de Ruben Östlund
avec Johannes Bah Kuhnke (Tomas) , Lisa Loven Kongsli (Ebba) Clara Wettergren (Vera) Vincent Wettergren (Harry)
Prix du jury Un certain regard à Cannes
Bizarre comme c'est bizarre! Ce quatrième long métrage (à Angers, les festivaliers ont pu (re)voir les trois films précédents de ce cinéaste suédois de 40 ans) s'intitulait lors de sa présentation à Cannes "turist" "force majeure" un titre international; mais lors de sa sortie nationale en France, il sera rebaptisé "snow therapy" …Vous avez dit bizarre!
La remise en cause du modèle scandinave est une constante dans l'oeuvre d'Östlund. Ici dans un environnement laiteux -la station de ski Les Arcs- le modèle de la famille nucléaire Ebba, Tomas et leurs deux enfants Vera et Harry, si lisse au départ, (voir la scène liminaire où un photographe hors champ cherche à l'immortaliser par un cliché en "imposant" un angle de vue, une pose, pour un séjour édénique) va se lézarder suite à ….(mais vous connaissez cette suite elle est dans tous les pitchs …) et la carte postale va se fissurer
La narration n'est plus fragmentée comme dans "happy sweden" ou "the guitar mongoloid"- même si le réalisateur se plaît à couper brutalement une scène-; linéaire, elle est ponctuée par les indices temporels "premier jour de ski" "deuxième" etc ., et scandée d'une journée à l'autre par la musique de Vivaldi et par les coups de canon déclencheurs d'avalanches "contrôlées". Elle repose aussi sur l'alternance entre scènes d'intérieur et d'extérieur que relie le couloir/tunnel avec son tapis roulant. Dans un appartement somptueux -chambre 413- d'un hôtel cossu; on assiste (et la caméra est souvent fixe) aux séances de brossage de dents toujours savoureuses avec ces effets spéculaires ...on capte le regard de l'autre -cet employé vigilant- qui scrute muet la "crise" du couple; on entend les arguments fallacieux de Tomas, vaines réponses au questionnement/ ressassement d'Ebba, et on mesure les effets collatéraux de la "crise" sur les enfants qui se calfeutrent ou tancent sévèrement leurs parents. Sur les pistes, dans un univers immaculé, les personnages ne sont plus (apparemment) face à eux-mêmes, car ils sont comme "dévorés" par un environnement qui les happe dans ses sinuosités ,ses bifurcations ad infinitum. Au départ les quatre sont réunis; puis un jour Ebba désire skier seule; puis ce sera Tomas accompagné de son ami Mats (une des plus belles scènes du film quand les deux se confondent avec la poudreuse ou quand harassés ils s'agrippent comme à leur destin) et le dernier jour, le brouillard qui rend fantomatiques les quatre personnages aura "paradoxalement" un rôle rédempteur...
Un événement apparemment anodin, mais quelle "onde de choc"!!! Et si la remise en cause du couple, de son mode de fonctionnement, du rôle dévolu -abusivement- au mâle patriarche n'était qu'un cas de figure! Comme Ruben Östlund s'intéresse au comportement humain en général, la question posée n'a-t-elle pas une portée universelle "comment réagir face à une catastrophe"? l'instinct de survie l'emporte-t-il sur tout le reste? La peur quasi panique est-elle l'apanage de l'homme?
Méfions-nous des drones domestiques qui dans la nuit ressemblent à des Ovni....
Colette Lallement-Duchoze