9 novembre 2024 6 09 /11 /novembre /2024 05:29

De Sean Baker (USA 2023)

 

Avec Mikey Madison ( Ani) Mark Eydelshteyn (Ivan) Youri Borissov (Igor) Vache Tovmasyan (Garnick) Paul Weissman (Nick) Karren Karagulian (Toros)

 

 

Palme d'Or Festival de Cannes 2024

Argument: Anora, jeune travailleuse du sexe de Brooklyn, se transforme en Cendrillon des temps modernes lorsqu'elle rencontre le fils d'un oligarque russe. Sans réfléchir, elle épouse avec enthousiasme son prince charmant, mais lorsque la nouvelle parvient en Russie, le conte de fées est vite menacé.

Anora

S’il est bien une constante dans la filmographie de Sean Baker c’est l’intérêt porté aux marginaux (rappelez-vous Tangerine, Le prince de Broadway ou encore Florida project) et la façon dont sa caméra épouse leurs parcours chaotiques, c’est aussi cette folle énergie qui habite chacun de ses protagonistes. Déterminée et fragile à la fois Anora rejoint la cohorte des autres personnages du panthéon du cinéaste


Anora ? Elle préfère Ani. Prostituée ? Non « stripteaseuse » Et pour incarner ce personnage survolté l’actrice talentueuse Mikey Madison par son jeu à fleur de peau et de braillements, par son corps aussi souple que la fluidité de la narration est très convaincante !


Le film obéit à un schéma narratif assez simple fondé sur la binarité. Après une sorte de prologue qui immerge le spectateur dans le quotidien des « travailleuses du sexe » -couleurs bleutées ondulations des fesses circulation de l’argent pour satisfaire une appétence sexuelle-, nous assistons à la genèse d’une union qu’un mariage (improbable) va sceller ; l’union Ani/Yvan ressemblerait elle à un « conte de fées ? En apparence seulement (des motivations plus triviales animent aussi ces deux jeunes partenaires) …Mariage et Faste …(le jeune homme est le fils d’un oligarque russe) Mais le rêve va s’écraser dans les considérations faites de « turpitudes » propres aux « grands » de ce monde (grands par leur puissance financière et leur conservatisme idéologique…) Deux longues séquences  d’anthologie : celle dans le huis clos de la maison avec ses cocasseries diverses, suivie d’une autre non moins étonnante : la course effrénée dans la nuit new yorkaise (rythme lumières milieux interlopes) est à « couper le souffle » (sens propre et figuré) ; le film se clôt sur un épilogue en forme  d'ouverture ( ?)


Si Sean Baker a déjà abordé le thème de la « prostitution » il l’inscrit ici dans la perspective d’un « conte »  en « faisant sortir » la stripteaseuse Anora hors de son milieu social, MAIS à l’inverse de Pretty Woman le rêve caressé et momentanément réalisé à grand renfort d’invraisemblances assumées, se heurte au bloc de l’immanence (ce qui justifie la binarité à la fois dans le jeu d’oppositions et dans la structure narrative) Construction et déconstruction ; rêve et réalité ; transcendance et immanence. 
 

Au statisme apparent (Ani est bâillonnée recroquevillée sur le canapé) s’oppose un bouillonnement intérieur et la disparité entre Toros (ce religieux mafieux payé par le couple milliardaire russe pour canaliser les emportements de leur fils) et ses deux sbires (aux allures comiques de personnages de BD) fait basculer le « faux » drame dans une comédie de pacotille  …HORMIS le fait que l’acharnement des trois, en soi assez comique avec ses rebondissements et/ou sa répétitivité et les problèmes de communication liés à la barrière de la langue, dit l’impossibilité de l’effacement : on ne DOIT PAS pactiser avec les « classes dites laborieuses » 
 

La toute dernière séquence ne peut-elle se donner à lire comme les prémices d’un nouveau conte ?  Celui du  triomphe de l’émotion (jusque-là jugulée par les convenances ou contenue par la pudeur) Une ouverture palpable dans l’enserrement même de l’étreinte …. Igor/Ani
Et la neige floconneuse s’en vient saluer un cœur mis à nu..

 

Certes on peut déplorer des longueurs, des « effets » d’insistance « faciles », de même souligner la superficialité du scénario, mais Anora n’en reste pas moins un film à VOIR que je vous recommande (même si personnellement j’ai préféré Prince de Broadway

 

Colette Lallement-Duchoze
 

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