13 avril 2018 5 13 /04 /avril /2018 15:36

Le festival Ciné friendly 2018 se tiendra

du 19 au 21 avril 2018

au cinéma Omnia République ROUEN

lors d’une édition qui promet d’être pleine de surprises tant la sélection en est exigeante. Il sera, pour vous, l’occasion de découvrir de très nombreux longs-métrages en prélude à la cérémonie de remise des prix.

https://www.facebook.com/CineFriendly/

Ciné Friendly 4ème édition
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9 avril 2018 1 09 /04 /avril /2018 15:21

Dans son magasin de photographie de Londres, Tony Webster mène une existence tranquille. Sa vie est bousculée lorsque la mère de Veronica Ford, son premier amour, lui fait un étonnant legs : le journal intime d’Adrian Finn, son meilleur ami du lycée. Replongé dans le passé, Tony va être confronté aux secrets les plus enfouis de sa jeunesse. Les souvenirs sont-ils le pur reflet de la réalité ou autant d'histoires que nous nous sommes racontées ?

A l'heure des souvenirs

Ritesh Batra qui nous avait régalés avec Lunchbox a réalisé un film dans un tout autre genre mais de même qualité.

Ici les émois ne sont pas indiens mais bien britanniques, par les mimiques, le campement très middle class anglaise, l’éducation public-school, Cambridge, les belles maisons et quartiers chics de Londres.

Le tempo faussement lent mais plein de rebondissements nous donne le temps de réfléchir au bilan de la vie. Les sexagénaires et plus s’y retrouveront pleinement.

 

Quelle vision a-t-on de sa propre vie en fin de course ? Réinvente-t-on sa vie au gré d’une mémoire plus ou moins faillible et qui filtre les souvenirs à chacun sa manière ? Ou l’invente-t-on pour échapper aux tourments des remords ?... Quoi qu’il en soit la vision de notre vie est parcellaire mais en est-on conscient ? Beaucoup de questions existentielles parsèment cette histoire d’amour excellemment interprétée par Jim Broadbent en personnage peu bavard, dépassé par ses rencontres féminines et à l’humour très british qui sauve.

 

Bref un grand moment de plaisir et d’émotions cinématographiques pour le spectateur nostalgique ou pas de son passé.

 

Un film qui se dévoile avec finesse et élégance.

 

A voir vraiment !

 

Serge Diaz

 

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2 avril 2018 1 02 /04 /avril /2018 14:42

De Walid Mattar (France Tunisie)

avec Philippe Rebbot, Corinne Masiero, Kecey  Mottet-Klein , Mohamed Amine Hamzaoui 

Nord de la France. L’usine d'Hervé est délocalisée. Il est le seul ouvrier à s'y résigner car il poursuit un autre destin : devenir pêcheur et transmettre cette passion à son fils. Banlieue de Tunis. L'usine est relocalisée. Foued, au chômage, pense y trouver le moyen de soigner sa mère, et surtout de séduire la fille qu'il aime. Les trajectoires de Hervé et Foued se ressemblent et se répondent.

Vent du Nord

Des feux d’artifice que contemple (dubitative) la famille Lepoutre c’est le plan d’ouverture. En écho au final Foued débarque telle une ombre portée,  alors qu’il entend au loin le crépitement d’un feu d’artifice….

Glas ou promesse ?

 

Le film débute comme une chronique sociale (flirtant avec le docu) : délocalisation d’une usine de fabrication de chaussures. Affrontement. Ouvrier depuis plus de trente ans, Hervé ne se sent pas "solidaire" de la lutte syndicale ; il accepte sans trop de réticence la prime de licenciement (30 000 euros ça fait pas cher de l’année…) ; elle va lui permettre de réaliser son rêve : acheter un bateau et pêcher…

Puis nous quittons la région de Boulogne-sur-Mer et nous voici en Tunisie où Foued -un jeune Tunisien qui vit  avec sa mère malade- prend le relais d’Hervé….dans l’usine….relocalisée...

 

Dès lors le récit se mue en une narration croisée deux trajectoires vont s’entrechoquer sans se rencontrer. Ce type narratif -s’il n’est pas original- aurait pu être efficace. Mais on passe d’une séquence à l’autre de façon artificielle. Bien évidemment il y a des similitudes : et en premier lieu, les méfaits de la mondialisation, du Nord au Sud ; la  "robotisation" de l’ouvrier sous la férule d’un chef d’atelier (le rendement avant tout!!l) Et le titre n’est-il pas la métaphore des difficultés, quand on se bat contre des  "vents" contraires.

De part et d’autre de la Méditerranée on rêve d’un ailleurs : la pêche pour Hervé, l’amour pour Foued. Des rêves qui vont finir par s’écraser sur la dure  réalité (paperasseries et tracasseries administratives pour Hervé, prise de conscience d’une exploitation forcenée éhontée qui conduit Foued à quitter son pays…) Des saynètes mettent en évidence des petits riens qui font la quotidienneté "partagée": dont les pauses café avec les potes ou les repas en famille...

Mais cet effet miroir semble plaqué et ne crée pas la dynamique attendue

Et la récurrence de certains plans (mer et ciel) accentue paradoxalement l’artificialité du procédé!

 

Cela étant, on ne peut qu’admirer la prestation de Philippe Rebbot : un geste une attitude une fausse distance tout dans le jeu de l’acteur sonne si juste !!!

 

Colette Lallement-Duchoze

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1 avril 2018 7 01 /04 /avril /2018 09:57

De Josef Hader

avec Josef Hader, Pia Hierzegger, Jörg Hartmann Georg Friedrich 

Présenté en compétition à la Berlinale 

Un célèbre critique musical est brutalement renvoyé de son journal . Le coup porté à son ego est tel qu’il perd tout sens de la mesure  cache la vérité à sa femme, et décide de se venger de son ancien employeur , d’une façon aussi abracadabrante qu’inefficace

La tête à l'envers

Josef Hader connu du public autrichien pour ses one-man show (mais nous l’avons vu dans Stefan Sweig) réalise ici son premier film; une fable douce-amère  dont l’humour acide ne séduira pas forcément tous les publics. Des rebondissements amusants, des répliques savoureuses, mais aussi des comportements de potache (lacérer la voiture de son supérieur, jeter dans sa piscine un énorme poisson mort, s’exercer au tir, etc..)

Maladroit, Georg est d’abord dans le déni : il cache à sa femme son éviction du grand journal autrichien où il exerçait sa plume acérée et virulente de critique musical (tout le film sera d’ailleurs traversé par la musique de Vivaldi Beethoven Schubert Mozart Schumann Stravinsky comme contrepoint souvent ou déclencheur de sa folie vengeresse) Son talent n’est pas remis en cause mais il "coûte"  trop cher…

Puis il entreprendra méthodiquement sa vengeance confronté à des démons insoupçonnés

 

Dans cette  "descente aux enfers"  il s’acoquine avec un loser (qui a décidé de restaurer un grand-huit wild mouse  -titre original du film- )  Et la fête foraine en plein centre de Vienne, sera point de chute, lieu des épanchements, des étourdissements tout en étant la caricature d’une société "de spectacle" (rappelons ici que l’ex-critique constate avec lucidité et amertume que l’art est devenu un objet de consommation et que les nouveaux chroniqueurs sont des ignares) C'est là sur ce grand-huit, que les personnages sont filmés "à la renverse".  Dégingandé, le chômeur semble savourer des secousses inattendues (lesquelles contrastent avec les positions à l’horizontale dans le rapport sexuel que réclame sa compagne de 43 ans pendant sa période d’ovulation….)

 

A demi nu enfoncé dans le blanc immaculé d’un paysage, (cf. l'affiche)  il tente -après avoir échoué à occire son supérieur- de se suicider ….Peine perdue !

 

La tête à l’envers est l’histoire d’un pétage de plomb ; l’humour qui délibérément rend les personnages antipathiques (mais si l’humanité n’affleure pas, c’est que précisément elle est à lire en creux…) ne suscite jamais un rire franc tant il est comme " décalé" et très souvent "désenchanté"

Certains des personnages dits secondaires sont filmés avec justesse voire empathie (l'actrice Pia Hierzegger qui incarne la compagne psy est désopilante dans son désir de maternité puis dans ses dérapages "contrôlés"...)

 

Si l’histoire de mon personnage devenu chômeur était transposée dans un milieu ouvrier où les gens sont vraiment confrontés à la privation, il serait bien difficile d’en rire (Josef Hader)

 

Un film à voir !

 

Colette Lallement-Duchoze

La tête à l'envers
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31 mars 2018 6 31 /03 /mars /2018 07:04

De Sharunas Bartas (Lituanie France) 

avec  Mantas  Janciauskas (Rokas) Lyja Maknaviciute (Inga) Andrzej Chyra (Andrei) Vanessa Paradis

 

Présenté au festival de Cannes 2017 (Quinzaine des Réalisateurs) 

Rokas et Inga un couple de jeunes lituaniens, conduisent un van d'aide humanitaire depuis Vilnius jusqu'en Ukraine. Ils découvrent un monde en guerre entre ruines et vies dévastées...

Frost

Découvert grâce au festival du cinéma nordique il y a plus de 20 ans -Sharunas Bartas avait d’emblée séduit le public rouennais : intrigue arachnéenne, primat de l’émotion sur la narration, science des cadrages, longs plans fixes contemplatifs, admirable beauté formelle. Si dans le dernier opus l’intrigue paraît "simple": un jeune couple lituanien se rend en Ukraine à bord d’un van humanitaire, on ignorera les motivations profondes qui ont poussé Rokas et Inga à entreprendre ce "voyage" hormis cette pulsion scopique revendiquée "voir la guerre au plus près…); de même que tout en étant un film de guerre et sur la guerre (Sharunas Bartas avoue « comprendre » les Ukrainiens car son propre pays fut envahi par deux fois en 1939 et 1991 par les Russes) le réalisateur montre essentiellement l’envers de la guerre : ces coulisses où palabrent des journalistes de différents pays dans un hôtel luxueux d’un autre âge, des maisons éventrées, des bourgs désertés, les passages dangereux de check-point, les contrôles

L’itinéraire est certes ponctué de rencontres (et de débats sur la légitimité de prendre les armes au nom de la patrie par exemple) et ces étapes sont une respiration/ponctuation, mais le parcours est aussi (et surtout) un cheminement intérieur dont la glace la neige le gel vont devenir  progressivement le  mausolée (la dernière séquence est à tous égards sidérante de beauté formelle et de symbolisme…)

 

Le réalisateur aime filmer en gros plans les visages mais (et c’est là une constante) le regard ne saurait se substituer à la parole muette. Car le protagoniste semble regarder vers un ailleurs, rechercher une présence qui se dérobe à l’écran et que ce faisant le spectateur ne saurait capter…il n’en reste pas moins désireux de.pénétrer ces arcanes....

 

Si dans seven invisible men un road movie nous entraînait en Crimée vers cette "cabane" qui abritait une proto humanité, le van de Rokas et Inga nous fait traverser des espaces enneigés avec cette attention si particulière à des pans de ciel, ou de forêts, jusqu’à la destructuration de l’espace, (des stries qui griffonnent l’écran) jusqu’à la confrontation qui lie étroitement amour et mort ; l’étreinte amoureuse épousant celle de la mort....

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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17 mars 2018 6 17 /03 /mars /2018 11:35

de Nabil Ayouch Belgique Maroc

avec  Maryam  Touzani Arieh WorthalterAbdelilah Rachid

 

A Casablanca, entre le passé et le présent, cinq destinées sont reliées sans le savoir. Différents visages, différentes trajectoires, différentes luttes mais une même quête de liberté. Et le bruit d’une révolte qui monte…

Razzia
Moins dérangeant que son film précédent qui frappait très fort contre un Maroc machiste aux préjugés tenaces, Nabil Ayouch continue néanmoins, dans Razzia, à témoigner de son amour pour ce pays tout en dénonçant l’Islamisme intolérant et ses origines en 1981 avec l’arabisation de l’enseignement.
 
Le parti pris de suivre cinq personnages sert son propos politique, celui de montrer comment des minorités qu’elles soient religieuses (un juif) ethnique (un instituteur berbère) ou sociologique (un jeune musicien homosexuel), une jeune adolescente de 15 ans des quartiers riches, une femme mariée pulpeuse aux désirs d’émancipation, une berbère du haut Atlas qui élève seule son enfant..., comment, donc,  toutes ces  minorités forment une majorité en quête de liberté, d’épanouissement personnel.
 
La caméra du réalisateur glisse à merveille d’une trajectoire à l’autre, les scènes se chevauchent sans toujours se toucher. Il y a une grand habileté de la mise en scène et du montage qui rend ce voyage accrochant.
 
Néanmoins on peut regretter que ce choix de scénario d’assembler un ensemble de trajectoires différentes mais qui s’unissent par le propos, laisse une impression de survol et perd quelque peu en force tragique.
Cela dit, le talent du réalisateur, son amour bienveillant pour les personnages qu’il filme, son courage face à la censure de son pays, nous font aimer ce film très éclairant pour comprendre comment le monde gronde et ce qu’il annonce dans ce pays du Maghreb qu’on croit habituellement connaître.
 
Serge Diaz
 

Un prologue saisissant! (1982; montagnes de l'Atlas) 

"Qu'importe la langue si vous leur ôtez la voix/ Qu'importe la foi si vous leur ôtez les rêves"

 

Et nous allons assister - 2015- à une  razzia, un pillage des rêves, un durcissement de l'ordre, main basse sur  cette ville de Casablanca à la fois chaotique et débordante d'énergie!!!!

 

Un film à voir!

Colette 

19/03/2018

 

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16 mars 2018 5 16 /03 /mars /2018 06:59

Eva

De Benoît Jacquot

avec Isabelle Huppert (Eva) Gaspard Ulliel (Bertrand) Julia Roy (Caroline) Richard Berry (Régis agent éditeur) Didier Flamand (le père de Caroline) Marc Barbé (mari d'Eva)

Tout commence par une tempête de neige. Eva, troublante et mystérieuse, fait irruption dans la vie de Bertrand, écrivain prometteur. Cette rencontre va bouleverser Bertrand jusqu’à l’obsession et le fera glisser jusqu’à sa perte.

 

Eva

Librement adapté du roman de James Hadley Chase, le film de Benoît Jacquot (présenté au festival de cinéma de Berlin) peine à émouvoir et à convaincre. Même Isabelle Huppert surjoue dans le glacé, transformant en roman-photo ce que d’aucuns nomment un "thriller"

Inutile de comparer ce film avec celui de Losey (1962) pour mettre en évidence les divergences, inutile de le comparer avec Elle de Paul Verhoeven pour répertorier les ressemblances….Certains s'y emploient allègrement 

 

Osons l'affirmer sans ambages :  Eva est un film raté 

La séquence d’ouverture qui sert de prologue -et qui, ce faisant, doit encoder le film- est beaucoup  trop longue, dénaturant ce que précisément elle révèle ; le passage du métro, l’essoufflement du  " gigolo", la baignoire, le vol du manuscrit au titre éloquent "le mot de passe", l'auteur un  vieux britannique "has been" en Angleterre trop " dark" en France;  tous ces "aspects" trop étirés "montrent" en  le martelant ce qu’ils auraient dû suggérer

 

Dès lors c'est le dévergondage d'effets spéculaires  : la dualité des personnages (Eva en outre doit changer de look selon qu’elle est prostituée ou bourgeoise amoureuse d’un mari emprisonné), leurs impostures,-que chacun " flaire" chez l’autre- leurs masques et faux semblants ; Eva la mère à tuer par un Oedipe moderne qui persiste à voir en elle la Muse inspirée et inspirante- ; la scène vécue et son adaptation littéraire;  les miroirs qui renvoient ad libitum les images du couple détonant; le passage récurrent du train (allées et venues entre Paris et Annecy),

Jusqu’à une certaine façon de filmer: Un tête-à-tête? déplacement trop rapide de la caméra d’un visage à l’autre…censé  illustrer une tension intérieure. Que dire de ces ralentis et de ces fondus au noir ? Les décors : théâtre, casino, hôtels, chalet, parloir de la prison s’ils se prêtent aisément à certaines ambiances - par les variantes de couleurs et de lumières-  sont filmés  de façon telle qu’on a la désagréable impression d’assister à un théâtre filmé (un mauvais théâtre d'ailleurs qui culmine dans la scène de repas avec les parents de Caroline...) 

 

Reste la lumière hivernale

mais une lumière dé-vitalisante

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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15 mars 2018 4 15 /03 /mars /2018 08:05

de Andrea Segre (Italie France)

avec Paolo PierobonGiuseppe BattistonOlivier Rabourdin

Rinaldi, policier italien de grande expérience, est envoyé par son gouvernement en Libye afin de négocier le maintien des migrants sur le sol africain.  Sur place, il se heurte à la complexité des rapports tribaux libyens et à la puissance des trafiquants exploitant la détresse des réfugiés. Au cours de son enquête, il rencontre dans un centre de rétention, Swada, une jeune somalienne qui le supplie de l’aider. Habituellement froid et méthodique, Rinaldi va devoir faire un choix douloureux entre sa conscience et la raison d’Etat : est-il possible de renverser l’ordre des choses ?

L'ordre des choses

Le film s’ouvre sur le plan d’une superbe villa avec son jardin ses pelouses ; elle est filmée dans la lumière du jour. (on va assister au départ de Corrado Rinaldi) À la fin, mêmes plans mais de nuit ; derrière les baies vitrées dans une lumière feutrée, c’est l’image d’une famille réunie, un cocon douillet (Rinaldi de retour a accompli sa mission). Entre ces deux scènes le spectateur l’aura accompagné en Libye (et dans ses allers et retours) où il doit "gérer l’afflux de réfugiés en provenance d’Afrique subsaharienne". Officiellement il s’agit de « contrôler les centres de rétention » que finance en partie l’UE, les droits humains sont-ils respectés ? Sur écran TV voici des opérations de sauvetage.  Une « bonne conscience » à portée d’ONG ?

La réalité est tout autre. Qu’a enjoint le supérieur à Corrado Rinaldi?... là-bas il y a le robinet et il faut le fermer. Et les fonctionnaires de police, envoyés en Libye pour négocier avec les autorités locales travaillaient en secret. C’est ce secret que le réalisateur met à nu....Depuis le fiasco de l’intervention en Libye, tribus rivales, garde-côtiers mafieux, trafiquants en tous genres, exploitent ce "commerce" d’immigrés; il faut monnayer avec eux,  soit pactiser avec le diable, au risque de bafouer les principes codifiés par des lois -ou conventions-  sur les droits des réfugiés

 

Mais la trame narrative du film repose sur un dilemme qui oppose éthique et raison d’État. Rinaldi lors de la visite d’un centre  est interpellé par une Somalienne -elle doit rejoindre son mari mathématicien en Finlande ; elle a déjà perdu un frère - . Or il peut organiser le transfert ; s’il le fait, triomphera la "bonne conscience" mais simultanément il aura trahi l’essence même de sa mission qui le lui interdit et sa propre image; dans le cas contraire ….Enjeu et suspense sont ainsi  étroitement imbriqués dans ce docu- fiction qui invite le spectateur à être le "témoin" de ses douloureuses "hésitations"  (Et il est intéressant de constater que l’homologue français -interprété par Olivier Rabourdin- a décidé, lui,  de jeter l’éponge….)

Le réalisateur insère des mini scènes d’escrime censées illustrer la "précision, la maîtrise de soi"  et la "froideur méthodique" du personnage -qui d’ailleurs est de tous les plans. De même qu’il multiplie les contrastes entre la violence des traitements infligés aux migrants et le bien-être de tous ceux qui décident de leur sort; jeux d'ombres et de lumières..

 Malgré une certaine surenchère (jeux d'antonymies,  dialogues convenus,  plans prolongés sur le personnage principal en proie aux affres de la solitude etc.) ce film a le mérite de dénoncer le cynisme éhonté qui dicte  les choix  des politiques migratoires de certains pays européens dont la France et l'Italie : on est censé défendre  les "droits de l’homme" mais on ferme les yeux sur tout ce qui les entrave en se dédouanant à peu de frais.

Laisser les migrants aux portes de l’Europe tout en sachant que leurs conditions de survie sont épouvantables...C'est   " l’ordre des choses "....?

 

Colette Lallement-Duchoze

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6 mars 2018 2 06 /03 /mars /2018 09:21

De Guillermo Del Toro USA

Avec Sally Hawkins, Michael Shannon Richard Jenkins

Lion d'Or à Venise

4 Oscars (dont meilleure musique originale d'Alexandre Desplat)

Employée d’un laboratoire gouvernemental ultra-secret, Elisa mène une existence solitaire, d’autant plus isolée qu’elle est muette. Sa vie bascule à jamais lorsqu’elle et sa collègue Zelda découvrent qu'une expérience  terrible est menée sur une créature extraordinaire....

La forme de l'eau

Fable politique? Conte  fantastique ? Thriller ? Le film de Guillermo Del Toro est tout cela à la fois. Baignant presque de bout en bout dans des couleurs saturées de bleu et de vert, épousant  la "fluidité" par l'absence de plan fixe -mais où chaque plan évoque la malléabilité de l’eau de façon explicite ou suggestive-,  il est aussi la énième illustration de  la Belle et la Bête 

Il s’ouvre sur un songe -aquatique évidemment- raconté par le voisin d’Elisa  un affichiste homosexuel qui risque de perdre son emploi. Une histoire mystérieuse, comme mise en abyme du film ?

Au moment où s’éveille Elisa, le décor flottant retrouve assises et verticalité. Puis la caméra va insister sur des gestes en apparence banals (masturbation dans la baignoire, cuisson des œufs, bob comme coussinet dans le bus) gestes dont on comprendra progressivement le pouvoir signifiant. Quotidienneté de l’intime qui va se doubler de la quotidienneté professionnelle. Car Elisa jeune femme muette (l'actrice Sally Hawkins a appris la langue des signes) est employée dans un laboratoire ultra secret de l’armée. Très vite la forme de l’eau  vire au thriller fantastique : une créature mi-homme, mi-poisson pêchée en Amérique latine et dotée de pouvoirs extraordinaires, suscite l’intérêt de l’agent sadique (Michael Shannon) et du médecin de l’armée Robert Hoffstetler (Michael Stuhlbang) en fait un espion russe. Guerre froide oblige -nous sommes en 1963. Fable politique un peu simpliste ? Pas tant que cela car l’anticommunisme des ces années-là est ici tempéré par l’humanisme du médecin.

Guillermo del Toro semble plutôt se plaire à fédérer toutes les "minorités" : handicapés, latinos, noirs; minorités exécrées par les représentants du pouvoir. (le film a été écrit avant l'élection de Trump...) A un moment le monstre regarde fasciné "l’histoire de Ruth" un péplum biblique de 1960 : courte séquence sur la célébration de la différence... avec cet effet spéculaire, certes un peu facile

Un monstre ne sert-il pas avant tout à révéler la monstruosité de l’être "humain" ? Monstruosité de  Strickland -Michael Shannon- lui-même dépendant d’un supérieur qui au nom de ses  médailles fièrement arborées,  revendique son omnipotence en décidant du sort de ses subalternes (l’exposé sur la "dignité" est à cet égard très éloquent)

Et n’est-ce pas la grâce phosphorescente du monstre qui par-delà les déluges de pluie et de haine va consacrer l’amour ??

Cela étant, malgré d'indéniables qualités visuelles, malgré la prestation de l'actrice et de son "amant" , malgré le rythme et  l'humour, malgré l'adéquation entre la partition musicale et la "symphonie" liquide, on peut rester à quai...hors des mouvances et ondoiements...

Colette Lallement-Duchoze

PS je laisse aux exégètes patentés le soin de répertorier tous les « emprunts » et « références »

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5 mars 2018 1 05 /03 /mars /2018 08:10

De Luca Guadagnino USA, Italie, France

Avec Armie Hammer, Timothée Chalamet

musique 3ème pièce extraite de Miroirs pour piano de Ravel 

Prix du meilleur scénario adapté (James Ivory) Oscars 2018

 

Eté 1983 Elio  Perlman, 17 ans, passe ses vacances dans la villa du XVIIe siècle que possède sa famille en Italie, à jouer de la musique classique, à lire et à flirter avec son amie Marzia. Son père, éminent professeur spécialiste de la culture gréco-romaine, et sa mère, traductrice, lui ont donné une excellente éducation, Un jour, Oliver, un séduisant américain, qui prépare son doctorat, vient travailler auprès du père d’Elio. Elio et Oliver vont peu à peu se rapprocher..

Call me by your name

Naissance du sentiment amoureux, incandescence du désir, torture déchirante de l’absence c’est ce qu’illustre ce film adapté du roman dAndré Aciman. Mais là où le narrateur se souvenait avec nostalgie de ces intermittences du coeur, le réalisateur les inscrit dans l’instantanéité, dans le présent de l'été 1983.

 

Appelle-moi par ton nom (demande Oliver à Elio) Parce que c’était lui parce que c’était moi. Cet aveu d’une fusion non dissimulée et non contrariée qu’affichait Montaigne dans ses Essais joue ici le rôle d’exergue.

Et rien d’étonnant dans cette famille bourgeoise qui vit en osmose avec la culture gréco-romaine comme avec la nature comme avec la villa aux volets mi-clos, aux divans profonds, à la terrasse prodigieuse, On disserte sur l’étymologie, on lit les textes de Catulle...Des parents bienveillants avec leur fils Elio de 17 ans. Malgré (ou à cause de) les morsures de l’amour, ce bel éphèbe à la carrure chétive (Thimotée Chalamet) -la caméra caresse parfois son profil digne de la statuaire grecque- se recroqueville sur les cuisses du père et se love tel un bébé dans le giron maternel. Des parents qui par un silence complice encouragent sa relation avec Oliver (ce dont  témoigne à la fin l’aveu du père : il félicite son fils d’avoir vécu pleinement, sans entraves, ce si bel amour pour un autre homme) . Relation dont le réalisateur -James Ivory est le scénariste- analyse avec délicatesse les périodes d’attente, de latence et de langueur, en adoptant le point de vue de l’adolescent

Un film solaire ? Certes

Une nature luxuriante -et en parallèle ombre et fraîcheur que dispense la villa où même les matelas défraîchis semblent porteurs d’une histoire qui n’est pas seulement celle du couple Elio/Oliver-, des baignades, des virées à vélo, un bal au clair de lune, le clair-obscur d’un coucher de soleil et dans l’embrasure d’une fenêtre le torse nu dévoré par le désir, une douleur suggérée par-delà la beauté radieuse -celle d’Oliver interprété par Armie Hammer-, etc.

 

Mais ce troisième volet de la trilogie consacrée au désir (après Amore et A Bigger Splash) est, à mon avis, trop lisse, à l’instar des cartes postales de la statuaire grecque hellénistique et romaine du générique….à l'instar de  l'affiche -bleu vif, visages sereins, typo jaune qui inscrit le titre dans le ciel-...

Colette Lallement-Duchoze

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Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

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