Film japonais de Naomi Kawase avec Hako Oshima, Tetsuya Akikawa, Tohta Komizu
Le point de départ? un poème du recueil Manyoshu, le plus ancien de la littérature japonaise.. Un chant venu du fond des âges. Échos feutrés de mythes fondateurs, de contes ou de légendes. Voici deux montagnes (mâles) amoureuses d'une autre éminence; l'affrontement sera inévitable…Une voix off fait résonner ces vers d'Hanezu, tout au début du film puis à quelques intervalles réguliers. Car la cinéaste va tisser, dans une perspective animiste, l'interpénétration quasi fusionnelle des règnes et des espèces. Les forces vives de la nature – mugissement de la forêt, ciel lézardé, cascades ou eaux tourbillonnantes, pluies qui ravinent le sol ou le fertilisent, levers ou couchers de soleil- vont se confondre avec les spasmes d'une respiration. Aux très gros plans sur des insectes (devenus maîtres d'une alchimie végétale par leur mélopée et/ou leur calligraphie) font écho les gros plans sur les lèvres, épaules, bras, visages des trois protagonistes: Kayoko (Hako Oshima) son époux Tetsuya (Tetsuya Akikawa) et le sculpteur Takumi (Tohta Komizu).
La scène qui ouvre et clôt le film introduit une autre fusion. En effet, les fouilles sur le chantier archéologique –à la recherche de la Cité impériale engloutie- dont le mécanisme complexe est rendu dans la successivité des étapes (gros plans et bande son amplifiée) si elles sont censées faire surgir des strates, convoquent simultanément différentes temporalités. Instantanéité et simultanéité: les temps se confondent en un éternel présent. Ce soldat quasi muet et qui accompagne parfois Takumi serait-ce son grand-père mort lors de la Seconde Guerre? Le petit garçon qui ramasse des cailloux serait-ce l'archéologue? Ellipses dans la narration, raccords elliptiques aussi…
Au début, l'assemblée des vieillards exprimait la nostalgie d'une autre époque -celle où l'on voyait des carpes sur les toits des maisons-.
À la fin des perles de rosée suintent sur des tiges: c'est que le riz a levé…Une saison, une éternité (ou l'inverse?)
Un film qui invite, tout uniment, à se laisser porter....
Colette Lallement-Duchoze