Documentaire réalisé par Yves Montmayeur (France, Autriche)
Yves Montmayeur a, depuis Code inconnu, réalisé des "making of" de tous les films de Haneke (hormis La pianiste) et dans le documentaire qu'il propose aujourd'hui il mêle des extraits de ce matériau de base (accumulé pendant plus de 15 ans) aux scènes des différents films (images d'archives), qu'il entrecoupe d'interviews d'acteurs (Jean-Louis Trintignant, Emanuelle Riva, Isabelle Huppert, Béatrice Dalle, Juliette Binoche, Susanne Lothar, etc.) et du réalisateur lui-même. Ainsi vont s'opérer des "glissements" entre les images de plateau et le film lui-même achevé, qui donnent l'impression de "prolongements" voire de "confusions" (est-on en plein tournage ou dans le film?). Et au montage, à l'instar de Haneke qui utilise souvent des transitions brutales, Yves Montmayeur a recours parfois à de brefs écrans noirs ou à des raccords "cut"(qui pourront déplaire à certains)
Le documentariste a respecté les exigences de Michael Haneke: pas de questions sur les "interprétations possibles" de ses films (certains spectateurs seront donc inévitablement déçus), et "pas d'intrusion dans la vie privée". Dès lors les critiques qui déplorent l'absence d'"autobiographie" (entendons le "vécu" la vie intime du réalisateur) tombent à faux.. C'est bien un artiste au travail, dans l'exercice de sa fonction, que le spectateur est invité à découvrir: Voici un "chef d'orchestre, exigeant", mais aussi "facétieux" (il s'esclaffe l'œil goguenard) sous ses allures d'intellectuel calviniste ou luthérien. Avant une prise il interprète souvent lui-même le geste, la pose, le déplacement dans l'espace, bref tout ce qu'il exige d'un acteur (voir la scène du cauchemar dans Amour par exemple), veille avec son chef opérateur à tous les éclairages, aux cadrages, et une fois la "bonne prise" effectuée, il congratule chaleureusement ou peut déplorer, véhément, une insuffisance patente (Code inconnu)
Comme scène liminaire Yves Montmayeur a choisi celle du meurtre dans Benny's Video 1992 (qui reste comme souvent d'ailleurs chez Haneke, hors champ). C'est que tout est déjà dans cette critique de la télévision qui banalise la violence. Et surtout dans la représentation que nous avons de la réalité (nous sommes confrontés à nous-mêmes alors qu'il est si facile de nous dédouaner...). Et pour les autres films (Funny Games, 71 fragments, Le ruban blanc, Code inconnu, La pianiste, le Temps du loup, Caché, Amour ) les extraits choisis sont-ils judicieux? (servent-ils ou non le propos?...) Quoi qu'il en soit, ce n'est pas pur hasard si le documentaire s'ouvre et se clôt sur Amour...Cette dernière création (2012) du réalisateur autrichien permet à Yves Montmayeur de "revisiter" comme à rebours tout son univers filmique!
Il se laisse guider par le mouvement d'un visage, c'est ça qui rend sa mise en scène très organique (Isabelle Huppert)
Haneke s'amuse peut-être beaucoup mais les acteurs ne s'amusent pas du tout (J-L Trintignant)
Colette Lallement-Duchoze