Bullhead de Michael R. Roskam avec Matthias Schoenaerts, Jeroen Perceval, Jeanne Dandoy…
On ne sort pas indemne de ce film "coup de gueule"
Cette "tête de boeuf" ou "tête de taureau" incarnée par Matthias Schoenaerts envahit souvent l'écran (gros voire très gros plans sur le visage, la nuque, ou les pectoraux). Elle participe d'un monde âpre rugueux, sur fond de commerce (illégal bien évidemment) d'hormones destinées au bétail; et c'est là que les deux mondes (humain et animal) se rejoignent. Jacky Vanmarsenille au moment même où il doit conclure un marché –juteux, c'est un truisme- va affronter son passé douloureux qui vient percuter sa "tête de taureau". - la scène d'émasculation s'impose à l'écran comme dans la mémoire en un long flash back, vingt ans après les faits–;c'est le TRAUMA. S'ensuivra une médication à base d'hormones, imposée par un médecin (vétérinaire?) afin d' assurer/développer/préserver sa virilité (la scène où Jacky nu et fébrile s'injecte de la testostérone, est tout simplement bouleversante; et l'angle choisi "fish-eye" en multiplie les résonances)
Isolé parce que différent, à la fois puissant et fragile; -ses coups de tête sont ceux d'un taureau qui fonce sur ses "ennemis" les laissant KO; mais son regard n'en finit pas de sonder un infini bleu et tourmenté…Des déplacements dans l'espace à la façon des animaux –et d'ailleurs un plan réunit en une confondante unité le troupeau de bovins et les deux ex amis-, une allure de Frankenstein qui inspire la peur; mais derrière cette carapace de chair et de muscles se love un irrépressible besoin d'amour!
Car le flash back se situe à peu près au milieu du film et du même coup le spectateur est invité à "voir" autrement les scènes qui l'ont précédé et interpréter les scènes qui vont suivre en fonction de ce trauma originel.
D'abord chronique avec intrigue policière (il y a eu meurtre d'un policier) le film se mue en une tragédie à l'antique – ne serait-ce que par la prégnance du fatum et l'impossible rédemption!
Colette Lallement-Duchoze