de Judith Kaufmann et de Georg Maas (Allemagne Autriche 2023)
avec Sabin Tambrea, Henriette Confurius Manuel Rubey
A l’été 1923, au bord de la Baltique, Franz Kafka fait la rencontre de Dora Diamant, jeune animatrice pour enfants dont il tombe éperdument amoureux. Le célèbre écrivain le sait, tout s’oppose à cette idylle : sa santé déclinante, son spleen chronique, la mainmise de son père sur sa vie. Mais auprès de la jeune femme, Franz retrouve le goût d’écrire et l’envie de profiter de chaque minute. Comme pour faire du temps qu’il lui reste un grand chef d’œuvre.
Si le film restitue la progression de la maladie (tuberculose) avec force détails et quelques démêlés avec la famille, la mise en scène est bien fade dans le traitement de la relation sentimentale (qui se contente à peu de frais du registre romantique), manquant d’audace elle reste très conventionnelle
Voyez ce premier plan d’une outrageante banalité, et il va « encoder» le film : la mer (Baltique) le mouvement à peine chorégraphié des herbes, un double bercement « conventionnel » et un cadrage classique (répartition dans l’espace) avant l’apparition d’une jeune femme.. Arrêt sur « image » :un ruban rouge qui volète (ce même plan sera repris en écho vers la fin, tel l’indice signifiant l’inévitable circularité …)
Couleurs pastel (souvent déclinées dans le vert amande) illusions spectrales quand le blanc envahit l’écran (Dora à la recherche de Franz au sanatorium )
Mais comble de l’insoutenable ou de l'ironie, la « création littéraire » est limitée à des balbutiements, des ânonnements très laconiques, à telle enseigne que ce film pourrait concerner n’importe quel dernier été (un thème crépusculaire) de n’importe quel malade tuberculeux (suffisamment nanti toutefois) du début du XX° siècle.
Or en vivant une passion amoureuse dont l’intensité ne peut être qu’exacerbée par la conscience d’une mort prochaine, Franz Kafka est censé être « métamorphosé » : n’avait-il pas retrouvé à la fois l’envie d’écrire et l’envie de profiter de chaque minute ? Comme pour faire du temps qu’il lui reste un grand chef d’œuvre. (cf le synopsis)
Hélas ce film (assez prétentieux au demeurant) ne montre pas une « passion dévorante » (attention ! le jeu de la talentueuse Henriette Confurius n’est pas en cause) ne rend pas compte des tourments intimes profonds ni de la création littéraire…Une mise en scène bien trop sage eu égard à la personnalité complexe de Franz Kafka
Mais…. on aura vu un Franz Kafka enfourcher une moto, éplucher des pommes de terre, on aura vu son intérêt croissant pour le Talmud, on aura vu des « appareils chirurgicaux » comme autant d’instruments de torture, on l’aura vu jouer aux échecs avec Max Brod et gagner … la partie (à charge de revanche dit l’ami « qui lui veut du bien »…)
Colette Lallement-Duchoze
Un livre doit être la hache qui fend la mer gelée en nous ; voilà ce que je crois
C'est ce qu'écrivait Kafka à Oskar Pollak en 1904