Film canadien de Xavier Dolan (à la fois scénariste, réalisateur, monteur, acteur) d'après la pièce de Michel Marc Bouchard . Avec Xavier Dolan (Tom) Lise Roy (Agathe, la mère) Pierre-Yves Cardinal (Francis) Evelyne Brochu (Sarah). Musique de Gabriel Yared
De grâce, laissons les références au vestiaire. Xavier Dolan avoue lui-même qu'il ne connaît de Hitchcock que Vertigo, mais on s'obstine à voir dans la séquence de la douche une réminiscence de Psychose et dans le rôle de la mère, plus qu'un clin d'oeil à Pas de printemps pour Marnie, etc. Tom à la ferme illustre, selon les propos du réalisateur, "le rat des villes et le rat des champs" "Deux animaux blessés qui s'apprivoisent, et le film montre la manière dont ce rat des villes et ce rat des champs, deux étrangers en deuil, trouvent des façons, aussi violentes soient-elles, de colmater leurs brèches communes".
Voici Tom, publicitaire à Montréal, qui se rend aux obsèques de son ami/amant Guillaume, à la campagne. Voici Francis le frère de Guillaume, un fruste homophobe, qui "sent l'étable"; tyrannique, il va imposer à Tom (afin de préserver Agathe, la mère éplorée, qui ignorait l'homosexualité de son fils décédé) de jouer ce qu'il n'est pas (ce que révélait plus ou moins dès le premier plan, l'emploi du verbe "remplacer" dans le billet d'amour et d'adieu qu'écrit Tom sur un mouchoir).
Le spectateur assiste à un drame: celui des faux-semblants, de la violence (contenue ou explosive) que sous-tend la dynamique Eros/Thanatos - le point d'orgue étant la scène de tango dans une grange immense où Francis guide, domine, rejette pour mieux l'enlacer Tom, son partenaire.... Le premier face-à-face entre les deux hommes est filmé dans le noir; l'ombre menaçante de Francis vient percuter le corps de Tom et cherche à l'étouffer...Ce sera aussi une course-poursuite dans les champs de maïs, aiguisés comme des "couteaux"...Unis dans le mensonge, et progressivement par une relation sado-masochiste qui ne dit pas son nom, les "frères ennemis" cohabitent dans l'atmosphère assez oppressante d'un huis clos: chaque lieu de cette ferme isolée -cuisine, chambre, étable, garage - suinte d'angoisse et dénonce le piège...(effets de clair-obscur, de profondeurs de champ, de changements d'échelle)
Ce qui m'a gênée toutefois, c'est la complaisance du réalisateur à se filmer. Pour preuves: après une vue aérienne sur la voiture qui sillonne la morne immensité de la campagne, voici un gros plan sur le visage de Tom au volant; à son arrivée à la ferme, long travelling sur le personnage et sa valise; dans la scène du bar (les explications/révélations du barman sur le passé de Francis m'ont paru "artificielles") Tom est assis au zinc: gros plan sur ses grimaces/tics et sa façon de siroter sa bière; idem pour le flash back du karaoké; pas un plan (ou presque) où n'apparaisse, effarouché, moqueur, humilié, balafré, le visage (ou une partie du corps) de Tom!
Cela étant, le jeune réalisateur de 25 ans qui signe là son quatrième film, n'en est pas moins talentueux. Et puis il y a la musique de Gabriel Yared
Colette Lallement-Duchoze
PS: Les spectateurs qui ont quitté la salle dès le début du générique de fin, n'auront pas vu les "images" d'un décor urbain suggéré (retour de Tom à Montréal ) contrastant avec cette parenthèse "champêtre" qui n'eut rien de "bucolique"....