Poulet aux prunes de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud
Synopsis : Téhéran, 1958. Depuis que son violon tant aimé a été brisé, Nasser Ali Khan, un des plus célèbres musiciens de son époque, a perdu le goût de vivre. Ne trouvant aucun instrument digne de le remplacer, il décide de se mettre au lit et d'attendre la mort. En espérant qu'elle vienne, il s'enfonce dans de profondes rêveries aussi mélancoliques que joyeuse, qui, tout à la fois, le ramènent à sa jeunesse, le conduisent à parler à Azraël, l'ange de la mort, et nous révèlent l'avenir de ses enfants... Au fur et à mesure que s'assemblent les pièces de ce puzzle, apparaît le secret bouleversant de sa vie : une magnifique histoire d'amour qui a nourri son génie et sa musique...
Avis de spectatrice:
Disons-le sans ambages, ce film ne m'a pas "emballée"
Certes il s'agit d'un "conte", et comme tous les contes surtout "persans", il se prête à une lecture plurielle, satisfaisant ainsi les goûts du plus grand nombre: le merveilleux, le mélange burlesque/drame ou grotesque/sublime, le questionnement philosophique, l'ancrage politique ou historique (ici le film se situe au moment du coup d'Etat du général Zahedi; le passé restitué par flash back est celui de la monarchie; l'héroïne s'appelle Irane: l'amoureuse perdue devient ainsi l'allégorie du pays perdu )
Certes les acteurs ont été sélectionnés parmi les "meilleurs"; l'épithète est de Marjane Satrapi qui affirmait aussi que "seul Mathieu Amalric avec ses yeux, son regard unique, pouvait incarner le violoniste virtuose réduit au silence, et dévoré de mélancolie. Je voulais des acteurs qui composent, qui ne ressemblent pas à leur image: Edouard Baer a donné de la profondeur au rôle de l'Ange de la Mort. Avec lui ce fonctionnaire de Dieu devient sympathique, plein de compassion à l'égard de ses clients. Jamel Debbouze est délicieux. Quant à Maria de Medeiros son talent la porte à toujours chercher des films risqués". Dont acte.
Certes la construction avec éclatement de la chronologie est intéressante: le film est découpé en journées avec allers et retours entre passé et présent; la narration peut anticiper sur le futur des deux enfants de Nasser Ali, le violoniste, que lui-même est censé ignorer puisqu'il a décidé de se laisser mourir…Des épisodes qui ont marqué son cursus reviennent à différents moments dans le film: d'abord mentionnés, ils seront "amplifiés, illustrés", à la manière de variations. Ou encore une même scène sera répétée mais selon un point de vue différent (la querelle conjugale, la rencontre avec Irane par exemple).
Je ne conteste pas le choix des auteurs "le film est fait 100 % en studio, et puisque Vincent et moi, nous adorons l’esthétique des années 1950, tous ces films qui nous ont fait rêver, et que l’histoire, ça s’est passé dans les années 1950, on avait envie de reproduire ces décors du cinéma qui nous ont fait rêver. Donc, voilà. C’est fait à 100 % en studio, avec deux minutes d’animation dedans"(Marjane Satrapi)
Et pourtant! !! Déception assurée! Est-ce le genre hybride? Est-ce le souvenir encore prégnant de "Persepolis"? En tout cas on a trop souvent l'impression qu'avoir remplacé les "mines de crayons" (Poulet aux prunes s'inspire d'une BD de l'auteur) par de "vrais" visages, fait que ce film "ressemble plus à la projection sur grand écran de vignettes de bande dessinée que Persepolis. On croirait lire la recette de Poulet aux prunes sans pouvoir savourer le plat (propos de Thomas Sotinel auxquels je souscris volontiers)
Colette Lallement-Duchoze