Film colombien de William Vega. Avec Joghis Seudin Arias, David Fernando Guacas, Julio Cesar Roble, Heraldo Romeo, Floralba Achicanoy
Film présenté au festival de Cannes 2012 dans le cadre de la Quinzaine des Réalisateurs
Un homme empalé sur un mât, une jeune fille qui patauge péniblement dans l'eau, une motte de terre herbue qui flotte énigmatique tel un monstre aquatique, des joncs hostiles, un temps humide et venteux, tout dans cette scène d'ouverture dit à la fois le commencement et la fin; ou du moins joue le rôle de métaphore (une lagune primitive comme image en creux d'un pays?). Nous sommes dans la lagune de la Cocha (au Nord-Ouest de la Colombie) et la jeune Alicia fuyant les désastres de la guerre (son village a été brûlé, les siens ont été massacrés) cherche refuge chez son oncle Oscar. "Mais ici tout va mal" Réapprendre à vivre malgré tout? Alicia s'y emploie en aidant à la "reconstruction" de l'auberge dans l'attente d'improbables touristes...
Peu de personnages, peu de paroles échangées (mais la question récurrente "ceux qui ont tué viendront-ils ici?) pas de musique parasite -seule une bande-son qui amplifie le bruissement du vent, le claquement de la tôle qui se désosse, le clapotis de l'eau qui craquelle, le grincement de portes qui s’ouvrent et se ferment-; la brume et son ambiance parfois fantomatique, la lumière des bougies et leurs effets de clair-obscur, tout concourt à créer une atmosphère étrange où la violence, pourtant hors champ, est palpable à fleur de peau, se love dans un regard interrogateur ou concupiscent, dans une menace diffuse, altérant la beauté primitive de ces lieux... Le réalisateur n'explique pas, il suggère; c'est le triomphe de l'implicite, du non-dit et l'art de l'ellipse (des questions semblent être posées mais elles resteront sans réponse..) .
Mais quelle maîtrise dans l'art des cadrages, des travellings latéraux, des angles de vue; et la beauté des plans ne rappelle-t-elle pas "Hors Satan" de B Dumont, "the house" de Bartas ou "le miroir" de Tarkovski ?
Quelle science du"minimalisme"!
Bref une écriture belle dans son exigence et sa plasticité!
Colette Lallement-Duchoze