6 avril 2014 7 06 /04 /avril /2014 07:47

Film vénézuélien de Mariana Rondon

Avec Samuel Lange, Samantha Castillo

Grand Prix du festival de San Sebastian 2013

 

pelo maloPelo Malo (cheveux rebelles) c'est la chevelure frisée de  Junior, un métis de 9 ans qui vit avec sa mère et son tout jeune frère (non métis) dans un modeste appartement d'une Cité à Caracas. Mais au Venezuela l'expression désigne aussi (connotation péjorative) le métis en général. C'est pourquoi Junior cherche à se conformer au modèle "blanc": avoir les cheveux lisses. C'est son obsession. Et il lui faut agir vite (obtenir une photo d'identité pour la rentrée scolaire). Ses efforts, ses tentatives (il monopolise la salle de bains, enduit ses cheveux d'huile voire de mayonnaise), ses façons de se déhancher, les chansons qu'il fredonne dans le bus -et la grand-mère Carmen oeuvre en ce sens- sont pour la mère les signes incontestables d'une homosexualité précoce qu'elle doit juguler, "soigner" (d'où les rendez-vous chez le médecin). Le problème assez "tabou" de la sexualité des enfants, apparemment limité dans ce film aux désirs de "paraître" , se dessine en creux dans la relation conflictuelle entre la mère et son fils; la première n'a de cesse de "viriliser" son gamin, le second échoue à "plaquer" sur le réel ses rêves d'enfant -tout au plus regarde-t-il avec concupiscence la belle morphologie du jeune épicier. En adoptant très souvent le point de vue de l'enfant (hauteur des cadres par exemple) la réalisatrice nous immerge ainsi dans l'univers intérieur(?) de son personnage!

Cette version plutôt "intimiste" s'inscrit dans un contexte de précarité sociale. Nous sommes à Caracas. Chavez agonise (on apprend que des habitants vont se tondre les cheveux, gage de leur soutien au président victime d'alopécie suite aux traitemnts subis). Cela n'a aucune incidence sur la narration. Le discours politique est comme "tenu à distance". Et Marta, la mère, est trop occupée à retrouver son emploi de vigile. En revanche, l'espace urbain délimite les errances et les itinéraires des personnages. La récurrence des plongées et contre-plongées sur les immeubles (délabrés) semble rythmer la narration et simultanément souligne l'effarante compacité verticale qui sature l'espace en l'obstruant -et la scène où Junior et sa copine scrutent de leur "balcon" les voisins d'en face est éloquente: un zoom avant met à nu l'intimité des locataires identifiés, dans l'exiguïté de leurs "clapiers". De même la récurrence des scènes de rues (foule grouillante, circulation incessante, immenses panneaux fresques "religieuses") correspond dans la narration aux déplacements de la mère -appartement bus recherche d'emploi- et simultanément donne au film une dimension de "documentaire" sur la mégalopole.

Les cheveux rebelles, on l'aura compris, ne sont qu'un prétexte. Au service d'une "oeuvre cruelle sur l'orientation sexuelle d'un gamin de neuf ans"  comme l'affirment certains ?(cf. dépliant Omnia). Peut-être. En tout cas, ne pas traiter le problème frontalement confère à ce film une certaine délicatesse en ce qu'il suggère plus qu'il ne dévoile (hormis bien évidemment la dernière scène qui "cisaille" et tombe tel un couperet!)  

 

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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