De Nora Fingscheidt, (Royaume-Uni, Allemagne, Espagne 2024)
avec Saoirse Ronan, Paapa Essiedu, Stephen Dillane
Argument: Rona, bientôt la trentaine, brûle sa vie dans les excès et se perd dans les nuits londoniennes. Après l’échec de son couple et pour faire face à ses addictions, elle trouve refuge dans les Orcades, ces îles du nord de l’Écosse où elle a grandi. Au contact de sa famille et des habitants de l’archipel, les souvenirs d’enfance reviennent et se mêlent, jusqu ‘à s'y confondre, avec ceux de ses virées urbaines. C’est là, dans cette nature sauvage qui la traverse, qu’elle trouvera un nouveau souffle, fragile mais chaque jour plus puissant.
Adapter le récit éponyme d’Amy Liptrot qui entremêle l’évocation des nuits de biture à Londres et la rude épreuve d’une sortie de l’addiction par l’isolement volontaire au large de l’Ecosse, sur l’île Papay, c’est le pari de Nora Fingscheidt
Comment rendre compte de cette "lutte intérieure" qui a tant ému la réalisatrice? Grâce à un montage kaléidoscopique, l’image par ses soubresauts (caméra à l'épaule virevoltante) et dans sa matérialité même doit « incarner » l’intériorité. Et poreuse sera souvent la limite entre environnements, temporalités et matière grâce à un jeu de superpositions. (au tout début par exemple: le baiser et ... l'immersion, alors qu'une voix off conte une légende!)
Etre dans la tête de Rona c’est être ballotté d’un souvenir à l’autre, souvenir auquel se confronte l’observation du présent…(ou l’inverse, ou successivement). Ainsi les allers et retours entre le présent et un passé fracturé émietté illustrent un esprit bouillonnant ( le jeu de l’actrice est époustouflant…) : Un événement ? d’abord un flash et le même va revenir à intervalles réguliers mais amplifié de nouveaux éléments informatifs -Récurrence et ressassement.
Se débattre avec des petits boulots au présent, et quasi simultanément se débattre avec les souvenirs de ces nuits londoniennes ces bitures ces rencontres plus que douteuses ces tabassages mais aussi avec des traumas qui remontent à la petite enfance …une mère « religieuse » presque sectaire, un père bipolaire !
Et les éléments naturels (la beauté « sauvage » des Orcades) vont participer à ces bouleversements intérieurs. Un déchaînement (eau vent) dans la solitude que s’est imposée Rona, en écho au déchaînement de tous les sens qu’elle avait orchestré… Avant que la « nature » apaisée où les caresses vont succéder aux lames corrosives, ne scelle de nouvelles épousailles qu’accompagne une musique…nouvelle elle aussi en la présence d’un roi caille, espèce rare et secrète d’oiseau ; une présence -épiphanique ? cathartique ? -qui aura relayé ( ?) le cortège des légendes sur lesquelles s’ouvrait le film …
Certes the outrun est un film sur la dépendance alcoolique et sur le processus de rétablissement, « un voyage à part entière, qui avance au jour le jour ». Certes l’actrice Saoirse Ronan qui le porte de bout en bout est étonnante, incandescente et son jeu magistral
Mais la stylisation abusive -si elle déroute (après tout pourquoi pas) n'en est pas moins déplaisante (souvent complaisante elle nuit au propos et ne saurait entraîner l'adhésion du spectateur) A l’inverse de Benni Benni - Le blog de cinexpressions
Colette Lallement-Duchoze