De Laura Luchetti (Italie 2023)
avec Yile Yara Vianello (Ginia) , Deva Cassel, (Amelia) Nicolas Maupas, Alessandro Piavani, Adrien Dewitte
Turin 1938. Ginia mène une vie sage entre son travail de couturière, l’appartement qu’elle partage avec son frère, débarqué comme elle de la campagne pour gagner leur vie en ville, et leur petit groupe d’amis. Un jour, elle rencontre Amelia, une jeune femme évoluant dans un univers tout à fait différent du sien. À son contact, sa vie commence à changer…
La bella estate, le bel été Un titre ironique ? quand des bribes du discours de Mussolini transpercent les cloisons quand les chemises « noires » par métonymie renvoient au fascisme ? Un bel été étincelant avant « l’obscurité de la guerre » ? Dans cette adaptation du roman de Cesare Pavese (1949) la réalisatrice va faire de cet été, léger chaud, insouciant, la matrice d’une émancipation Et de fait dominera une délicatesse lumineuse celle du visage sensuel de Ginia (Yile Yara Vianello), (filmé de près, alors qu'elle est assise dans le bus, il rappelle des peintures de la Renaissance italienne ou un mélange de diaphanéité et de corporéité) celle d’ambiances aux couleurs pastel ou mordorées, celle d’une nature qui offre bienveillante ses tapis de verdure aux jeunes pique-niqueurs. Le bel été? celui du désir inavoué puis assumé (il culmine dans l’étreinte des deux corps féminins- Ginia et Amelia- dansant sur une piste alors que la caméra zoome sur les lèvres qui lentement enserrent la languide sensualité)
Dans une Italie où la puissance du mâle ne saurait être remise en question (Ginia se doit de préparer les repas pour son frère, de travailler pour assurer l’intendance ; les dandys peintres bohême ont un rapport de dominant avec leur modèle) vibrer de tout son être pour une personne du même sexe a ce quelque chose d’inconvenant d’immoral mais que revendique et que vivra intensément Ginia (au point de perdre son emploi à cause de ses retards à répétition…) alors que le frère (étonnant Nicolas Maupas) incarne le traditionalisme de la ruralité
Et pourtant malgré une interprétation admirable (surtout celle de Yila Yara Vianello de loin supérieure à celle de Deva Cassel, fille de Vincent Cassel et Monica Bellucci) malgré le soin apporté aux lumières, malgré la subtile dialectique (habiller- c’est le métier de Ginia dont le talent de couturière est apprécié- déshabiller, se décorseter de tout ce qui entrave à la fois la frénésie du désir et la soumission à certains diktats) malgré l’importance accordée au passage à l’âge adulte qu’illustre entre autres la longue séquence de la défloraison , le film manque de tonicité, les costumes sont trop « bien repassés et portés » les discours fleurent un académisme suranné, la « reconstitution » d’un passé turinois est ou trop bien léchée ou simplement « scolaire » -et de ce fait La bella estate ne saurait nous transporter, nous habiter...
Colette Lallement-Duchoze