3 février 2014 1 03 /02 /février /2014 13:45

 

     Film (2012) d'Antoine Barraud avec Mathieu Amalric et Nathalie Boutefeu

 


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Un film étrange! Pourquoi? En déclinant trop tôt la polysémie du terme "gouffre" (multipliée en outre par l'emploi du pluriel), en filant trop allègrement la métaphore, le réalisateur  aura raté son rendez-vous avec "l'étrangeté annoncée"

 

Les gouffres ce sont d'abord ces vastes cavités souterraines que l'on vient de découvrir et qu'une expédition menée par Georges Lebrun (Amalric) est chargée d'explorer. Nous ne les verrons pas. De Lebrun ne nous parviendra que la voix. Les gouffres ce sont aussi et surtout (et l'affiche est éloquente) ces descentes dans les profondeurs abyssales de l'inconscient (là où sont refoulées des pulsions secrètes, inavouées). Une expérience que va vivre France l'épouse de Lebrun en attendant son retour, seule, dans un hôtel minable et isolé.... Certes les différentes étapes qui conduisent à la "folie" sont nettement repérables: d'abord les signes avant-coureurs: ces séismes auxquels la région est sujette et qui font trembler la chambre (à mettre en parallèle avec ceux qui vont ébranler les certitudes et "fissurer" le personnage); la présence insolite d'une femme anglophone dont le regard noir sonde la conscience; puis les révélations: le passage sous le lit qui mène aux profondeurs de la terre; les "découvertes" d'hommes aux visages et aux corps burinés par la chaleur de la "vie" sous terre; enfin quand France émerge de ces "gouffres", la réalité qu'elle perçoit aura définitivement changé de visage (elle entend la voix de Georges Lebrun, le regarde effarée, il est "autre"...). Mais l'absence délibérée d'explications (couple apparemment uni mais ? fantasmes sexuels?) loin de participer d'une vision anxiogène susceptible d'entraîner l'adhésion du spectateur, tombe à faux ..En recourant trop souvent au flou et au floutage, en convoquant (de manière trop appuyée) des peintures rupestres ou des visages de Fayoum, en jouant (ad libitum) sur les couleurs verdâtres brunâtres ou chlorotiques, en insistant sur des "signaux" (l'oiseau mort qui vient percuter le mur en le maculant de sang par exemple) le réalisateur ne crée nullement la sensation de vertige que l'on attendait. (l'interprétation de Nathalie Boutefeu n'est pas en cause)

Un bémol toutefois. France est cantatrice, elle doit interpréter le rôle de l'esclave Liù dans l'opéra Turandot de Puccini (pour une adaptation cinématographique); ce personnage qui préfère se donner la mort plutôt que de révéler l'identité du prince, France non seulement le "travaille" avec assiduité mais au final se laissera "dévorer" par lui au point de devenir muette !

 

Colette Lallement-Duchoze  

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