26 juin 2017 1 26 /06 /juin /2017 05:21

De Volker Schlöndorff (Allemagne, Irlande)

 

avec Stellan Skärsgàrd, Nina Hoss, Niels Arestrup,  Susanne Wolff

 

partition musicale de Max Richter

Argument: L'écrivain Max Zorn arrive à New York pour promouvoir son dernier roman. dans lequel il raconte  l'échec d'une passion amoureuse dans cette ville, il y a 17 ans. Presque par hasard, il revoit Rebecca, la femme en question.  Ils décident de passer encore une fois un week- end ensemble à Montauk, le petit village de pêcheurs au bout de Long Island. Ils y reviennent  pleins d'espoir et de regrets...

Retour à Montauk
Film intéressant et joué inégalement.
La thématique de la nostalgie de nos anciennes amours est à la mode; mais les principaux protagonistes Stellan Skargârd et Nina Hoss -qu’on avait vue dans Barbara-, jouent à merveille, avec maturité, les deux amants qui se retrouvent au bout de 17 ans de séparation. Aventure sans cohabitation d’ailleurs: ce détail a son importance; il résonnera à la fin du film. On regrettera que l’actrice Susanne Wolff, qui joue Clara, la compagne américaine du moment de l’écrivain Max Zorn, soit moins bien dirigée, plus stéréotypée, malgré son charme et sa fragilité.
 
Cet homme écrivain séducteur de belles femmes n’aime que le phantasme de l’amour. Ce sont les femmes qui aiment vraiment dans cette histoire. L’homme narcissique les quitte et croit les retrouver telles qu’il les a quittées, mais c’est oublier que chacune a eu une vie après lui, ce qu’il semble ignorer. On notera à deux reprises le paradoxe du personnage qui façonne des histoires d’amour romanesques et son incapacité à maîtriser les siennes propres. Pénélope est un mythe, les hommes ou les femmes qu’on a quittés ne sont plus les mêmes quelques années plus tard; vouloir recommencer une vie amoureuse interrompue comme on enfourche un vélo, est un leurre.
 
Schlöndorff soigne les images, un New-york presque  à la Woody Allen, presque ! car l’intrusion soudaine d’une autre réalité plus vraie, plus crue surgit parfois...lorsqu’on quitte les beaux quartiers, et le cinéaste prend alors le contre-pied des romances à la Barbara Cartland. Le réalisateur du Tambour filme avec une distance intime les personnages pour donner du poids aux dialogues bien écrits et qui pèsent après tant d’absence; mais contradictoirement, il s’adonne à quelques clichés parfois - comme cette promenade au bord de mer à Rhode Island des deux anciens amants, que n’aurait pas reniée Claude Lelouch.
La musique qui accompagne, elle, nous charme en permanence.
 
Bref, Un film littéraire....qui fait rêver et réfléchir chaque spectateur sur les aléas de sa nostalgie.
Un film agréable qui donne surtout envie de lire ou relire le roman (autobiographique ?) de Max Frisch “Max Zorn”.
 
Serge Diaz
 
 
 
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25 juin 2017 7 25 /06 /juin /2017 05:52

Documentaire réalisé par Barbet Schroeder (France Suisse) 

 

Présenté au festival de Cannes (séance spéciale)

Argument  En Birmanie, "Le Vénérable W." est un moine bouddhiste très influent. Partir à sa rencontre, c’est se retrouver au cœur du racisme quotidien, et observer comment l'islamophobie et le discours haineux se transforment en violence et en destruction. Pourtant nous sommes dans un pays où 90% de la population a adopté le bouddhisme, religion fondée sur un mode de vie pacifique, tolérant et non-violent.

Le Vénérable W

Connaissez vous les poissons chats ravageurs d’Afrique ? Ils détruisent tout dans les lacs et les rivières… Les Musulmans font comme ça chez nous »…..tels sont à peu près les premiers mots de Wirathu moine bouddhiste birman interviewé par Barbet Schroeder….

 

Ce vénérable W, islamophobe, nationaliste, au physique placide, à la parole onctueuse, éduque les siens dans la culture de la haine quitte à réécrire l’histoire...(on connaît la puissance l’impact des storytelling dans les commentaires de guerres voire de génocides -c’est que l’opinion ça se travaille…) Quand on sait que les Rohingyas c’est environ 4 % de la population birmane, l’acharnement maladif du "monstre" -et pourtant "vénéré"-  W n’en est que plus condamnable. Mais le sera-t-il dans un pays où le pouvoir l’armée et une partie du clergé sont de connivence (récemment en 2016 l’ex-dissidente et prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi  a couvert ces crimes...en les tolérant...)

 

Le documentaire de Barbet Schroeder met à nu l’histoire de l’islamophobie en Birmanie depuis les années 90, la création du mouvement 969 (1999) dont Wirathu est le « grand prêtre ». Se déploie sous nos yeux -souvent hébétés- la mécanique du Mal. La foule respectueuse écoute religieusement la parole du Maître ; galvanisée elle est mûre pour commettre les pires atrocités; on provoque une émeute, on incendie mosquées maisons on tue on achève des moribonds avec la complicité muette des militaires. Des images presque "insoutenables"...pour le spectateur;  des images dont se repaissent les "meurtriers" !!! Négation de l’autre, exclusion, crimes tout cela ne va-t-il pas à l’encontre de l’idéologie du bouddhisme ? (ce que rappelle la voix off de Bulle Ogier, l'épouse du cinéaste). En contrepoint aux délires destructeurs du "vénérable W" le réalisateur donne la parole à des personnes du monde civil ou religieux, plus modérées dans leurs propos et analyses ! Équilibre bien précaire ! Il en va de même du recours aux graphismes, aux  cartes de géographie, à l’insertion d’extraits de journaux, etc. tout cet accompagnement pédagogique salutaire ne saurait faire le poids face au crime organisé au nom de la nation souveraine, au nom de la religion. Le frisson a dépassé les frontières birmanes...

 

 

Au début les quelques scènes sur l’enseignement que reçoivent les jeunes bonzes sont empreintes de sérénité ce dont témoignent la lente théorie de ces "moines" avec leur bol de riz et celle des habitants qu’un long travelling latéral semble figer dans l’espace et le temps….

Mais dès que le Mal prend corps, s’imposera l’image récurrente du rouge -le feu du brasier dévastateur; le "vénérable W" ne l'avait-t-il pas allumé dans ses prêches xénophobes et génocidaires !

 

Un documentaire à ne pas rater !!!

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

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22 juin 2017 4 22 /06 /juin /2017 05:35

De Philippe Garrel

avec Eric Caravaca  (Gilles) , Esther Garrel (Jeanne)  Louise Chevillotte (Ariane) 

 

Présenté au festival de Cannes - Quinzaine des Réalisateurs-  ce film  a remporté le prix de la SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques)  

 

argument: C'est l'histoire d'un père et de sa fille de 23 ans qui rentre un jour à la maison parce qu'elle vient d'être quittée et de la nouvelle femme de ce père qui a elle aussi 23 ans et vit avec lui...

L'Amant d'un Jour

Escalier plus ou moins lépreux que dévale une étudiante ; un homme la rejoint près des toilettes et la volupté du rapport sexuel ravi à l’instant explose en des gémissements de plaisir. c’est le prologue. Nous allons entendre en écho d’autres gémissements ceux de la douleur torturante qu’éprouve une jeune femme abandonnée par son compagnon. Elle s’en vient trouver refuge chez son père qui n’est autre que l’amant du prologue. Non seulement le "ton" est donné dès ces premiers instants (si la fille et l’amante ont le même âge, leur relation au "mâle"  est bien différente) mais l’importance de la voix off (pour son contenu et sa musicalité) le travail du noir et blanc (signé Renato Berta) et la matérialité du Corps, tout cela oriente le film vers bien plus que des fluctuations amoureuses ; car dans "l’amant d’un jour"  la fausse sororité et/ou la fausse amitié vont reléguer au second rang le rôle de l’homme…alors même qu'il sert d'enjeu (lui le  père de Jeanne , lui l'amant d'Ariane) -

 

Portes que l’on ferme, cloisons qui fragmentent l’espace de l’appartement, gros plans sur l’amante donjuanesque (et en effet spéculaire la photo de son corps à la Une d’un magazine érotique) des sanglots longs, des promesses susurrées, une ritournelle de Jean- Louis Aubert, les relations ambiguës entre les deux jeunes femmes, ou encore le décalage entre le discours philosophique du père (il est prof de philo à l’université) et son comportement machiste, tout, dans cette manière impressionniste de traiter un drame intimiste  - en privilégiant des fragments de vie-  est mis en œuvre pour exhausser la fiction  à une dimension quasi mythique !

 

Le réalisateur n'a-t-il pas lui-même confié avoir voulu parler du complexe d’Electre.?.Dans le film c'est l'histoire d'une amitié consciente entre une jeune fille et sa belle-mère qui a le même âge qu'elle et comment l'inconscient de cette jeune fille la pousse à se débarrasser de cette rivale pour le père. Ce n'est pas très important de comprendre ça mais c'est comme ça que je l'ai bâti" 

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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18 juin 2017 7 18 /06 /juin /2017 05:47

De Pepa San Martin (Argentine Chili) 

avec Mariana Loyola, Agustina Muñoz, Julia Lübbert 

 

Grand Prix Kplus de la Berlinale 2016

Présenté à Rouen en avant-première dans le cadre de Ciné-Friendly , les journées du film lesbien gay bi et trans 

 

Argument: Depuis le divorce de leurs parents, Sara, 12 ans, et sa petite sœur Cata vivent avec leur mère et la compagne de celle-ci. Leur quotidien, fait de tendresse et de complicité, ressemble à celui d’autres familles. Lorsque leur père tente d’obtenir leur garde, l’équilibre de la famille semble mis à l’épreuve…

 

Rara

Si la réalisatrice s’est inspirée d’une histoire vraie -celle d’une juge qui à cause de son homosexualité a perdu la garde de ses enfants- elle adopte pour son film le point de vue de Sara, jeune adolescente qui connaît ses premiers émois "amoureux" et qui va porter un nouveau regard sur le monde des adultes. C’est moins un questionnement sur l’homoparentalité en général -ses aspects juridique sociétal moral voire philosophique - que le vécu d’une enfant qui vivait en harmonie avec ses "deux mamans"  mais qui va prendra conscience de l’altérité (anormalité diront son père Victor, ou sa grand-mère Icha dans le film ; abomination entend-on encore en France de la bouche de certains élus ou en passe de l’être….) Douloureuse initiation !

 

 

Sara est donc de tous les plans. Le film s’ouvre d’ailleurs sur un long plan séquence :vue de dos elle  traverse la cour de son collège, arpente le gymnase, des salles, monte ou descend des escaliers jusqu’au vestiaire. Ce qu’elle perçoit dans et de cet espace fragmenté semble intériorisé à tel point que parfois ses camarades de volley sont comme "floutés" Puis vont se succéder sur un rythme assez rapide des saynètes comme autant de tableautins d’une quotidienneté "assumée" (repas, chamailleries avec la sœur Cata, départ précipité le matin pour aller au collège, visites régulières chez le père, etc..) car c’est précisément dans le rapport à l’autre que va se jouer la prise de conscience (rapport avec sa sœur cadette, avec son père et sa belle-mère, avec ses deux mamans, avec son amie au collège et son "amoureux") Des bribes de discussions (hors champ) entre sa mère et sa grand-mère ou de conversations téléphoniques entre son père Victor et sa mère Paula, les gémissements de plaisir de Lia et Paula, les questions posées par son amie Pancha, tout va désormais la déconcerter. (cf la graphie du "r" inversé dans le titre...) Elle en vient à préférer fêter son anniversaire dans la maison de son père (l'ambiance sera plus  "normale"...)

La perception d'un  environnement  particulier, le regard de l’autre c’est la douleur silencieuse de Sara...(admirablement interprétée par Julia Lübbert); douleur qui sera peut-être décuplée quand la justice aura statué sur la garde des enfants....

 

 

La réalisatrice en adoptant ce point de vue évite du même coup les clichés, toute forme de manichéisme ainsi que les caricatures "faciles" (elle suggère plus  qu’elle ne montre et la force en sera d’autant plus persuasive). En mettant en scène tous les petits riens qui tissent un jour, une semaine, une vie, en faisant alterner légèreté -dans des scènes presque chorales- et tensions -cadres plus serrés- elle aura trouvé un ton juste… même si des esprits chagrins lui reprocheront certaines longueurs…. Une maturation ne saurait être instantanée….

 

La fin du film claque tel un couperet (même si elle était plus ou moins annoncée et qu'à un moment la grille séparant Lia qui vient de conduire Sara chez son père, se ferme telle une fin de non-recevoir symbolique)

Écran noir ! La justice a tranché !!!!!

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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16 juin 2017 5 16 /06 /juin /2017 07:23

De Ben Wheatley. (Royaume-Uni, France) 

Avec Brie Larson, Cillian Murphy, Armie Hammer 

Argument: Un soir, dans les années 1970, deux combattants de l’IRA ont rendez- vous dans une usine désaffectée de Boston avec un trafiquant d’armes sud-africain assisté d’un ex-Black Panther. Les intermédiaires sont un play-boy un peu beatnik qui fume joint sur joint et une jeune femme bien décidée. Chaque partie, acheteurs et vendeurs, est assistée par une paire de petits truands. En jeu, quelques dizaines de milliers de dollars pour trente fusils d’assaut.

Free Fire

Une transaction qui vire à la fusillade ; ça pétarade à tout bout de poutres métalliques ; ça défonce jambes épaules au point que très vite tous les personnages sont réduits à une reptation sanguinolente ….Il y a certes du Tarentino dans ce jeu de massacre. L’entrepôt rappelle celui de reservoir dogs la musique des années 70 aussi.  Mais dans free fire pas d’allées et venues ni dans l’espace ni dans le temps ; un huis clos sordide et glauque en apparence seulement car l’humour  et le côté ludique vont "sauver" ce faux thriller de bien des écueils -sans oublier bien évidemment la prestation de tous les acteurs!

 

 Plans aériens sur une ville et ses dédales de routes, d’embranchements, qu’accompagne une musique sur dimensionnée, c’est l’ouverture… Puis la caméra suit un camion, pénètre à l’intérieur où le conducteur et son compère (déjà pas mal amoché) s’invectivent en bons enfants…ce sont sûrement les "chauffeurs" sollicités pour le trafic d’armes ....La transaction (même s’il y eut tromperie sur la marchandise -des Beretta AR70 au lieu des M16- semble conclue avec tous les partenaires, … mais ….un des chauffeurs reconnaît l'Irlandais  qui a agressé sa cousine…. Tout foire ; et c'est précisément le prélude au huis clos dans cet immense entrepôt désaffecté que la stridence d’un téléphone vient par deux fois perturber...

 

Le réalisateur britannique semble s’en donner à cœur joie : musique, (contraste entre John Denver et la situation macabre) caméra virevoltante, pistolets fusils automatiques revolvers en sarabande, dialogues salaces et/ou misogynes… on a bien affaire à des "salopards" mais  leurs peurs et leurs blessures deviennent progressivement le véritable enjeu du film : la fusillade n’aura-t-elle été qu’un "prétexte"?

 

Tout ça pour ça? diront désappointés certains spectateurs…. Je les comprends…. 

 

Colette Lallement-Duchoze


 

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12 juin 2017 1 12 /06 /juin /2017 07:47

Documentaire réalisé par Shu Aiello et Catherine Catella (Italie, France) 

Un Paese di Calabria

Riace était abandonné déserté par les siens ; les noms prénoms que cette vieille femme égrène dans la rue face à des fenêtres closes, restent sans réponse ; son beau visage buriné et parcheminé est comme le grimoire du passé ; désormais seule dans cette rue ; seule aussi face à l’immensité de la mer (c’est sur le mouvement répétitif de flots s’écrasant sur la grève que s’ouvre le film, mouvement auquel fera écho le tout dernier plan avant le générique de fin, comme la métaphore de ce flux de femmes et d’hommes qui risquent leur vie en accostant sur des rives jusque-là inconnues). Nous entendrons tout au long, en voix off, le témoignage de cette femme qui a quitté le paese di Calabria après la Seconde Guerre mondiale, accompli un long voyage pour rejoindre à Nice son mari Antonio : ses paroles jouent le rôle de contre point et/ou de mise en perspective -alors qu’elles évoquent l’immigration italienne après la Seconde Guerre, le documentaire  nous montre l’arrivée de Kurdes puis d’autres migrants sur le sol italien aujourd’hui, et l’accueil généreux de la population de Riace , avant leur nouveau départ vers ....La voix de cette femme laisse parfois résonner le silence ou la vibration de chants: Polyphonie du Vivant par-delà les générations !

 

Le village de Riace est dans un premier temps présenté comme beaucoup de villages méditerranéens à flanc de colline et surplombant la mer ; panoramiques sur les oliviers et cactus , vue en plongée sur ces moutons qui paissent sous la houlette du berger ou contre plongée sur le village lui-même comme fossilisé sur une paroi rocheuse. Dès l’arrivée de 200 Kurdes le fossile s’ouvre et si nous pénétrons dans ses voies intérieures, s’imposera à notre regard la diversité partagée!! Ecole commerces habitations s'animent (à nouveau)! 

« Riace a refleuri Riace est revenu à la vie » précisément grâce à ces migrants. Interviewés isolément (visage ou corps entier face à la caméra)  nous les retrouvons mêlés à la foule lors de manifestations festives ou religieuses (la vénération de Côme et Damien par exemple). Leurs témoignages décuplent la force suggestive de leur trauma (cette Africaine qui a traversé la Libye et vécu les pires atrocités : cet homme qui a vu mourir les siens et des femmes et enfants...Pourquoi Gloria est-elle aussi farouche voire effrontée à l'école ?? des secrets, une douleur !!!) On ne doit pas badiner avec cette vérité ; ni surtout avec les dangers d’une traversée ; ne pas les tourner en dérision -comme vient de le faire en haut lieu "notre"  nouveau président….à propos des kwassa-kwassa ....

Voici une image bouleversante : des objets figés -bouteille, chaussures....- sur le ponton d’un bateau échoué..., objets reliques d’une vie qui a basculé pour l’éternité dans les abysses!

 

 

Ce  documentaire sur une politique d’accueil de migrants est un bel  exemple de cohabitation bienfaitrice. Les forces d’opposition (celle de la mafia calabraise par exemple) ne sont nullement occultées. Un Paese di Calabria , c'est ainsi et aussi un combat de tous les instants (les allocutions du maire Domenico forcent l'admiration et contrecarrent les politiques frileuses de l'Europe sur l'immigration...) 

 

Colette Lallement-Duchoze

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9 juin 2017 5 09 /06 /juin /2017 06:22

De Hong Sang-soo (Corée du Sud)

avec Kim Min-Hee, Hae-hyo Kwon, Kim Saebuk

 

Présenté en compétition au festival de Cannes 2017

 

Le Jour d'après

Comment une situation apparemment vaudevillesque  -quatre personnages, triangulation amoureuse- devient oeuvre d'art , c'est tout le charme de ce film -ce qui, faut-il le rappeler ad libitum, prouverait une fois de plus qu'une oeuvre ne saurait se réduire à son histoire...

 

On sait la prédilection du cinéaste pour  "les intermittences du coeur" ; on connaît sa façon de filmer:  un dispositif resserré, peu d'acteurs, caméra souvent fixe, décors banals, importance accordée aux  repas et à la prise d'alcool

 

Ici le noir et blanc, l’éclatement de la temporalité (même si par deux fois un gros plan sur l’horloge inscrit le récit dans une chronologie précise : une journée) ainsi que l’enchevêtrement ou la superposition de "récits" et situations illustrent l’ambiguïté du personnage principal Bongwan, directeur d’une maison d’édition, mais aussi sa lâcheté (ce que clame haut et fort une protagoniste).

Seule Areum -elle vient d’être embauchée – sera réellement affligée par la duplicité de ses semblables et dans la dernière scène (sorte d’épilogue) non seulement elle se rappelle à la mémoire de son ex patron (ici la variation -on entend quasiment les mêmes propos que le jour de l'embauche- est ironique…) mais elle le questionne sur ses choix dans le champ du possible et de l’infidélité !

Parfois le "blanc" surexposé (la cuisine dans la maison  de Bongwan, l’intérieur de sa librairie, la bouche de métro, la chaussée enneigée) semble obéir à une logique, celle de scruter le(s) personnage(s) de façon crue – alors que quasi simultanément se profilent ou s’estompent des silhouettes fantomatiques, qu’elles soient ressuscitées par le souvenir ou tout simplement fantasmées….

 

Bongwan quitte son domicile  très tôt un matin pour se rendre au travail, après un interrogatoire en bonne et due forme de l’épouse qui le soupçonne d’avoir une liaison adultère (c'est la scène d'ouverture): le voici qui marche dans la rue ; le plan suivant autre lieu, autre femme, autre temps. Il en ira de même dans la librairie, au restaurant… Ce montage qui au départ peut désorienter le spectateur est aussi une invite à nous interroger sur le "réel" - sommes-nous dans le passé (celui de Bongwan et de son amante, son ex employée) le conditionnel (celui d’Areum) alors que le présent (celui de l’épouse) est dénaturé par un quiproquo...

 

Le couple est face à face attablé au restaurant, nous le voyons de profil, sur le mur le portrait de Bach qui regarde en légère plongée, la caméra va d’un personnage à l’autre, d’un visage à l’autre en léger travelling latéral, avec parfois un zoom, alors que la discussion porte sur Dieu, l’écriture, pourquoi vous vivez ? demande avec candeur et sérieux Areum à son patron … La réponse ? "le jour d’après"...

Soseki s'est invité "Quand la difficulté de vivre s’intensifie, l’envie vous prend d’aller ailleurs. Une fois que vous avez compris que la peine est partout la même, alors la poésie peut naître"

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

 

 

 

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4 juin 2017 7 04 /06 /juin /2017 07:37

D'Andrew Steggall 

Avec Juliet Stevenson, Alex Lawther, Phénix Brossard

 

Prix de la Jeunesse au Festival du Film Romantique à Cabourg et Mention Spéciale du Jury à l’International Queer Film Festival à Hambourg en 2016

 

Béatrice et son fils Elliot passent une semaine dans une maison de vacances, dans un coin isolé du sud de la France. Elliot fait la connaissance de Clément, un adolescent mystérieux qui pousse peu à peu la mère et son fils  à affronter leurs désirs.....

Departure

Foi dans l’écriture ? Volonté de tout saisir dans l'instantanéité ? Prise de conscience de l’absurde? Délivrance ? Parcours initiatique ? Elliot secrètement amoureux de Clément découvre avec délectation et douleur les vertiges de la sexualité (où se mêlent onirisme fantasme et onanisme)

Quand il accomplira le même geste que Clément -plonger nu dans les profondeurs de l’élément liquide- ce ne sera pas par défi mais pour accéder à la pleine lumière ...( les phares de la voiture dans l'opacité noire de la forêt en étaient le prélude métaphorique)

 

Departure -premier long métrage d'Andrew Steggall- expose avec pudeur et sobriété des fragments du désir amoureux. Tandis que l’on trie, empaquette, que l’on semble se délester d’une partie de son passé -la maison de vacances en était l’habitacle, on la vend et on va la quitter définitivement- les personnages de la mère et du fils se complexifient ; Clément jeune parisien de passage servant de "catalyseur"

 

Certes les trois acteurs jouent leur partition avec conviction et habileté, certes les rendus des paysages (forêt, plan d'eau) et ceux des ambiances (intérieurs clair-obscur ; visage hébété se détachant sur fond aux couleurs froides par exemple) sont "impeccables"; et le  bilinguisme ajoute à l'ambivalence. Et pourtant ! …..

 

Est-ce le recours à un dispositif métaphorique plus qu’éculé dont le cinéaste use et abuse (eau, forêt nuit, sans oublier la récurrence même fantasmée de l’animal blessé)?. Est-ce l’insistance sur ces images très "lisses" ? cette esthétique "léchée" (à l’instar d’ailleurs de ce faux drame sur les intermittences du cœur) ? Ce parallélisme "facile" entre un amour naissant (Elliot) et un amour mourant ( la mère )?

Tout cela fait qu’on reste extérieur à ce "vague des passions" (très romantique d’ailleurs) tant il souffre d’un manque : celui d'une force explosive et ténébreuse !

 

Colette Lallement-Duchoze

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20 mai 2017 6 20 /05 /mai /2017 07:05

De Raùl Arévalo (Espagne) 

Avec Antonio de la Torre, Luis Callejo, Ruth Diaz, M. Solo

 

Prix du jury et prix de la critique au festival international du film policier de  Beaune

 

Un homme attend huit ans pour se venger d'un crime que tout le monde a oublié...

La colère d'un homme patient

Un prologue saisissant tant par le rythme que par la musique. En un long plan séquence on voit un homme qui attend à l’intérieur d’une voiture son complice ; le braquage s’est mal terminé ; course poursuite….Qui est ce chauffeur que la police vient d’arrêter ???? on l’apprendra au cours de la narration que le réalisateur a dans un premier temps découpée en "scènes" -annoncées par des encarts.

 

José, un homme apparemment discret et peu loquace - se méfier des faux semblants...-  est le personnage principal ; il se lie d’amitié avec Juan, avec  Ana sa sœur, et son compagnon Curro qui sort de prison (le chauffeur du prologue?). Les éléments du puzzle se mettent en place et le spectateur comprendra que José -il analyse aussi des vidéos enregistrées par des caméras de surveillance - élabore patiemment une vengeance. Huit ans après les faits ! c’est "la colère d’un homme patient"!

On a presque tous les ingrédients d’un genre : murs délabrés, rues poussiéreuses gueules tordues (presque à la Bacon) de certains malfaiteurs -voilà pour le décor ; flingue vengeur et vêtements ou planchers maculés de sang- voilà pour l’ambiance. José séduit  Ana pour approcher Curro et s’en servir -comme d’un "otage"- ; visage renfrogné comme masque de la douleur ; attente "patiente" d’une vengeance comme "prison"  intérieure ; voilà pour la dynamique interne.

 

Certes la mise en scène est habile ; certes des ellipses et le jeu d’allers et retours ajoutent du "piment "; certes le parcours de José  suit une trajectoire bien tracée -et très souvent le réalisateur nous le montre de dos avec Curro en train de  marcher ou courir vers un but inexorable...ce que renforce leur périple à travers l’Espagne- ; et pourtant  dès que la vengeance se "concrétise" , quelque chose vient enrayer le processus de justice immanente dans sa mécanique : serait-ce plus l’oubli d’un crime, que la mort d'un être cher  que José veut faire payer ? est-ce l’insistance inutile sur certains détails? Est-ce l’absence délibérée de "contexte social" ? ou que sais-je encore?

 

On partagera peut-être les doutes de ce "justicier" (quand il hésite par exemple à exécuter froidement un ex braqueur, repenti et bientôt père) mais on restera à côté ou à distance….de ce thriller (où même le final qui se voudrait un "twist" n’en est pas un...un "rebondissement" l'avait préparé...)

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

NB le réalisateur Raùl Arévalo a joué dans le polar "La Isla minima" de Rodriguez et Luis Callejo (Curro)   dans "l'homme aux mille visages" du même réalisateur 

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16 mai 2017 2 16 /05 /mai /2017 07:08

De Nana Ekvtimishvili, Simon Groß (Géorgie)

Avec  Ia Shugliashvili, Merab Ninidze, Berta Khapava

 

 

 

"Tbilissi, Géorgie. Manana, la cinquantaine, mène une existence a priori tranquille entre le lycée où elle enseigne depuis des années et l'appartement où elle habite avec son époux, ses enfants et ses parents."

Une famille heureuse

Le film s’ouvre sur la visite d’un appartement. Ce jour-là l’ascenseur est en panne (4 étages) la lumière est défaillante et tandis que la concierge vante les qualités de ce logement, en égrenant -sans conviction d’ailleurs- sa litanie de clichés, la caméra en une sorte de contrepoint livre des images qui la contredisent….Une femme  écoute, regarde, muette. Raccord .(juste après la question "avez-vous une famille"). La même Manana dans un autre appartement celui qu’elle partage avec ses parents son mari ses deux enfants et son gendre. La "matriarche" est plus qu'acariâtre, le mari pochetron semble "ailleurs", le père très âgé impotent figé telle une potiche, les enfants immatures et grognons. Tout est dit ou presque dans ces deux scènes. Le déraillement, la difficile cohabitation. La décision irréversible de Manana. Le titre est bien antiphrastique!!

 

Manana a quitté le "domicile conjugal et familial"  le jour de son anniversaire ; seule désormais dans un deux-pièces, elle peut s’adonner à la musique, elle prend enfin le temps de se "poser" (Deux scènes en écho sont à cet égard révélatrices: chez les siens elle se fait admonester par sa mère quand elle veut manger une part de gâteau ; seule, elle déguste,avec délectation, sa part d'un même gâteau..).

Libération émancipatrice, non violente, d’une femme de 52 ans qui a décidé de "ne jamais se plaindre, ne jamais se justifier" tel est bien le sujet de "Une famille heureuse". Manana  restera la mère consolatrice, elle assistera aux fiançailles de son fils. Elle s’insurgera en revanche contre le rôle protecteur de son frère ou s’opposera aux faux arguments du mari qui la supplie de revenir

La fête -anniversaire de Manana, rencontre d’anciens camarades de fac, fiançailles du fils- donne certes l’occasion de chanter (dont tu étais ma rose tu es devenu mon chagrin/ ) mais aussi de scander le parcours de l’héroïne dans la revendication de soi …avec pour  toile de fond une critique de la société géorgienne (cf Ekia et Natia chronique d'une jeunesse géorgienne) 

 

Mais c’est surtout par la juxtaposition de "petits riens",  par l’opposition entre la façon de filmer à peine mouvante quand Manana est seule, plus saccadée quand elle rend visite aux siens, que s'élabore le portrait  de cette femme, interprétée avec élégance et justesse par Ia Shugliashvili

 

Un film à ne pas manquer!

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

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