Film de Xavier Dolan; avec Melvil Poupaud, Suzanne Clément, Monia Chokri, Nathalie Baye
«Laurence Anyways » de Xavier Dolan est surtout une Histoire d’amour passionnée et non conventionnelle car "transgenre" entre Laurence et Fred sur 10 ans (elle commence en 1989). Les pistes identitaires et sexuelles se brouillent d’ores et déjà dans les présentations, car Laurence est l’Homme et Fred, La Femme. Ils débordent d’énergie et de passion l’un pour l’autre : l’un est un écrivain poète et farceur et l’autre une extravertie au tempérament de feu. Le hic survient à l’annonce troublante que Laurence fait à Fred : « Je vais mourir » mais c’est la mort de son corps qu’il souhaite pour rentrer dans celui d’une femme. Troublée, la réponse de Fred résume toute la situation : « tout ce que j’aime de toi, c’est ce que tu détestes de toi ».
Le contexte est gênant pour beaucoup : les parents de Laurence, l’université qui l’exclut, les regards extérieurs. L’ensemble est traité sans tabou ni voyeurisme avec une poésie planante, un kitch, une beauté esthétique explosive et un humour déconcertant.
Laurence est un héros moderne qui se bat toujours, fier de son désir, bien que son couple s’effiloche et se raccommode sur dix ans pour prendre la forme d’un amour impossible.
L’interprétation des deux personnages contrastés est remarquable. Melvil Poupaud tient là le plus beau rôle de sa carrière (pourtant bien longue et éclectique) tant son jeu est rempli de finesse et de retenue, et Suzanne Clément est émouvante et drôle. Les seconds rôles sont très importants. Nathalie Baye en mère déstabilisée par le choix de vie son fils est bouleversante et la sœur de Fred (Monia Chokri vue dans « les amours imaginaires » précèdent film de Xavier Dolan) influence la vie des deux êtres perdus avec sa drôle de franchise québécoise.
La jeunesse du réalisateur se voit par une mise en scène énergique avec une bande-son allant de Beethoven à Cure et une palette de couleurs très vives, des ralentis. Le projet est bien ambitieux mais le résultat est limpide et charmant. Bravo
Béatrice le Toulouse