Documentaire russe d'Alexander Kouznetsov
Vu en avant-première à Paris le 4/11
Sortie prévue le 31/12/2014
Connaissez-vous les Stolbys? (rochers d'escalade qui ressemblent à des colonnes) et par voie de conséquence le stolbysme (style populaire d'escalade qui apparaît dès la fin du XIX° ). Le film documentaire d'Alexander Kouznetsov vous invite à découvrir cet "espace de liberté" à quelques kilomètres de la ville de Krasnoïarsk (rappelons que Krasnoïarsk est la capitale de la région centrale de Sibérie, reliée à Moscou, dont elle est distante de 3300km à l'Est, par le transsibérien; longtemps lieu de relégation des exilés de l'empire russe, important centre du goulag pendant la période du stalinisme la ville est restée longtemps fermée aux étrangers à cause de son complexe militaro-industriel)
Pour chanter la "liberté" et faire vivre au quotidien un espace de résistance, le réalisateur procède par alternances et oppositions: la ville et la réserve. Aux scènes de rue où l'on voit une masse compacte dont le mouvement est canalisé voire jugulé par les forces de l'ordre et les représentants de la religion il oppose les scènes d'escalade, dans une nature quasi immémoriale; à l'horizontalité de la rue qu'arpentent les "processionnaires", la verticalité du mouvement ascensionnel; à l'anonymat de la foule, l'identité revendiquée de certains protagonistes (paroles des interviewés et esquisse de portraits). Le réalisme assumé illustre une profession de foi, un credo "le stolbysme est un art de vivre" (dit un personnage) et le réalisateur lui-même qui depuis 30 ans fait partie d'une isba la Goloubka, dans la réserve naturelle, a voulu donner à son film "une dimension de résistance et d'utopie, au fond universelle; une idée philosophique expérimentée concrètement" Ce qu'illustre aussi l'opposition entre les chants (l'hymne des Stolbystes entre autres, d'après une chanson de Filatov) et les prières suppliques invocations de la foule dans l'espace urbain..."chaque nuage porte une lueur d'espoir" et "sainte Marie priez pour..."
Le principe de l'alternance prévaut aussi pour les scènes de la réserve; scènes d'intérieur dans les isbas (aux ambiances chaudes où agapes musique chants célèbrent la joie partagée) et scènes d'extérieur où l'homme en affrontant les éléments naturels conquiert sa liberté et vainc sa peur! Alternance entre vues d'ensemble, panoramiques, vues en plongée et contre-plongée (mettre l'homme au centre ou la nature mais sans écraser le premier); des gros plans sur les pieds ou les mains de la gamine aux prises avec la roche, disent l'effort, d'autres sur tel ou tel visage à l'intérieur d'une isba magnifient la convivialité...
Vers la fin du documentaire une séquence de nuit: les personnages munis de leurs lampes vont peindre à la chaux sur le minéral et en très gros caractères le mot LIBERTE . Le "pouvoir" les efface régulièrement, les hommes "libres" les inscriront régulièrement!
Un documentaire à ne pas rater!
Colette Lallement-Duchoze