9 juin 2014 1 09 /06 /juin /2014 12:54

De Jean-Pierre et Luc Dardenne (en compétition à Cannes)

Avec Marion Cotillard, Fabrizio Rongione, Simon Caudry

 

"Avec les frères Dardenne, on n'est jamais déçu 

"Bof! Encore un film social"

deux-jours-une-nuit.jpgParoles de spectateurs, avant la projection. Qu'en fut-il à la sortie? On ose espérer que même les plus réfractaires aux films dits "de genre" (social de surcroit), auront apprécié cette façon de filmer toute en pudeur, en révolte contenue, en silences parfois! Qu'ils auront été sensibles à la progression dans la dramatisation (Sandra est d'abord très motivée, puis elle prend douloureusement conscience de se comporter en "mendiante" en réitérant sa supplique ou de provoquer la violence suite à la bagarre père/fils; tentée par la résignation face à l'inanité de sa démarche, elle ira malgré tout jusqu'au bout..)

Ce qui frappe dans ce film, c'est le contraste entre la sobriété formelle voire son minimalisme, la ténuité scénaristique et le foisonnement, la richesse des idées suggérées. En effet, la quête de Sandra (faire basculer un vote en sa faveur) dessine en creux un contexte social (bas salaires, précarité, chômage) mais aussi l'évolution du concept "classe ouvrière": on est dans la phase de l'ultralibéralisme forcené, une prime de 1000 euros ne peut être que la bienvenue (on va aménager la maison, on va payer les études des enfants, on va pallier un manque à gagner suite au chômage du conjoint, etc...) et qu'importe le sort de l'ouvrière licenciée! (pire, la direction, sadique, imposait de choisir entre la prime et Sandra...). Les réactions des uns et des autres vont trahir à la fois la peur de l'autre (être jugé, d'où la question "qui a déjà voté pour toi"?) une forme d'individualisme (que Sandra ne saurait condamner "oui, oui je comprends") et parfois la résolution du cas de conscience -un vrai dilemme -- fera triompher la "solidarité" (voir la scène avec Timur l'entraîneur des "poussins" où par-delà la barrière du terrain de foot, bras et pleurs scellent l'authenticité de l'amitié, ou encore celle avec l'employé en CDD, à la laverie)

Chaque rencontre avec un(e) employé(e) de l'entreprise est filmée en plan-séquence; la position de Sandra varie en fonction des lieux; en extérieur sur le trottoir face à l'interphone -vue de dos ou de profil-; à l'intérieur d'un immeuble,sur un palier dans l'embrasure d'une porte; et s'il y a franchissement c'est que l'autre aura dit "oui". L'indigence des paroles est compensée par le regard (et là il faut reconnaître à la fois le travail de direction d'acteurs et la performance de Marion Cotillard). La répétition (aller à la rencontre de l'autre, dire les raisons de la visite) n'est pas redondante: le déplacement se fait à pied, en bus, en voiture avec le mari (Fabrizio Rongione un fidèle des frères Dardenne); le discours change lui aussi: Sandra taira le nom de ceux qui ont déjà dit "oui" (peu importe! le vote est secret...). Ces différentes rencontres alternent avec des scènes d'intérieur (Sandra chez elle avec son mari très combatif et ses deux enfants; Sandra allongée dans la chambre; Sandra à la salle de bains. La présence récurrente d'une bouteille d'eau en dit long sur l'état psychologique du personnage!)

 Femme affolée par l'urgence, au regard de "bête traquée", Sandra (qui sort d'une dépression) sera tentée par le suicide, une TS à valeur de point d'orgue! Son "itinéraire" limité dans la durée (deux jours, une nuit) ne peut-il pas s'apparenter à un voyage initiatique? De sujet asservi par les contingences économiques et sociales, Sandra devient -dans la dernière scène- maîtresse de son destin (fût-il en dehors de cette entreprise). Victoire collective "on s'est bien bagarré" clame-t-elle triomphante et lumineuse!

  "On n'est jamais déçu avec les frères Dardenne"

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

 

Tout à fait d'accord avec la critique élogieuse de Colette.

Un bémol cependant : le point de départ du film, vote, comportement du patron sent un peu l'artifice du scénariste, mais une fois cette hypothèse admise...   

Marcel  Elkaim 9/06  14h55  

 

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<br /> Tout à fait d'accord avec la critique élogieuse de Colette. Un bemol cependant : le point de départ du film, vote, comportement du patron sent un peu l'artifice du scenariste, mais une fois cette<br /> hypoyhèse admise...<br />
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