7 janvier 2025 2 07 /01 /janvier /2025 04:27

De Margarida Cardoso (Portugal 2024)

 


avec Carloto Cotta (Dr. Afonso), Hoji Fortuna (Alphonse), Rúben Simões (Ismaël), Gonçalo Waddington (Raimundo), Sara Carinhas (Luisa), Romeu Runa (Augusto), João Pedro Bénard (Dr Figueira), Maria Do Céu Ribeiro (Adelia), Matamba Joaquim (Maianço), Cirila Bossuet (Guilhermina)

 

Sélection officielle au Festival international du film de Karlovy Vary, 2024

Prix Árvore da Vida du meilleur film portugais au Festival international du film indépendant, IndieLisboa, 2024
 

1907. Afonso, médecin, arrive sur l'île de Principe pour soigner les domestiques d'une plantation de cacao "infectés" par le Banzo, nostalgie des esclaves, qui meurent de faim et se suicident. Le groupe est confiné dans la forêt, où Afonso décide de les soigner en essayant de comprendre ce qui affecte leur âme. Réussira-t-il à les sauver ?

Banzo

Un homme au port altier fixe l’horizon ; son corps tout cartographié de tatouages et autres palimpsestes  soudainement s’écroule. C’est la scène inaugurale. Le bateau accoste. A  son bord le médecin Afonso, ami du trépassé, il est mandaté à la fois pour établir un rapport et (éventuellement)  guérir  (de)  cette « maladie » suspecte le banzo. Il vient du Congo belge …

Quel rôle soudainement soustrait à toute logique était dévolu au premier personnage ? On ne le saura pas…et ce ne sont pas les conversations autour de la table réservée aux VIP qui apporteront une quelconque réponse…Hormis peut-être cette phrase prononcée par la femme du gouverneur (ou propriétaire de la plantation de cacao) elle qui se réjouit de rentrer à Lisbonne Bientôt, cela fera une histoire. Et moi, je serai un personnage de cette histoire. C'est agréable, de devenir un personnage Oui les  personnages  c’est pour là-bas … dans des récits  ethno et  eurocentrés ; mais ici sur l’île Sao Tomé,  ce n’est que labeur sous la pluie diluvienne, sous le soleil cuisant, où l’on meurt de nostalgie!


Nous sommes en 1907. Et bien que l’esclavage soit officiellement aboli les conditions de travail, de vie (survie) imposées à ces Africains mozambicains sont tout simplement inhumaines. La réalisatrice dénonce ce colonialisme malsain (pour ne pas dire vénéneux) qui s’exerce sans vergogne dans un environnement qui enserre, oppresse; un univers qui peut tout autant griffer que caresser dans sa luxuriante diversité ; un univers fait de buées, de déluges, avec son immense forêt (un plan illustre l’engloutissement des travailleurs par et dans l’élément végétal,  effacement des  "invisibilisés" )

Nous ne voulons pas mourir : nous voulons rentrer chez nous telle sera la réponse au professeur (qu’on avait piégé en lui faisant croire que ces forçats étaient venus de leur plein gré) . 

Patiemment (trop lentement parfois et d’une lenteur qui se voudrait hypnotisante dans son esthétisme presque suranné alors que s’impose parallèlement une forme de naturalisme et/ou de réalisme...) la cinéaste analyse de l’intérieur  un système  "Cette dimension où les systèmes d’exploitation de la terre et des hommes détruisent et piègent clairement, physiquement et moralement, tous ceux qui y participent, volontairement ou involontairement." (ce sont ses propos)

Alphonse le photographe (un Noir) lui, peut revendiquer sa liberté  "je suis le seul homme libre"  (entendons vu le contexte il peut partir quand bon lui semble…)
 

On pourra peut-être déplorer une insistance complaisante (cf ce plan sur ces membres de corps morts mal enterrés, ces deux plans qui se succèdent avant de se confondre : un groupe s’affaire au premier plan alors qu’au second se profile la procession menant au tombeau, terre mère à la fois nourricière et mortifère ; une infirmerie surchargée de corps moribonds ; bureaucrates  blancs qui éructent des propos venimeux face au mutisme des opprimés) ou encore une fâcheuse tendance à la  "théâtralisation"  (cf  les déambulations calculées du professeur claudiquant….quand il arpente les différents espaces ; ou le récitatif du photographe)   N’empêche ...
 

La mort ? seule issue ?
Etres vivants ou morts, corps malmenés fouettés crucifiés, fantômes au hiératisme décomplexé, forces vives d’une nature sublime déchaînée ou muette, peut-on  "documenter la vérité sur cet endroit"  ? demande le médecin  au photographe. Le constat est amer  
A quoi bon ? le reste du monde n’y verra qu’un nègre de plus 

 

Mais le plan final .... serait-il porteur d'espoir ???

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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