Film danois de Tobias Lindholm et Michael Noer. Avec Pilou Asbæk (Rune) , Dulfi Al-Jabouri, Roland Møller, Jacob Gredsted, Omar Shargawi… -
R! Un étrange parcours! Voici un film tourné presque en même temps qu'Un prophète" de Jacques Audiard mais qui a sommeillé plus de 3 ans dans les "tiroirs" français. À cause d'une thématique presque similaire? (plongée dans l'univers carcéral avec ses codes, ses caïds, ses microcosmes, ses trafics de drogue, sa violence impitoyable, univers qui fabrique l'hyper-délinquance et la criminalité au lieu de les "corriger"); le spectateur ignore les arcanes de la distribution. Mais il a connu séparément les deux réalisateurs en 2013 (Highjacking de Tobias Lindholm et "Northwest"de Mchael Noer); il découvre en 2014 avec R leur premier film cosigné en 2009 !!!
Et c'est un peu KO qu'il sort de la projection. Le dernier plan: un long plan fixe sur la façade de la prison, -le bâtiment dans/et son environnement extérieur-, le fait accéder (enfin) à la Vie et à la Lumière après une immersion de plus de 1h30 dans l'enfer carcéral. Il aura été témoin de scènes d'une violence inouïe voire insoutenable; il n'aura vu le sourire s'épanouir et le rire n'éclater qu'une seule fois sur les visages complices de Rune et Raschid. Le premier d'abord victime d'humiliations (c'est un euphémisme) va chercher à s'en affranchir par une trouvaille "géniale" (la "circulation" du shit...) mais il sera vite rattrapé..(malgré ses certitudes réitérées "je gère"); le second, du clan des "macaques" (bien séparés dans le dispositif ségrégationniste de la prison) pactise avec ce plan, "trahit" (selon la loi du clan) sera sauvagement "puni"
Une approche frontale. Parfois de gros plans sur une nuque ou des bras tatoués, sur un visage dévasté par l'effroi ou la colère. Peu de dialogues (dans ce film le regard se substitue souvent à la parole), des gueulantes parfois (celles des matons pour extorquer des aveux, celles des "taulards trahis" qui éructent leur soif de vengeance). Les rares visites ne sont pas perçues comme une intrusion de l'extérieur mais renforcent la sensation d'étouffement. Jeu de cartes, télé, films pornos, tabac, séances de musculation: tels sont les moments de "pause" dans ce cycle de la Violence toujours recommencée...
Les réalisateurs ont filmé dans une ex prison et la plupart des rôles de détenus sont joués par d'ex taulards; ceux-ci ont raconté aux réalisateurs des anecdotes, ont dit leur vécu. Là est la matière brute du film "Nous avons fait ce film dans un réalisme presque total. Nous n'avons pas ajouté d'idées"
Un film danois plus violent, plus sombre que celui d'Audiard...Un film qui s'inscrirait si bien dans la programmation du festival du cinéma nordique !!!
Colette Lallement-Duchoze