Dernière séance de Laurent Achard avec Pascal Cervo (Sylvain), Karole Rocher (la mère), Brigitte Sy (la conductrice de taxis)
Caissier, placeur, projectionniste le jour, meurtrier la nuit, Sylvain (Pascal Cervo) est pour le moins un personnage étrange. Une même passion/obsession dicte son comportement dual. Des flash back vont donner une dimension quasi psychanalytique à ses actes de tueur en série : un trauma originel (une mère autoritaire lui faisait répéter inlassablement un texte en vue d'un casting, car elle souhaitait pour l'enfant un destin digne des grands acteurs!! Et à la fin de l'extrait, il devait arracher sa boucle d'oreille…)
Le film oscille ainsi entre plusieurs niveaux de "lecture". L'amour du cinéma, c'est une évidence et les plans sur la façade de l'Empire Cinéma –qui doit fermer très prochainement--montrent à intervalles réguliers et en contre-plongée, les affiches de ces films dont Sylvain est amoureux: Last Days (Gus van Sant) La Captive (Chantal Akerman) "Femmes femmes" (Vecchiali) –le mimétisme avec le film semble un peu appuyé- et surtout French Cancan (Renoir) qui sera comme le fil conducteur –la fin du film de Laurent Achard, correspond aussi à la dernière scène du film de Renoir. A cela s'ajoutent de nombreuses références à des films/culte –certaines là encore appuyées: la lame du couteau et Psychose, par exemple.
La cinéphilie de Sylvain va de pair avec celle du réalisateur qui multiplie les allusions aux films d'horreur mais en les vidant de leur teneur habituelle –les crimes sont perpétrés hors champ, seuls les cris des victimes ou un objet en attestent l'horreur-. Allusions aux films policiers aussi; mais ici on ne recherche pas le coupable -et le seul témoin d'un des assassinats qui apparaît deux fois (visage cadré dans l'embrasure d'une fenêtre du hall d'entrée) ne pipe mot; les victimes ne "survivront" que par leurs oreilles/trophées que Sylvain épingle sur les photos des stars féminines du cinéma, qui "décorent" les murs de son antre. Antre au sous-sol du cinéma, auquel on accède par une porte coulissante tapissée par une immense affiche de Playtime, antre qui devient par métaphore une sorte de grotte utérine
Le film s'interroge aussi sur l'avenir du cinéma, en province certes, mais partout ailleurs. Or le cinéma était un lieu de rencontres, d'échanges et M. Paul (Noël Simsolo) spectateur assidu que Sylvain accueille avec aménité, sait de quoi il parle. L'Empire cinéma dans cette ville quasi déserte va mourir. Sylvain n'en a cure. Son amour obsessionnel du cinéma –légué par la mère - lui aura appris le don de soi et le "sacrifice"...
Malgré toutes les qualités –traitement des bleus, des lumières, cadrages, humour, ambiances, etc. –j'avoue être restée comme "extérieure", alors que "Le voyeur" de Michael Powell –auquel Laurent Achard fait peut-être référence, ne serait-ce que par la présence d'un voyeur/criminel- emportait le spectateur jusqu'à l'habiter!!!
Colette Lallement-Duchoze