De Gilles Deroo et Marianne Pistone (France 2024)
avec Julien Nortier, Jade Laurencier, Michael Mormentyn, Dany Hermetz Thierry Zirnheld
Mathurin Milan, mis à l’hôpital de Charenton le 31 août 1707 : "Sa folie a toujours été de se cacher à sa famille, de mener à la campagne une vie obscure, d’avoir des procès, de prêter à usure et à fonds perdu, de promener son pauvre esprit dans des routes inconnues et de se croire capable des plus grands emplois."
Quel film !!
Plans fixes (la durée de certains risque d'irriter des spectateurs), minimalisme des dialogues (et quand certains personnages s'expriment nous entendons une voix de récitant, théâtrale, comme venue d’un ailleurs ..) plans conçus comme des tableaux (répartition des couleurs, de la lumière, de l’espace, position du personnage) lenteur des mouvements de groupe (défilés à l’instar de théories à l'antique) lenteur de tous les mouvements que les deux cinéastes ont pris soin de décomposer (hormis la fougue qui anime Mathurin après une première "libération" courant dans cette forêt tutélaire où il a précieusement et provisoirement enterré le bulbe qui va faire éclore la « tulipe ») etc.
Oui la comparaison avec Bresson est justifiée
Face à une immense porte (qui envahit tout l’écran) on entend une voix (celle Gilles Deroo ?) qui lit une archive de la Bastille 1707 concernant un certain Mathurin Milan (énoncé des chefs d’inculpation motivant l’enfermement) ; voix relayée par celle de Marianne Pistonne ( ?) lisant un extrait d’un ouvrage de Michel Foucault, « Dits et écrits »…fragment dont s’inspire le film, qui insiste sur l’émotion ressentie par le philosophe. Une émotion. Maître mot. Il présidera à l’illustration de ce qui fut considéré comme infâme…
Le procès va commencer...
Et voici restitués sous forme de « tableautins » des épisodes de la vie de Mathurin Milan. Ecran noir quand on passe de l’un à l’autre. Forêt, intérieurs de maison, taverne, tribunal, cloître/prison, cellules, costumes, coiffes et perruques, on est à la fois hic et nunc, à peine dépaysé. On aura reconnu l’infâmie au cœur d’un système où juges et notables -aux perruques mal ajustées- se comportent en scélérats. La folie de Mathurin? son anticonformisme Trahi par les siens, traqué par des "policiers" (à pied et à cheval) il va faire corps avec cette Nature Prodigue (panthéisme? animisme? ) à la fois naturans et naturata
On retiendra Magdeleine parlant à son troupeau, Magdeleine telle une pietà caressant un veau, Magdeleine pétrissant de la pâte entre ses cuisses nues, Mathurin contemplant un insecte sur son bras, le peintre qui exécute en quelques traits un portrait ô combien ressemblant ….alors que les remarques d’un chasseur accompagné de son chien -tout droit sorti d’un tableau de Carpaccio- en faisaient une icône chtonienne – Il (Mathurin) semble sortir du sol qui s’étale à ses pieds, et qui semble être le prolongement de son corps. Ils sont de la même couleur, de la même espèce, telluriques et silencieux. Mais quand il bougeait, il était souple et obligeant. Comme si le vent agissait sur lui
Colette Lallement-Duchoze