12 avril 2014 6 12 /04 /avril /2014 15:17

Film mexicain de Amat Escalante

Prix de la mise en scène à Cannes 2013

Avec Andrea Vergara (Estala) Juan Eduardo Palacos (Beto) Armando Espitia (Heli)

 

heliLa scène inaugurale a de quoi faire frémir! Un long plan fixe en plongée sur un visage ensanglanté calé par un pied; puis la caméra glisse sur le corps et celui d'un acolyte, tous deux allongés à l'arrière d'un pick-up; extérieur nuit; une route; arrêt; le corps du premier sera pendu à la balustrade d'un pont; plan d'ensemble; vision quasi fantomatique de ce corps qui n'est plus qu'épouvantail. Les bourreaux? Ils sont masqués. Les raisons d'une telle violence? Ce sera l'objet du premier tiers du film. Voici une famille ordinaire -cinq personnes: le père, la fille Estala, le fils Heli sa femme et leur bambin - qui vit très modestement dans une petite ville perdue dans un désert aride (voir l'affiche). Heli travaille comme son père à l'usine automobile locale, il rêve d'être "responsable"; sa petite soeur quant à elle rêve de concrétiser sa "romance" avec Beto (jeune recrue de l'armée mexicaine). Rêves à jamais brisés suite au vol de deux paquets de cocaïne par Beto! C'est toute la famille qui va subir d'atroces représailles!  La scène de torture en est le point culminant: un bourreau s'acharne à frapper le dos de Beto (jusqu'à ce que mort s'ensuive); puis on brûle ses parties génitales -une bande-son amplifie les cris de douleur. Violence filmée sans concession, sans détour, crûment, frontalement! . Scène d'autant plus insoutenable qu'elle est "vue" par des gamins (invités d'ailleurs à participer à cette barbarie) et qu'en profondeur de champ se devine la silhouette d'une femme préparant un repas....Et ce fut précisément le grief formulé par certains festivaliers... Mais le problème de la "légitimité": a-t-on le droit (dans une fiction) de filmer de tels actes de violence, est à mon avis un faux problème; la seule interrogation "légitime" porte sur les causes de cette violence: pourquoi en est-on arrivé là (dans la réalité) dans un pays désormais gangrené de toutes parts; même dans cette "immensité aride" la télé diffuse la barbarie. Moins criante, plus insidieuse la violence perdure dans la seconde partie du film : comment survivre à un tel traumatisme? Est-ce tout simplement possible? Quel sera le rôle de la justice ? (là encore une commissaire se contente d'offrir sa poitrine plantureuse au jeune Heli...)     

 

On sera peut-être déstabilisé voire pétrifié, on n'en appréciera pas moins la façon de filmer d'Escalante (qui rappelle un peu celle de son maître et devancier Reygadas), longs plans fixes, qui progressivement vont s'élargissant et ainsi contrarient ou confortent les premières impressions du spectateur; plans savamment cadrés; ellipses et non-dits; profondeurs de champ; effets spéculaires, lueurs bleutées lumière blafarde, etc.

Interrogé à Cannes (suite à la controverse) le réalisateur affirmait "mon film n'est pas une comédie; il montre la violence dans ce qu'elle a de douloureux de déplaisant et de triste" "cela (= montrer) est nécessaire d'un point de vue moral (c'est une question de responsabilité)

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

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