D' Emma Dante
Avec Emma Dante (Rosa) Alba Rohrwacher (Clara) Elena Cotta (Samira) Renato Malfatti (Saro Calafiore)
A la Mostra de Venise 2013, Coupe Volpi meilleure actrice pour Elena Cotta; prix de la meilleure musique pour les frères Mancuso
En adaptant son roman "Via Castellana Bandiera" Emma Dante construit son film comme une tragédie classique avec les trois "fameuses" unités: de lieu (Palerme et plus particulièrement la rue étroite à sens unique); de temps (24h un dimanche ) et d'action (l'entêtement de deux conductrices "cramponnées" à leur volant, chacune refusant de reculer, faire marche arrière); et dans le dernier plan-séquence, muet, voici un choeur moderne -les habitants, tout âge confondu, courent dans la même rue "miraculeusement" élargie, face à l'oeil de la caméra, coryphée invisible.
De l'aveu même de la réalisatrice le film est conçu comme un western, un duel "le volant est un pistolet, le levier de vitesse la gâchette". Il n'en reste pas moins que l'habitacle de la voiture va se transformer, par métaphore, en réceptacle de la conscience: au cauchemar de Rosa (perdre sa compagne Clara) correspond en écho la vision fantomatique de la fille défunte - unique scène où le spectateur entendra la voix de Samira.
On peut certes reprocher la prégnance (trop appuyée) de certains antagonismes (le couple de lesbiennes cultivées, venu de Rome s'oppose à la micro société machiste et "primaire" d'une famille sicilienne, les Calafiore) ou de certains symboles (la Via Castellana Bandiera comme parabole d'une Sicile ou du moins d'une société fermée sur elle-même, incapable d'évoluer; la rue qui s'est élargie ne prouverait-elle pas a posteriori que les barrières nullement infranchissables sont de pures créations de l'esprit?).
Cela étant, Emma Dante, bien connue du public rouennais pour ses pièces de théâtre et qui signe là son premier film, excelle dans ce mélange d'humour, d'absurde et d'onirisme tout comme elle sait créer un tempo en alternant scènes d'extérieur (les voisins dans la rue et dans leur appartement) et scènes de réclusion dans la voiture, confidences de l'ordre de l'intime et silences, colères et tentatives d'apaisement ou encore gros plans (sur les visages des deux "ennemies") et plans d'ensemble.
Et cette lumière qui balaie en le diffractant le fond montagneux, qui va s'amenuisant vers le soir, et s'assombrit jusqu'à la tristesse de l'aube (la tragédie est restée hors champ) imprime l'univers urbain de son empreinte cinégénique !
CLD
Au risque d'apparaître au "ras des pâquerettes", j'ai trouvé ce film un peu de bric et de broc, peu crédible (comment croire à l'impossibilité de faire sortir la vieille dame de sa voiture?). La dernière séquence est belle (quoiqu'un peu longue) car elle donne une touche de fantastique qui aurait dû marquer le reste du film.
ME le 7/07
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