerclement,  pratique bien rodée, la reddition puis le relais par une médiatisation outrancièrement furibonde, tout cela prouverait (s’il était nécessaire) que la réalisatrice décline les différents sens du terme « reality »

 

Reality est le prénom de la jeune femme, lanceuse d’alerte condamnée sous la présidence de Trump.

C’est à un  "principe de réalité"  qu’obéirait le film dans la scrupuleuse  "transcription" de l’interrogatoire ? (qui d'ailleurs apparaît à l'écran)

Reality va découvrir au cours de cette "enquête" l’existence d’un monde où chaque pas chaque mot est enregistré (les agents se contentaient en fait  de questions oratoires, ils connaissent toutes les réponses et prennent un plaisir sadique à retarder l’issue). Et dans ce monde de surveillance généralisée, le concept de "démocratie"  varie selon les idéologies (Reality aura beau revendiquer son  "patriotisme" … motivée par le souci du  "bien commun" , elle est condamnée par ceux-là même qui le revendiquent ce "bien commun" !!!! )

Quels critères pour différencier " réel"  et "illusion,"  "juste" et  " arbitraire "????

 

Sydney Sweeney, après la fouille corporelle de rigueur, les mains entravées, salue de ses grands yeux mélancoliques son chien ….encagé lui aussi.. !!

 

 

Un film à voir de toute urgence !

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

 

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