Film hongrois de Kornel Mundruczo
Prix Un certain regard (Cannes 2014) et Palme Dog pour Luke et Body ("interprètes" de Hagen)
Nous sommes à Budapest -mais ce pourrait être ailleurs; seuls les chiens racés ont droit de cité, les autres les "bâtards" sont traqués, passibles de fourrière (ou alors leur maître doit payer une amende). Or Lili une gamine de 13 ans, aime son Hagen (un chien croisé certes ..mais objet de délation ou de rejet entre autres par le père qui va l'abandonner). Le "vécu" du chien (errances recherche de nourriture rafles dressage par des êtres avides de sang et d'argent la métamorphose en chien sanguinaire et meneur de la révolte canine) illustre de façon métaphorique (ou allégorique), le destin des minorités mises au ban de la société-et ce de façon "légale" suite aux lois discriminatoires- ostracisées, victimes de l'opprobre généralisé (fondé sur des concepts essentialistes) et qui un jour - qui sait?- vont passer à l'acte (de la soumission forcée à la rébellion libératrice). Une fable canine pour dénoncer les dérives des gouvernements "racistes" pourquoi pas?
Mais quel souffle! Le réalisateur abandonne pour ce long métrage l'ambiance de torpeur qui imprégnait Delta (2008) par exemple. Il insuffle un rythme plus que trépidant -surtout pour toutes les scènes de la horde à un point tel que les scènes consacrées aux humains pourraient sembler bien fades. La séquence d'ouverture frappe par la variété et la rapidité des plans une fois que déboulent ces 200 chiens dans une avenue quasi déserte -seule pédale une jeune fille; pourquoi? .Or ce prologue s'inscrit en fait au début de la séquence finale du film...à ce moment-là seulement le spectateur comprendra la présence de Lili dans une ville désertée par les humains!!. Une caméra aux mouvements heurtés, de très gros plans sur Hagen (la star du film) filmé à sa hauteur (et le spectateur devient le double) des ralentis ou une déferlante qui envahit tout l'écran, et ces jeux sur les lumières ! On ne peut rester insensible à un tel "savoir-faire"!
Même si certains parallélismes sont un peu trop patents (rébellion canine et rébellion de Lili contre le père, séparation mère/fille et séparation Lili/Hagen, astuces de "survie" dans le monde animal et humain, traitement de choc infligé à Hagen et plongée dans le coma de Lili en boîte de nuit, etc.) ils n'alourdissent pas une narration qui progressivement nous entraîne vers un enfer... jusqu'à ce moment….où... "tout ce qui est terrible a besoin de notre amour" (Rilke cité en exergue à ce film que le réalisateur dédie à un de ses maîtres et devanciers Jancso)
Colette Lallement-Duchoze