SHAME de Steve McQueen avec Michael Fassbender, Carey Muligan James Badge Dale.
Le synopsis "le film aborde de manière très frontale la question d'une addiction sexuelle, celle de Brandon, trentenaire new-yorkais, vivant seul et travaillant beaucoup….." ne rend pas bien compte de la thématique essentielle du film qui est la SOLITUDE –fondamentale quasi existentielle- (interview du réalisateur pour Arte et la Mostra de Venise " la vie misérable d'un privilégié, perdu dans la capitale du monde moderne, New York"
Certes le personnage Brandon (Michael Fassbender que nous avions tant apprécié dans Hunger, dans le rôle de Bobby Sands figure mythique de l'IRA, et qui vient de recevoir le prix d'interprétation à Venise pour Shame) est un accro du sexe et ce, quels qu'en soient les formes les circonstances et les lieux "paradis" réels ou virtuels! Mais le propos du réalisateur me semble être ailleurs…Même si la vie sexuelle du personnage est "montrée", c'est sans voyeurisme, sans "vulgarité" -dans la scène du triolisme par exemple, la caméra fait office de participant; les courtes scènes de masturbation sont suggérées. En fait, le spectateur va assister à un "voyage", prélude à une métamorphose. Ce dont rendent compte la construction du film et le changement de position de la caméra. Comme dans Hunger, deux grandes parties; avec au centre un long plan/séquence –face à face prêtre/prisonnier dans Hunger, tête-à-tête Brandon/Marianne au restaurant dans Shame - qui sert de "pivot". Dans un premier temps la caméra est fixe (sur un trépied) et avec l'arrivée de la sœur Sissy (élément perturbateur? Ou annonciateur?), ce sera filmé caméra à l'épaule. Ce changement correspond à celui qui va s'opérer chez le personnage (prise de conscience de l'inanité de son existence? Sentiment de honte?)
Mais certains plans en disaient déjà long sur la solitude de Brandon –et la solitude en général. Au début nous le voyons en plongée, le corps nu comme enseveli dans des drapés bleus (voir l'affiche)… la scène récurrente du métro –c'est d'ailleurs assis que lui reviennent en flash back les soirées passées en compagnie de femmes dans son appartement; les plans sur les vitres des appartements new-yorkais où s'exhibent des corps nus; un long travelling latéral qui suit Brandon lors de son footing nocturne, (avec en fond sonore du Bach) autant de moments forts du film, autant de moments de solitude obsédante!
Il y aurait tant dire!
Un film qui m'a subjuguée
Le président du jury à Venise avait été ébahi par "la puissance cinématographique" de Shame "ce voyage hors du commun"
Colette Lallement-Duchoze
C'est effectivement sans voyeurisme que ce film aborde le sujet (qui pourrait être glissant) de la vie d'un homme addict au sexe qui n'arrive pas à associer amour et sexualité.
Les scènes récurentes du métro viennent ponctuer le film, le découpant en châpitres.
L'ensemble est construit avec une montée de l'angoisse, de la culpabilité, portée par des musiques particulièrement sereines qui jouent le contraste.
En toile de fond également une relation difficile avec sa soeur qu'on devine liée à un passé qui nous restera inconnu.
Ce film est aussi fort de ses silences.
Jacqueline Marro