D'Isabel Coixtet (Espagne 2023)
avec Lala Costa (Natalia) Hovik Keuchkerian (Andreas) Hugo Silva (Peter)
Argument: Natalia, la trentaine, se retire dans un village de la campagne espagnole pour échapper à un quotidien stressant. Elle se heurte à la méfiance des habitants, se lie d’amitié avec un chien, et accepte une troublante proposition de son voisin..
Ici, tout le monde sait tout sur tout le monde
Elle lui donne des fruits, il lui pose des briques
Le film s’ouvre sur des cadrages assez surprenants : alors qu’on entend presque simultanément une langue, -un dialecte ? et sa traduction, voici en très gros plan le visage de la victime des atrocités rapportées et celui de celle qui enregistre et quand le témoignage est insoutenable c’est un zoom sur les lèvres de la plaignante ….Ou voici les deux visages dans le même cadre dont l’étroitesse (format carré) accentue l’enfermement. Natalia est précisément celle qui traduit et enregistre l’innommable… dans un centre de réfugiés Un prologue qui encode(rait) le film ?
En rupture avec ce métier, Nat -la citadine- s’isole dans un hameau La Escapa (toponyme ironique ??) dont l’aridité environnante (récurrence du plan sur ces falaises habitées d’ailleurs par d’étranges légendes sur les vautours) va être en harmonie -tout en l’accentuant- avec l’hostilité des " humains" (un proprio intraitable, un voisin prétendu artiste imbu de lui-même, un couple binational bizarre dont le mari "mate" la jeune femme, ,) Nat l’étrange étrangère ! Nat seule avec ce chien (gueule couturée de cicatrices) que lui a "refilé" le proprio, un chien hermaphrodite de surcroît constatera la véto…Chien qu’elle va apprivoiser et dont elle "s’éprend" ? Nat robuste et fragile tout à la fois doit refaire la toiture de cette masure et Andreas le maraîcher dit l’Allemand -lui-même plus ou moins mis au ban du village - lui propose ce contrat étrange " je te refais ton toit si je peux entrer en toi"
A partir de l’acceptation, (consentement) les "jugements" du spectateur vont diverger… Ou on met l’accent sur la toute-puissance de "l’animalité" dans la relation Nat/Andreas et on sera gêné par les "relents" (sens propre et figuré) de machisme qu’on clouera au pilori ou on "insistera" sur le portrait d’une femme seule en quête de soi, de son désir. Quoi qu’il en soit n’est-ce pas un des propos du film que de dénoncer la violence bestiale des êtres, leur impossible rencontre? –corroborant l’enseignement du prologue et justifiant la comparaison avec As Bestas As bestas - Le blog de cinexpressions Ce que confirmerait cette façon de filmer les rapports sexuels entre le colosse adipeux Andreas brut de décoffrage et la fragile Nat, de faire entendre le rugissement du mâle qui jouit .-Ce qu’illustrerait aussi le double abandon : Nat " larguée" par celui qui s’est contenté d’un rapport quasi animal, encore que… Nat contrainte de "quitter" un village qui l’encerclait de sa méfiance…Mais c’est sans compter sur la scène finale où la "danse", les caresses prodiguées au chien, le sourire (métaphore de l’évasion ?) chantent une rupture et une reconquête (rupture avec une aliénation, prémices d’une aube nouvelle ?)
Regards peurs insultes, environnement austère, osmose avec un chien/ alter ego, corps qui exultent dans l’exaltation du désir assouvi et cette musique qui à intervalles réguliers s’en vient cisailler l’être dans sa chair. Oui un amor est un film étonnant âpre et lumineux, et -osons l’épithète- "subversif". Il entraînera le spectateur sur de « fausses pistes » dans une suite de « quiproquos » ne comblera pas ses attentes, ne répondra pas à ses questionnements…..Et pourtant !!
Un amor, un film à ne pas rater !!
Colette Lallement-Duchoze