3 octobre 2014
5
03
/10
/octobre
/2014
09:21
De Gustav Deutsch (Autriche)
Avec Stephanie Cumming, Christoph Bach, Florentin Groll
Musique David Sylvian; directeur de la photographie Jerzy Palacz
La fusion titre (Shirley visions of reality) et sous-titre (voyage dans la peinture d'Edward Hopper) s'opère dès la scène d'ouverture: une femme prend place dans un wagon, elle lit un ouvrage d'Emily Dickinson; ce plan renvoie au tableau Chair car (1965); or sur la couverture du livre, est reproduit un autre tableau, gros plan (zoom) puis floutage; le spectateur est ainsi invité à pénétrer dans un univers pictural et simultanément dans la conscience de Shirley. Voyage peu convaincant, hélas! On reste extérieur à cet "exercice de style". Pourquoi?
Le projet est certes audacieux -dans la reconstitution minutieuse (voire quasi maniaque) de 13 toiles d' Edward Hopper-, mais il n'exclut pas le systématisme et la facticité -dans cette volonté de leur donner vie (par une mise en scène de ce qui a précédé puis suivi l'instantanéité de la toile). À commencer par le principe de construction: un dispositif trop répétitif: écran noir, cartons, voix off d'un "journaliste" qui énonce des infos "ciblées"...(New York, La Havane ou Paris, sur trois décennies). Les bruitages -l'eau qui s'écoule dans la salle de bains, un glougloutement attendu et outrancier, le martèlement des pas de Steve ou d'autres personnages hors champ, le vrombissement d'un taxi, les fenêtres que l'on ouvre et/ou ferme. Quant au monologue intérieur de Shirley s'il informe sur ses questionnements (actrice elle ne peut comprendre les positions abjectes d'Elia Kazan pendant la période noire du maccarthysme; épouse, elle se sent comme une étrangère quand Steve la photographie, etc.), si cette voix intérieure est censée restituer sa personnalité et mettre en évidence son "évolution" sur 30 ans, elle semble trop souvent plaquée artificielle ...
Pour éviter la monotonie du plan fixe à l'intérieur d'un décor (qui à chaque fois reproduit ambiance couleurs objets lumière architecture d'une toile de Hopper) le cinéaste opte pour quelques zooms, légers travellings; pour pallier la fixité qui fige les personnages, il les fait évoluer avec une certaine nonchalance mais qui se confond parfois avec de la raideur. Et que dire de ces "redondances"? Dans la toile/saynète "excursion into philosophy 1959" Shirley lit "le mythe de la caverne" et à l'instant précis où elle prononce le terme "ombres" voici que surgissent sur le pan du mur soudainement illuminé, des ombres de volatiles...
Faut-il rappeler qu'une toile de Hopper ne serait-ce que par son "inquiétante étrangeté" se prête à un "récit" (pour mémoire cette anecdote: un acheteur s'en vint rendre à la galerie sa dernière acquisition, car il avait interprété "l'histoire" -du tableau- comme une collusion avec le communisme...c'est dire!!)
Colette Lallement-Duchoze