de Fred Nicolas (F Bégaudeau a participé au scénario)
avec Camélia Pand'or, Jisca Kaivanda, Adam Hegazy
Ce n'est pas un énième long métrage sur la précarité, la violence, les circuits de la drogue dans les quartiers dits "déshérités" ou en "déséhérence" - même si l'ancrage social est prégnant- c'est surtout un hymne à l'amitié (ici quasi fusionnelle) : un gros plan sur les deux visages de profil puis sur celui de Lenny où perlent des larmes le donnera à voir de façon expressive!
Voici deux jeunes filles. Rien ne laissait augurer de leur rencontre et surtout de leur amitié. L'une, Lenny, marginale asociale, "aide" son frère à dealer, dans les quartiers nord de Marseille; experte dans l'art de contourner à la fois les règlements de compte et les descentes de police, elle a élu domicile dans la rue (on apprend tout dans la rue répond-elle au professeur qui tente de la récupérer alors qu'elle a abandonné le lycée) Sa VOIE ne serait-elle pas le Rap? Elle consigne dans un carnet son vécu sublimé en poésie, qu'elle cherche à mettre en musique. L'autre, Max, une Congolaise sans-papiers, "croule" sous les responsabilités -elle doit s'occuper de ses jeunes frères, être la garde-malade de sa grand-mère tout en poursuivant ses études. Par son sourire et sa bonté -qui d'ailleurs illuminent le film- elle saura apprivoiser Lenny la rebelle et l'aidera dans sa quête (de reconnaissance). Deux trajectoires qui fusionnent en un seul chemin initiatique. Lenny parviendra à "reconquérir" sa petite fille placée en foyer. Max même arrêtée et susceptible d'être reconduite à la frontière, garde intacte, au tréfonds, l'authenticité d'une amitié que rien ne pourra profaner! Deux musiques: celle de Mozart (concerto n°23) et celle d'un rap vindicatif, se combinent en se répondant dans les entrelacs de ces parcours!
Il convient de saluer les audaces du montage: pour éviter toute longueur inutile et/ou tout basculement facile dans le pathos, rupture brusque et passage à la séquence suivante (les conversations avec le frère sont parfois sibyllines, les menaces de mutilation proférées par les "caïds" sont réduites à l'essentiel, la restitution de l'ambiance chez Max ne verse pas dans un misérabilisme appuyé, etc.)
Le prologue est tout simplement époustouflant: on assiste (mouvements saccadés de la caméra à l'épaule) à une course : Lenny encapuchonnée va échapper à ses deux poursuivants "triomphants" sur leur quad. Préfiguration d'un rythme qui prévaudra presque tout au long du film: celui des fuites dans les impasses et passages tortueux où s'engouffrent les deux jeunes filles et celui d'une musique âpre dans ses hoquets mais si humaine dans ses douloureuses
revendications !
Colette Lallement-Duchoze