Film de Julien Donada; avec Daniel Duval, Chiara Caselli, Catherine Rouvel, Françoise Arnoul, Cyril Guei, Thomas Gonzalez et Nanou Garcia
"C’est en partant de l’image mentale de jambes de femme au soleil sur une terrasse, de souvenirs vécus ou racontés et de photographies, que le réalisateur aurait imaginé cette d’histoire d’amour". La première "rencontre" entre Michel (Daniel Duval) et Sandra (Chiara Caselli)- vue en plongée sur son corps allongé très sculptural et buriné par le soleil-, corroborerait cette allégation. Mais l'étrangeté de ce premier long métrage de Julien Donada vient de la simultanéité d'images ancrées dans un vécu et dans le fantasme. A l'instar du personnage ballotté entre ses désirs d'amour –voir la scène où pour la première fois il arbore un sourire triomphant suite sa rencontre avec Sandra – et un quotidien éreintant –dès le début ce flic vieillissant exige d'un médecin un certificat de congé maladie-; le spectateur est ballotté entre un fantasmé qui a des allures de vécu et un vécu qui se mue en fictionnel. Là est la "magie" du cinéma: par le jeu d'ellipses de temps ou d'espace, par un montage qui accorde le même traitement au quotidien, aux images mentales, aux flash back, aux projections de rêves, nous sommes dans l'illusion. Hormis dans son dernier tiers et sa fin "attendue", le film peut dérouter; au moins le réalisateur aura-t-il trouvé une adéquation entre le fond et la forme (donner à voir l'imaginaire comme du naturel sans le désacraliser) avec des allusions discrètes à Truffaut "la chambre verte" et à Preminger "Laura". L'omniprésence de Daniel Duval, -l'acteur est de tous les plans -, au visage parcheminé, au comportement qui mêle violence plus ou moins contenue et immense tendresse - contribue à cette prégnance qui enracine le "rêve" au cœur du quotidien..
Le titre peut renvoyer aux patronymes d'hôtels plus ou moins luxueux qui bordent la Côte d'Azur; il peut désigner, en connotation, une démarcation, une frontière, une ligne de séparation entre la terre et la mer, entre les vivants et les morts (la séquence de la baignade où Michel inquiet appréhende la disparition de la femme aimée engloutie dans l'élément liquide, la séquence finale où il tente de rejoindre l'être aimé –du moins ses cendres éparpillées dans la mer- le prouveraient aisément). Et l'utilisation du contre-jour contribue à "déréaliser" la ville de Nice –ville vers laquelle nous nous approchons avec Michel au volant de sa voiture au tout début du film –en la débarrassant de ses oripeaux/clichés…Une autre "démarcation" vient du décalage entre une musique assez rétro– chansons italiennes – et la propulsion vers un futur enchanté par le rêve…
Colette Lallement-Duchoze