de Mareike Engelhhardt, (France 2023)
avec Megan Northam, Lubna Azabal, Natacha Krief Léna Lauzemis Klara Wördemann, Maria Wördemann
Directrice de la photographie et monteuse : Agnès Godard
Musique originale composée par David Chalmin
Prix D’Ornano-Valenti au Festival du Film Américain de Deauville 2024
Prix du Public à Arte Mare Festival 2024
Festival de Sarlat, Prix du public, Prix du Jury jeunes et Prix de la meilleure interprétation féminine (Megan Northam)
Poussée par les promesses d'une nouvelle vie, Jessica, une Française de 19 ans, part pour la Syrie rejoindre Daech. Arrivée à Raqqa, elle intègre une maison de futures épouses de combattants et se retrouve vite prisonnière de Madame, la charismatique directrice qui tient les lieux d'une main de fer.
Ce film de l’aveu même de la cinéaste -dont c’est le premier long métrage- a exigé 8 années de travail : une documentation précise -interviews recueils de témoignages lectures diverses etc…de plus la thématique abordée était hérissée de difficultés ; montrer de l’intérieur le processus de « radicalisation » Car si l'on se fie au titre (prénom que l'on imposera au personnage principal) il s’agirait du parcours d’une jeune femme–aide soignante Jessica en a marre de « soigner la merde des autres » d’être invisibilisée, convertie à la religion musulmane elle « épouse » avec son amie l’utopie islamiste où Laïla sera la femme d’Akram et Jessica la seconde épouse. MAIS après maintes désillusions vécues comme autant d’uppercuts et non sans souffrances psychologiques et physiques elle deviendra elle-même bourreau…
Tel est bien le processus que le film est censé « analyser » :Jessica rebaptisée Rabia radicalisée acculée ou consentante ? masochisme ? compromission ?
Entendons nous bien il ne s’agit nullement de « critiquer » le point de vue adopté ni l’angle d’approche mais la façon dont ils sont mis en forme, en images
Voici un huis clos (celui d’une madafa syrienne) où l’on « enferme » où l’on bat où l’on trie et (re)dresse des femmes pour satisfaire les exigences des représentants d’un califat tout puissant (Daech); maison close, savamment compartimentée, gérée par une « marâtre » (admirablement interprétée par Lubna Azabal glaçante) préoccupée par « la rentabilité de son biseness » et par l’injection régulière de drogue…
Or ce qui nuit au propos c’est la surenchère (même si parfois la caméra cherche à capter des non-dits sur des visages filmés de près) : une musique trop illustrative, une violence complaisante (scènes de viol ou de flagellation qu’accentue la bande-son) des éructations, le choix de l’obscurité et de la noirceur (hormis quelques scènes très brèves en extérieur et si l’on fait abstraction du final…) comme gage d’authenticité ou de symbolisme (facile..) ? ainsi la privation de lumière comme manifeste de « l’aveuglement » ou symbole de l’enfermement (mental plus que physique)
Et ce à un point tel que l’immersion des un. es dans le glauque mortifère, ne saurait entraîner celle du spectateur et provoquer une quelconque adhésion Dès le prologue d’ailleurs la cinéaste avait évacué avec légèreté les motivations profondes et la mini séquence où une patiente, sangsue qui s’accroche au bras de Jessica, aurait un effet d’insistance annonciateur de?
Un film mise en garde ? Sonnette d'alarme ? (ce que confirmerait le générique de fin) certes mais où les « zones grises » de la « banalité du mal » resteront (doivent-elles le rester d’ailleurs?) « zones grises »
Colette Lallement-Duchoze