Film de Jaime Rosales avec Celia Correras, Yolanda Galocha, Laura Lattore, Aba Ros, Oriol Rossello, Jaume Terradas (tous des acteurs non professionnels); image: Oscar Duran
Le film s'ouvre sur un geste "créatif" : le peintre espagnol Barcelò est vu de dos; et de son pinceau fin puis d'un pinceau-brosse il dessine, peint en noir et blanc; en accéléré il donne corps, forme à une toile avant de procéder au "frottage" (sacrifice d'Abraham?). À la fin, le même artiste efface dilue puis il dessine (en couleurs) des croix avant de procéder au "chiffonnage" - (Calvaire?).
Le film emprunte ainsi à Barcelo une structure et les thématiques de la mort, de la destruction/reconstruction; mise en place progressive des éléments majeurs de la "narration" soutenue par la dialectique "mort/vie".
À cette fin, Rosales a recours à un dispositif que d'aucuns ne "supporteront" pas (et j'entends déjà leurs critiques amères et/ou désenchantées): caméra fixe (très souvent), plans prolongés fixes, ellipses, non-dits, longs silences, absence de musique (illustrative ou parasite), raccords brutaux, personnages locuteurs ou interlocuteurs hors champ, scène filmée en temps réel (celle de l'enterrement), jeux sur la "distance" de la caméra (Rosales alterne plans rapprochés pour les scènes d'intimité et panoramiques); dissociation entre mise en scène et mise en cadre, etc. bref tout ce qui va faire du spectateur un "acteur"
Acteur ne signifie pas être en empathie avec le réalisateur ou les personnages mais participer à : remplir par exemple les trous, les hors champ; s'interroger sur la position de la caméra par rapport à; sur le passage brusque et pour un seul plan, du noir et blanc à la couleur, etc.
Résumer le film serait le dénaturer; rappelons seulement que la tragédie -mort de l'enfant- est suggérée: la fille et le père d'abord dans l'habitacle d'une voiture vont disparaître du cadre et c'est un long plan sur l'asphalte d'une autoroute que viennent traverser en le trouant de zigzags, des rais de lumière/phares (?); et qu'il y a un avant et un après. Avant, le spectateur aura vu des moments de la vie de la famille: salle de classe (Yolanda est professeur d'espagnol), chantier (Oriol est architecte), supérette, magasin vêtements à la recherche d'un anorak, etc...Après ce sera le douloureux "travail" du deuil -surtout pour la mère Yolanda qui ressuscite parfois le fantôme de sa fille-; le père, suite au trauma, est victime d'une amnésie partielle. Vers la fin (avant que ne s'élabore la "nouvelle" toile de Barcelo) un très long plan dans un jardin public animé -c'est-à-dire un lieu où triomphe la Vie!
"Contemplatif plutôt que narratif", écrit avec justesse Jean-Christophe Ferrari
Colette Lallement-Duchoze
PS: le "résumé" que l'on peut lire dans le dépliant de l'Omnia est en fait un copié/collé emprunté à J-C Ferrari (mais il n'y a pas de guillemets...)