Film de Gustave Kervern et Benoît Delépine avec Albert Dupontel, Benoît Poelvoorde, Brigitte Fontaine, Areski Belkacem
Prix spécial "Un certain regard" au festival de Cannes 2012, le dernier film du duo frapadingue n'a certes pas la veine surréaliste d'Avida (présenté à Cannes hors compétition en 2006). Mais quelques moments telles des fulgurances rappellent leur inventivité première (qu'on avait tant appréciée dans Aaltra): le pendu d'abord dépendu (son geste manquait de panache) et qui se repend ballotté ad infinitum dans la ronde des chaises d'un manège; la panne de Fenwick en pleine campagne; la scène d'immolation (Jean-Pierre le frère de Not est désespéré suite à son licenciement) à l'intérieur de Carrefour, dans l'indifférence générale; le gâteau anniversaire offert à la mère (interprétée par Brigitte Fontaine) qui chante avec un accent chinois "happy birthday" et les "bougies" soufflées avec un éventail; l'épluchage laborieux des patates (les Bonzini interprétés par Areski Belkacem et Brigitte Fontaine, tiennent un restaurant "la Pataterie" toujours désert); les leçons de "punkitude" que donne Not à son frère devenu Dead; la lecture de l'avenir que propose un Gérard Depardieu coiffé d'un bonnet péruvien; les rêves de Not en star adulée de la musique punk..
Le titre renvoie au rêve de la Révolution (auquel Zola avait donné un souffle épique) mais c'est un titre antiphrastique. Point de grand soir –le rendez-vous avec le "peuple", avec l'Histoire, que Not et Dead avaient proposé aux clients accoutumés des grandes surfaces, à 20h près de Leroy Merlin, est un fiasco: l'appel n'a pas été entendu. Rien de grave cependant; arrachons quelques lettres des enseignes commerciales (à l'instar du père), écrivons un nouveau slogan "we are not dead", brandissons-le haut et fier par-delà le monde des contingences et de la surconsommation –que représente cette zone commerciale, personnage à part entière du film-; que son programme (même imparfait) accroche l'œil comme les immenses lettres Hollywood sur la colline de l'Art…
Certains spectateurs ont déploré le manque de…et de…
Rappelons (sans être forcément l'avocat des causes perdues) qu'il s'agit de punks sur le retour (au début très gros plan sur le front et crâne de Not et la phrase "je suis le plus vieux punk d'Europe avec chien" si souvent répétée joue le rôle de passeport); que ces personnages sont censés prolonger l'esprit de Groland à ses débuts (punk anar et potache); que le rêve d'un avenir meilleur dessine en creux la misère et/ou désespérance sociale(s) que les deux auteurs préfèrent traiter sur le mode déjanté (on ne saurait reprocher à des cinéastes ce choix). Benoît Poelvoorde et Albert Dupontel en font-ils trop? Je ne sais. En tout cas cadres et images m'ont paru très aboutis…
Colette Lallement-Duchoze