12 janvier 2018 5 12 /01 /janvier /2018 16:32

De Paolo Virzi (Italie USA) 

avec  Helen MirrenDonald SutherlandChristian McKay

 

Les années ont passé, mais l'amour qui unit Ella et John Spencer est resté intact. Un matin, déterminés à échapper à l'hospitalisation qui les guette, ils prennent la route à bord de leur vieux camping-car et mettent le cap sur Key West. Ils découvrent alors une Amérique qu'ils ne reconnaissent plus...et se remémorent des souvenirs communs, mêlés de passion et d'émotions

 

L’Échappée Belle

Ce film sur "la fin de vie" (John est Alzheimer,  Ella en phase terminale d’un cancer) film sur un ultime voyage (sens propre et figuré) est -il faut bien l’admettre- décevant; même si le réalisateur a choisi l’humour et  la dérision -pour ne pas verser dans une forme de misérabilisme ou de mièvrerie

Fausses blagues salaces d’un vieillard incontinent, immersion artificielle dans une forme de culture américaine (dont les rires béats d’obèses qui scandent la campagne électorale de Trump) paysages cartes postales (du New Jersey à la Floride) et profession de foi en l’amour "éternel", l’échappée belle (nom du camping-car) est sauvé de justesse par l’excellente prestation de Donald Sutherland (l’inoubliable Hawkey Pierce de M.A.S.H) et d’Helen Mirren (qu’on ne présente plus…)

Faire coïncider les différentes haltes qui jalonnent la longue route avec les "pauses" sentimentales où l’on ressuscite le passé (diapositives sur petit écran improvisé ou rencontres d’ex-étudiantes -lui était prof d’anglais spécialiste d’Hemingway) pourquoi pas ? Au tempo créé par cette alternance se superposerait la "partition" du souvenir. À condition que....

Et que dire de ces scènes quasi inutiles (celle du fusil…par exemple)? Autant de digressions qui obèrent un scénario déjà lourd de clichés…

 

Léger bémol : on entend Bob Dylan ….et Janis Joplin...

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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5 janvier 2018 5 05 /01 /janvier /2018 05:18

La Cordillera (titre original)

De  Santiago Mitre (Argentine) 

Avec: Ricardo Darín (le président argentin Hernán Blanco), Érica Rivas (Luisa Cordero), Dolores Fonzi (Marina Blanco), Paulina García (la présidente chilienne Scherson), Daniel Giménez Cacho (le président mexicain Sastre), Elena Anaya (Claudia Klein), Alfredo Castro (García l'hypnotiseur), Gerardo Romano (Castex), Leonardo Franco (le président brésilien Oliveira Prete), Christian Slater (Dereck McKinley), Gabriela Pastor (Natalia)...

Présenté au festival de Cannes (Un Certain Regard)

Argument

Au cours d’un sommet rassemblant l’ensemble des chefs d’État latino-américains dans un hôtel isolé de la Cordillère des Andes, Hernán Blanco, le président argentin, est rattrapé par une affaire de corruption impliquant sa fille. Alors qu’il se démène pour échapper au scandale qui menace sa carrière et sa famille, il doit aussi se battre pour des intérêts politiques et économiques à l’échelle d’un continent.

El Presidente

Fable politique? Docu-fiction? Thriller psychologique? 

Le réalisateur joue  sur ces différents  registres. Au début triomphe le réalisme : la caméra nous entraîne -après avoir franchi avec Emilio la porte réservée aux "petits"- à l'intérieur de  la résidence présidentielle de Buenos Aires. Nous faisons la connaissance des hommes du président -briefing (étouffer l'affaire de corruption) préparation du "sommet" : la création d’une OPEP sud-américaine. Puis ce sera l’installation sur les hauteurs enneigées dans un hôtel luxueux au Chili ; avec les séances très protocolaires, de présentations et d’interviews.(on pourrait même reconnaître des hommes politiques actuels….) .Mais dès que la fille Marina a rejoint son père (or  le scandale est arrivé suite à la dénonciation de son ex mari) et que se manifestent ses  "pouvoirs quasi magiques" (ce dont rend compte la longue séquence d’hypnose) le film bascule dans l’étrange; il devient même "construction mentale" et cette étrangeté va contaminer les séquences finales des négociations -même si apparemment on est de nouveau dans le " réalisme"

Vues aériennes sur les routes en lacets épousant dans leur forme dédaléenne les circonvolutions de la pensée et les circonlocutions du langage diplomatique tacticien?? ; en écho à l’intérieur de l’hôtel les travellings circulaires lors des confrontations entre participants....Scènes plus intimes filmées caméra à l'épaule. Un jeu d'alternance au service de la "dualité " du personnage éponyme . Filmé en groupe, en duo ou plus souvent pris isolément, Ricardo Darin vu de face de  profil ou de dos impose non seulement sa stature à l’écran mais un jeu distancié malgré le flegme apparent ; un jeu toujours en harmonie avec l’image "équivoque" du président qu’il incarne : un président récemment élu sur le slogan  un homme comme vous  pris au piège de la corruption- ...qui doit en outre "imposer" sa marque sur l’échiquier politique : servir des enjeux pétroliers et reconnaître la toute puissance du courant anti-libéral du Brésil, faire allégeance à  son président très populaire? pactiser en coulisses avec l’émissaire américain ? En frondant avec l’ami mexicain  pro-américain? El Présidente est à l'écran ce requin politique et ce séducteur au regard bleu acier

Privilégier la part d’ombre et la sphère privée du "président" c’est le choix du réalisateur.  Et certes il entretient le doute -comme dans un thriller psychologique- ; les souvenirs et les imprécations de la fille -instable psychologiquement- seraient-ils moins crédibles que les arguments du père qui se protège derrière une posture convenue ? Cette carapace de père aimant, d'homme affable ne cache-t-elle pas le pire des assassins?

El presidente n’en est pas pour autant un film corrosif et convaincant. Pourquoi? On devine trop les difficultés à nouer les deux aspects de cette politique/fiction (suspense politique et psychologique) et  le manque d'aisance à  superposer deux trames narratives. De même le choix de métaphores plus ou moins éculées (le patronyme Blanco, les secousses dans l’avion au moment de l’atterrissage comme prémices d’autres "perturbations", le gros plan sur la fenêtre brisée et celui du fauteuil renversé dans la neige; les couloirs dérobés empruntés pour rencontrer l'agent américain comme illustration des "coulisses" du pouvoir...etc...) et l’option d’une fin "ouverte" auront quelque peu entaché le plaisir du spectateur!!

 

Colette Lallement-Duchoze 

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31 décembre 2017 7 31 /12 /décembre /2017 03:16

De Marc Dugain 

Avec Lambert WilsonOlivier GourmetAnamaria Vartolomei Juliane Lepoureau

 (adaptation du livre de Chantal Thomas qui a cosigné le film)

 

 

argument:

1721. Une idée audacieuse germe dans la tête de Philippe d’Orléans, Régent de France : Louis  XV, 11 ans, va bientôt devenir Roi et un échange de princesses permettrait de consolider la paix avec l’Espagne après des années de guerre qui ont laissé les deux royaumes exsangues. 
Il marie donc sa fille, Mlle de Montpensier, 12 ans, à l’héritier du trône d’Espagne, et Louis XV doit épouser l’Infante d’Espagne, Anna Maria Victoria, âgée de 4 ans.
Mais l’entrée précipitée dans la cour des Grands de ces jeunes princesses, sacrifiées sur l’autel des jeux de pouvoirs, aura raison de leur insouciance…

L'échange des princesses

Film grand public – à voir l’affluence à l’Omnia de  Rouen un samedi après midi- on se dit que les films de princesses font toujours rêver le bon peuple. Sauf que là il ne s’agit pas de niaiseries royales mais d’un film crépusculaire sur le malheur des femmes au 18ème siècle, fussent elles de la plus haute naissance.

Monnaie d’échanges pour réconcilier deux pays en guerre ou prétexte à en déclarer de nouvelles, cette tradition de mariages consanguins cachait des petites tragédies. Il n’est pas question d’amour même si la bonne volonté des jeunes protagonistes tend à nous démontrer qu’on peut finir par aimer quiconque avec un peu de volonté.

 

L’image est soignée, les lumières qui donnent le ton au film sont remarquables.

Mais on regrettera que le réalisateur ait fait jouer la fille de Philippe d’Orléans de manière anachronique, en décalage complet avec les autres acteurs, son parler contemporain était-il nécessaire pour montrer son caractère rebelle ? C’est très maladroit.

Idem pour le frère du jeune Louis XV  qui  joue très mal et Lambert Wilson qui en fait trop.

La grande actrice Catherine Mouchet, qui joue la gouvernante des jeunes princes, apporte une intériorité émouvante comme un pavé au milieu de ces cours aux moeurs glacées et glaçantes.

 

Serge Diaz

 

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30 décembre 2017 6 30 /12 /décembre /2017 14:53

argument

De son enfance difficile en Pologne, en passant par son adolescence sous le soleil de Nice, jusqu’à ses exploits d’aviateur en Afrique pendant a Seconde Guerre mondiale… Romain Gary a vécu une vie extraordinaire. Mais cet acharnement à vivre mille vies, à devenir un grand homme et un écrivain célèbre, c’est à Nina, sa mère, qu’il le doit. C’est l’amour fou de cette mère attachante et excentrique qui fera de lui un des romanciers majeurs du XXème siècle, à la vie pleine de rebondissements, de passions et de mystères. Mais cet amour maternel sans bornes sera aussi son fardeau pour la vie…

La promesse de l'aube

Une adaptation qui fera hérisser d’horreur les amoureux de l’écriture de R Gary (et de « la promesse de l’aube » en particulier ) ;

quant aux autres je parie qu’ils n’apprécieront pas du tout les surcharges;  l’accent de Charlotte Gainsbourg, le recours aux filtres, les pâles reconstitutions, la voix off de Niney -Gary adulte- et  et

 

promesse de daube (j’ai lu ça quelque part : c’est aussi mon avis)

 

à déconseiller

 

Elisabeth

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22 décembre 2017 5 22 /12 /décembre /2017 08:16

De Sean Baker USA

Avec Willem Dafoe Brooklynn Prince, Bria Vinaite, M. Murder

The Florida Project

Nous sommes en Floride dans la région d’Orlando. C'est l'été  Voici trois mômes intrépides, dont Moonee 6 ans. Débordant de vie, abandonnés par leurs parents (qui travaillent..ou non), livrés à eux-mêmes ils courent, tombent, rigolent, crient, dévalent à toute allure les escaliers du motel ; ils crachent sur le pare-brise d’une voiture, invectivent les touristes, se moquent d’une rombière dénudée au bord de la piscine... La mère de Moonee est une "adulte" immature, farfelue, impudique (doigts d’honneur, déhanchement provocateur, tatouages) qui vit d’expédients -ils peuvent être passibles de...- pour payer le loyer ou "gâter" sa fille (jusqu’à la goinfrer -dans cette scène qui précède le drame, la gamine filmée de face en gros plan ingurgite voracement ad nauseam...comme si elle ingérait en une seule et unique fois des vivres jusque-là refusés). Au milieu un gérant (admirable Willem Dafoe) qui tente "d’arrondir les angles" ; cet ange gardien connaît le langage des volatiles (séquence presque onirique quand  il les invite  mezza-voce à quitter le macadam…)

L'art de  Sean Baker consiste à  dérégler toutes nos pathétiques "médiocrités" 

Tout ce qui est montré est vilipendé et tourné en dérision : le Majestic Castle couleurs mauves ? Autrefois parangon du tourisme de masse? c’est là qu’ont élu domicile les laissés pour compte du "grand rêve américain",  les victimes de la grande crise économique, les oubliés de Trump...C’est à ses abords que les mômes -tapis dans les herbes (folles) ou blottis dans un renforcement de béton- s’inventent leur propre univers -qui parfois tient de la magie! 

Filmée à hauteur d’enfant cette chronique ne verse jamais dans le " misérabilisme" ; certes elle frappe par le contraste cruel entre la dure réalité et la légèreté sirupeuse du monde "enchanteur de Disney" mais dotée d’une incroyable énergie, elle déborde d’humanité

Ne peut-on pas interpréter la séquence finale où les deux gamines s'extirpent du motel, courant  bras ouverts à  l’utopie, comme la volonté d’en découdre avec les lois du monde adulte?

 

Colette Lallement-Duchoze

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18 décembre 2017 1 18 /12 /décembre /2017 06:43

De Cecilia Atàn et Valeria Pivato (Argentine)

 

Avec Paulina Garcia Claudio Rissi

 

présenté au festival de Cannes (Un certain Regard)

 

Argument

Teresa, 54 ans, a toujours travaillé au service de la même famille jusqu’au jour où elle est contrainte d’accepter une place loin de Buenos Aires. Elle entame alors un voyage à travers l’immensité du désert argentin, et ce qui semblait être le bout du chemin va s’avérer le début d’une nouvelle vie.

 

La Fiancée du désert

Les premiers plans étaient "prometteurs" : une théorie de voyageurs vue en légère plongée ,apparemment déboussolés, et dont les paroles nous parviennent feutrées comme chuchotées ; on s’interroge sur la cause de l’accident du bus….oiseau; pare-brise.. Il faudra passer la nuit au sanctuaire de la Difunta Correa, un lieu de pèlerinage situé dans le désert de San Juan, au centre-ouest de l’Argentine.

C’est alors que la caméra va capter en le détachant du groupe, le visage de Teresa ; elle sera la fiancée du désert… Un sac oublié par inadvertance dans l’habitacle du camion d’El Gringo (où elle essayait une robe) et cet "acte manqué" est le point de départ à ce qu’il est convenu d’appeler un road trip

 

Certes l’actrice chilienne Paulina Garcia -qui est de tous les plans- interprète, talentueuse, tous les registres, les nuances des sentiments et de l’émotion (pudeur, désarroi, sourire,  illumination).

Certes l’alternance entre flash back et moment présent permet au spectateur d’approcher au plus près le personnage  et aux réalisatrices de dénoncer sans trop appuyer ce que furent les relations patron/domestique et la relation avec Rodriguez - le fils "paternaliste" de ses ex patrons (Teresa par son abnégation ne ressemble-t-elle pas à la Félicité de Flaubert?)

De même l’alternance entre extérieurs - panoramiques sur la vaste étendue de San Juan- et scènes d’intérieurs -maison des ex-patrons, bars restaurants aux couleurs chaudes,- évoque sans symbolisme cet "entre deux" où se trouve désormais Teresa

Certes le voyage aux côtés de Gringo (à la recherche du sac….) se double d’un voyage intérieur dont les différentes "étapes" coïncident avec les temps de pauses et de rencontres. Et le changement de coiffure participe lui aussi de cette "initiation" (cheveux enfin déliés = laisser aller, lâcher prise) 

 

 

Tout cela traité par petites touches. Serait-ce une épure ?

Mais quelque chose ne tourne pas rond…

et le minimalisme peut se faire pataud et- paradoxalement- "pompier" 

Non-dits trop signifiants ? Cheminement laborieux ? Absence de singularité ? 

En tout cas, on est loin du "réalisme magique" revendiqué

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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18 décembre 2017 1 18 /12 /décembre /2017 05:06

De Sofia Djama 

Avec Sami Bouajila, Nadia Kaci, Faouzi Bensaïdi 

Argument:

Alger, quelques années après la guerre civile. Amal et Samir ont décidé de fêter leur vingtième anniversaire de mariage au restaurant. Pendant leur trajet, tous deux évoquent leur Algérie : Amal, à travers la perte des illusions, Samir par la nécessité de s'en accommoder. Au même moment, Fahim, leur fils, et ses amis, Feriel et Reda, errent dans une Alger qui se referme peu à peu sur elle-même.

Les Bienheureux
Plongée dans une Algérie qu’on connaît si mal : celle d’une famille relativement aisée (père gynéco, mère prof de fac) qui nous offre un tableau fictionnel témoin d’un pays à la dérive. L’action se passe en 2008, juste après la décennie terroriste islamiste qui a laissé des cicatrices profondes. D’un côté des quinquas désabusés, désillusionnés, de l’autre leurs enfants étudiants sans illusion aucune,  hormis pour l’un d’entre eux dont la déviance névrotique dans l’Islam montre que l’aliénation religieuse, comme refuge, n’a pas disparu.
 
Le montage rend très bien ces vies parallèles qui se croisent et se rencontrent mal. Les dialogues, mélangeant français et arabe,  soulignent à la fois les tentatives de sortir culturellement de la colonisation et le mimétisme bourgeois un peu ridicule de cette classe sociale entre deux chaises. D’où un jeu d’actrices, surtout, qui peut sembler faux mais sert bien le propos.
La solution à l’étouffement reste la fuite vers la France, mais au prix d’un nouveau déchirement familial.
 
Film intéressant, bien interprété, une bonne qualité de la photo où les lumières célèbres d’Alger se sont ternies en ocres de la nuit.
 
A voir pour comprendre ce qui se passe à l’intérieur de ce pays meurtri , si proche et si loin.
 
Serge Diaz
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16 décembre 2017 6 16 /12 /décembre /2017 17:48

Docu-fiction d'Emmanuel Gras 

avec Kabwita Kasongo et Lydie Kasongo 

Grand prix de la Semaine de la Critique, Cannes 2017

Makala

Kabwita vit dans la province de Katanga (au sud de la République Démocratique du Congo). Ses ressources, pour subvenir aux besoins de sa famille (son épouse et ses trois enfants) ? Fabriquer SON propre charbon de bois (makala) et le vendre

Et l’on va le suivre depuis le choix de l’arbre, sa coupe à la hache, la transformation en charbon, l’empaquetage,  jusque dans sa longue marche de 50km -les paquets empilés sur un vélo déglingué- vers le marché de Kolwezi.

 

C‘est de ce périple, c’est de ce labeur, c’est de cette volonté irrépressible de survivre en bravant tous les dangers, que le réalisateur rend compte dans ce long métrage/documentaire - qui n’exclut pas l’arrière plan politique - la condition des plus démunis contraste avec l’irresponsabilité des gouvernants : le plan où Kabwita -qui croule sous le fardeau sous la chaleur-  tourne le dos à une immense affiche vantant les bienfaits du président Kabila, le prouverait aisément

 

La somptuosité des images, la perfection des cadrages, le respect d’une lumière "naturelle", les effets de clair -obscur, l’alternance entre gros plans sur le visage de Kabwita et plans larges (quand il affronte seul une nature hostile)- ou plus resserrés (quand il est confronté à la "cité" trépidante et mercantile des hommes) et cette musique lancinante -frottements d’archet de violoncelle-, tout concourt à entraîner le spectateur dans cette odyssée et à le subjuguer

 

Alors que cesse la cognée, que l'arbre s'est allongé voici que les ramures dessinent une chorégraphie céleste et que tout semble se minéraliser ....

Alors que les "tractations" ont pris fin, voici Kabwiti au sein d'une communauté où l'on exalte les vertus de l'homme intègre; tous les participants, comme en état de transe, implorent le Seigneur (séquence finale) 

Ainsi la caméra d'Emmanuel Gras aura fait de Kabwita, charbonnier congolais, un être "mythique"..

 

 

Un film à la ténébreuse clarté

Un film saisissant

A voir absolument

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

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9 décembre 2017 6 09 /12 /décembre /2017 06:36

De Mohammed Rasoulof Iran 

avec Reza Akhlaghirad, Soudabeh Beizaee, Nasim Adabi, Massagh Zareh, Zeinab Shabani, Zhila Shah

Argument

Reza, installé en pleine nature avec sa femme et son fils, mène une vie retirée et se consacre à l’élevage de poissons d’eau douce.  Une compagnie privée qui a des visées sur son terrain est prête à tout pour le contraindre à vendre. Mais peut-on lutter contre la corruption sans se salir les mains ?

 

Un homme intègre

L’homme intègre c’est Reza ; il est de tous les plans. Regard noir sombre. Il est aussi le seul à refuser de pactiser avec un système régi par la corruption. Dans son pays, tout s’achète se monnaye, quel que soit le secteur d’activités (école santé police justice). Porter plainte quand on est dans son bon droit ? Ça coûterait bien plus cher que le versement des indemnités réclamées…. Ce serait se mettre à dos les potentats locaux. Ce serait une "hérésie" !  

 

Le mécanisme -compromissions pressions intimidations menaces- est illustré de façon magistrale et progressive : succession rapide des échanges "monnayés" (avec gros plans sur des mains qui palpent des liasses  ou les tractations répétées dans l’enclos de voitures,  par exemple) ; gradation dans les représailles/catastrophes – depuis la contamination de l’eau jusqu’à l’incendie – en des scènes inoubliables (valse funèbre des corbeaux prédateurs qui cisaillent avec stridence les lambeaux d’un ciel lui aussi contaminé ; valse des motards qui pétaradent dans la nuit devenue complice de leur forfait). Mais le film ne verse pas pour autant dans le "didactisme", tout n'est pas dit  ni "montré" de façon explicite! 

Résister dans un tel contexte c’est TOUT perdre. Si le beau-frère  semble « justifier » la pratique de la corruption « il faut bien qu’ils vivent. Ils ne sont que fonctionnaires » (il a « payé » pour accélérer la sortie de prison de Reza -injustement accusé d’ailleurs…) la femme de Reza (directrice du lycée local) d’abord compréhensive va progressivement accuser son mari, convaincue que l'entêtement est frappé d'inanité. Un couple qui se déchire  : c’est aussi ça le "prix à payer" si l’on entre en résistance ! Face à face, ou visage isolé cadré à l’extrémité d’un plan, paroles comminatoires ou silence, le réalisateur rend palpable cette lente détérioration ….

 

On a l’impression que se mêlent en un saisissant imbroglio tous les intérêts politiques religieux économiques d’un pays; le réalisateur en a lui-même fait les frais (assigné à résidence menacé de prison pour avoir prétendument attenté au pouvoir…)

Y a-t-il encore une place pour l’espoir ? Le film est assez pessimiste…Le plan élaboré par Reza  frappe par son machiavélisme...

 

La scène d’ouverture était surprenante : un très gros plan sur une surface arrondie que pénètre une seringue… le plan s’élargit c’est une pastèque dans laquelle Reza  injecte de l’alcool .

Et la scène récurrente où l’on voit Reza déguster seul son alcool dans cette nappe d’eau chaude naturelle n’illustre-t-elle pas une façon de se "ressourcer" loin de tous les interdits?  Nudité primale retrouvée, exacerbation des sens ou le  bonheur sans entrave ? 

 

Un film "coup de poing", primé au festival de Cannes "Un certain Regard", à voir absolument !

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

 

Je confirme ce qu'en dit Colette. C'est un beau film avec des accents de thriller. Il décrit magistralement un Iran que ne voient pas les touristes (j'en reviens) de ce magnifique pays. Saluons Mohammed Rasoulof réalisateur-héros car son courage dans la dénonciation du système n'a d'égal que son talent cinématographique. La fin est remarquable pour la poursuite de la réflexion sur ces états de non-droits (de l'homme). A saluer également l'interprétation toute en retenue et puissance des protagonistes et la beauté divine de l'actrice Soudabeh Beizaee, l'épouse du principal personnage, qui brille aussi par sa lucidité. Hommage à La Femme dans ce pays où le port du voile est obligatoire et paradoxalement le sexe féminin est majoritaire à l'université. Oui, à voir absolument ! Ce film a une grande portée politico-philosophique. 

Serge Diaz 9/12/17

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5 décembre 2017 2 05 /12 /décembre /2017 06:34

de George Ovashvilli (Géorgie)

 

avec Lika Babluani (Tatia) , Hossein Mahjoub (Zviad Gamsakhurdia) , Zurab Antelava (Shalva) ...

argument

Le président déchu qui incarnait autrefois l'espoir d'une nation nouvelle, tente de reconquérir le pouvoir. Escorté par une poignée de fidèles, il traverse clandestinement les paysages majestueux de la Géorgie, tour à tour accueillants et inquiétants...

Khibula

Le nom du président géorgien, Zviad Gamsakhourdia, -démocratiquement élu, renversé par un putsch, contraint à l’exil- n’est mentionné qu’au générique de fin. Il est salué par ses proches et les hôtes qui lui sont encore favorables par la formule de déférence "monsieur le président".  Le réalisateur -qui ne cache pas ses sympathies pour cet homme- s’intéresse moins aux questionnements d’ordre politique -ils sont suggérés- qu’à la solitude fondamentale d’un être déchu mais obstinément accroché au pouvoir; il en vient même à pénétrer sa conscience -donnant à voir par exemple ses cauchemars en de courtes scènes hallucinées sans raccord, ce qui donne l’illusion du vrai….

 

Errance forcée, marche inexorable vers la mort, le film est scandé par la récurrence de l’injonction "il faut partir". Nous traversons avec les marcheurs clandestins (garde rapprochée qui ira s’amenuisant) des paysages à couper le souffle : montagnes forêts plans d’eau. Voici le groupe formant une théorie presque gracile qui se détache sur une pente enneigée, le voici filmé de plus près et la compacité dit dans le silence la force authentique de la fraternité. Traverser des forêts (où perle la lumière diffractée), arpenter des montagnes (avec cette alternance entre plans en plongée et contre plongée selon que l’on veut mettre en évidence la faiblesse ou la puissance de l’homme, la majesté bienveillante ou hostile de la nature).

 

Un film dépouillé à la beauté sidérante. Peu de dialogues ; la musique est celle du vent, du crissement de la neige -amplifiée par la bande-son- ou celle des chants lors de certaines pauses, dans des gîtes ou chez l'habitant. Le tempo naît de cette alternance. Alternance entre scènes d’extérieur (avec toutes les nuances de lumière) et scènes d’intérieur (où les cadrages les jeux de clair obscur, la répartition dans l’espace des personnages peuvent évoquer des scènes de genre ou du moins ont la puissance évocatrice de certaines peintures) Entre l’horizontalité (scènes d’intérieur ; le président tel un "gisant") et la verticalité du mouvement ascensionnel ; entre groupe et individu : le président isolé dans sa quête vouée à l'échec ; sensations émotions se lisent à fleur de peau sur son visage -quand il est filmé de très près. Un président magistralement interprété par l’acteur iranien Hossein Mahjub

Christ des temps modernes (avec son par-dessus sa cravate son attaché-case,  métonymie d’un pouvoir qui se délite) il fuit avec ses "apôtres", ses "fidèles", et nous suivons son calvaire, son chemin de croix, balisé par  des "stations"  jusqu’à sa mort à Khibula (suggérée …elle restera hors champ)

 

On oubliera vite quelques symboliques appuyées (oiseau encagé ; blessure prémonitoire ; gros plan sur les chaussures boueuses) ou le dispositif répétitif (marche, pause, départ forcé) pour retenir le mélange de réalisme et de contemplation, la maîtrise formelle (plans cadres variations de lumière, infinité des ambiances) maîtrise à laquelle George Ovashvilli  avait habitué son public (cf la terre éphémère)

 

Un film envoûtant (dernière séance ce jour à 15h30 Omnia) 

 

Colette Lallement-Duchoze

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Mode d'emploi

Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

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