22 avril 2012 7 22 /04 /avril /2012 12:55

Film de Lucas Belvaux (d'après le roman de Didier Decoin "Est-ce ainsi que les femmes meurent"?) avec Yvan Attal, Sophie Quinton, Nicole Garcia, François Feroleto, Natacha Régnier, Patrick Descamps, Didier Sandre

 

 

38-temoins.jpg 

"À un bout de la rue de Paris, il y a l'Hôtel de Ville, avec sa masse un peu soviétique; à l'autre bout la mer avec un cargo". Ces propos de Lucas Belvaux sur la configuration du Havre, semblent illustrer le scénario de son film. Une artère panoptique (tout est censé être vu, or 38 témoins vont certifier le contraire); une ouverture sur la mer où Pierre (Yvan Attal) pilote des porte-conteneurs. Personnage principal Pierre l'est à plus d'un titre. Il assure le lien entre ces deux lieux (celui de sa résidence et celui de son travail); il succombe dans un premier temps à la cécité générale; puis seul contre tous il est prêt à dire la vérité –il a vu, il a entendu, il entend encore les cris de la mourante qui taraudent son esprit- en endossant l'uniforme de pilote, il endosse du même coup sa responsabilité de témoin; enfin c'est à distance qu'il dirigera la scène de "reconstitution" (une des rares séquences particulièrement réussies du film …)

L'Andromède va accoster. La bande son (musique d'Arne Van Dongen), les plans et angles de vue variés sur le porte conteneur et les flots, les lumières dorées, tout concourt à exhausser cette scène d'ouverture à une dimension quasi mythique (et le choix du patronyme Andromède n'est pas anodin..). Scène d'autant plus forte qu'en un saisissant contraste elle va s'opposer à la suivante: avenue sombre et déserte (désertée?), dans l'entrée d'un immeuble, un corps de femme allongé, une flaque de sang …

 

 Certes Lucas Belvaux excelle dans le rendu de l'activité portuaire; pour exemple cette scène, où la caméra subjective adoptant le point de vue de Louise (la femme de Pierre) égarée dans le ballet des engins des élévateurs et des marchandises, donne à voir la peur panique qui s'empare du personnage.

Mais que dire des scènes d'appartement où un cloisonnement –certes allusion aux figures rectilignes de l'architecte Perret - sépare Louise (Sophie Quinton) et Pierre jusqu'au délitement de leur couple? De la présence récurrente –trop appuyée- de cet homme (plus ou moins fantomatique, il incarnerait la mauvaise conscience de Pierre)? De ces rideaux que l'on tire (métaphore de la cécité)? Que dire de cet enchevêtrement des différents "pouvoirs" (justice, presse, religion) esquissés sans être aboutis?

À force de vouloir tout mélanger le film en vient à phagocyter ce qui au départ relevait de la thématique de la "culpabilité"; en effet si le cinéaste s'inspire d'un fait divers, très vite il s'affranchit du roman de Didier Decoin, pour ne s'interroger que sur la (mauvaise) conscience des "témoins" -ce que le procureur Lacourt (Didier Sandre) exprime avec cynisme "Un témoin qui se tait est un salaud ; trente-huit, ça devient "monsieur tout le monde".

Autre bémol: certains personnages dont Anne (Natacha Régnier) et Pétrini (Patrick Descamps) manquent d'épaisseur…

 

Au final n'est-ce pas la ville du Havre, personnage à part entière, qui –une fois de plus- sort "grandie" voire magnifiée grâce à sa cinégénie??

 

Colette Lallement-Duchoze

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