de Olivier Assayas
avec Juliette Binoche, Kristen Stewart, Chloë Grace Moretz
Musique (entre autres le Canon de Pachelbel)
Présenté en compétition officielle au festival de Cannes, Sils Maria aurait été "victime (d'après la rédaction de Positif n°641/642) de l'abondance de films de qualité" et reparti bredouille. Et pourtant quelle richesse dans les thèmes abordés avec humour satire ou gravité! Quelle maîtrise dans la façon de filmer! Et quelle interprétation! (tant Juliette Binoche en Maria Enders, actrice au sommet de sa gloire et qui appréhende, anxieuse, les affres du temps, avant de les apprivoiser; que Kristen Stewart en assistante dévouée, lucide et "amoureuse"; courte apparition d'Angela Winkler dans le rôle de la veuve de Melchior).
C'est à Sils Maria une localité des Alpes (Grisons) à 1800m d'altitude que Nietzsche lors de son premier séjour eut, dit-on, l'illumination de "l'éternel retour". C'est dans Sils Maria que vont se télescoper en un jeu de miroirs réalité et fiction, présent et passé: la relation Maria/Valentine dans la "réalité" du film, semble reproduire la "réalité fictionnelle" de la pièce de théâtre Le serpent de Maloja, (20 ans auparavant Maria interprétait le rôle de la pétulante Sigrid capable de terrasser Helena une femme plus "âgée"; aujourd'hui Maria va jouer Helena et Valentine, lors des répétitions, "joue" Sigrid); duplication inversée toutefois: Val l'amoureuse est toujours en retrait jusqu'à sa "disparition"(de l'écran? de la Vie?)... Autre jeu de miroir: cinéma et théâtre, ou comment le premier peut magnifier le second; les superbes plans à la fin de l'épilogue enferment par leur cloisonnement -fût-il transparent- et simultanément ouvrent sur un devenir: voici Maria en Héléna dans la mise en scène assez futuriste de Klaus, une Juliette/Maria/Helena sereine radieuse, car elle a vaincu les angoisses du nevermore. Les chemins de la création (du dramaturge récemment décédé Wilhelm Melchior, et qui fit la carrière de Maria, aux plus jeunes metteurs en scène dont Klaus) croisent ceux de la vie. Chemins que les panoramiques sur les montagnes à la beauté somptueuse et redoutable à la fois mettent en exergue. Les concrétions de nuages -le fameux serpent (et d'ailleurs Olivier Assayas insère dans son film des extraits d'un documentaire des années 1920) annonciateur de "mauvais" temps -, métaphorisent la douleur très organique que peut éprouver une actrice quand, vieillissante, elle prend conscience que le passé ne sera pas devant soi...Nature et Culture qui d'un point de vue purement formel semblaient alterner (fondu au noir, plan sur l'environnement majestueux, puis séquence narrative, laquelle pouvait correspondre à un acte de la pièce de théâtre) vont "fusionner" grâce à cette alchimie dont certains cinéastes ont le secret....
CLD
PS Certains spectateurs et critiques ont vu d'évidentes "analogies" entre Sils Maria et Maps to the stars de Cronenberg (interrogation sur la carrière de stars vieillissantes?) il y en aurait sûrement plus avec le film de Téchiné "Rendez-vous"....
lundi 1/09 Un gros bémol à l'enthousiasme de CLD : de très beaux paysages, d'accord, un thème (viellissement d'une actrice) un peu rebattu , pourquoi pas, mais des dialogues finalement assez creux... Marcel Elkaim