De Gilles Lellouche (2023)
avec Adèle Exarchopoulos, François Civil, Mallory Wanecque, Malik Frikah Alain Chabat, Benoît Poelvoorde, Vincent Lacoste, Elodie Bouchez, Karim Leklou, Jean Pascal Zadi
Compétition Officielle Festival de Cannes 2024
argument: Les années 80, dans le nord de la France. Jackie et Clotaire grandissent entre les bancs du lycée et les docks du port. Elle étudie, il traîne. Et puis leurs destins se croisent et c'est l'amour fou. La vie s'efforcera de les séparer mais rien n'y fait, ces deux-là sont comme les deux ventricules du même cœur...
Composé de deux parties le film est censé explorer la genèse et l’accomplissement d’une passion amoureuse qui défie tous les "attendus ": deux enfants évoluant dans deux milieux sociaux opposés (filmés en montage alterné et/ou parallèle; ici les « trucages » cosmétiques sur Alain Chabat ou Elodie Bouchez feront ricaner); deux adolescents dissemblables mais dont le regard (zooms puis infographie…sur l’organe musculaire qu’est le cœur) va tout faire exploser …(les deux interprètes sont étonnants de fraîcheur et de véracité surtout Malik Frikah), deux "cursus" dissemblables, (Clotaire, accusé d'un crime qu'il n' a pas commis est incarcéré , Jackie se marie "sans conviction") deux adultes toujours en quête l’un de l’autre malgré tous les malgré. Une playlist éclectique et variée (The Cure dont le morceau A Forest), Deep Purple, Daft Punk, mais aussi la chanson d’Yves Simon…)
Or puisque "Bien c’est pas suffisant" (Jackie à son mari) Gilles Lellouche a misé sur l’excès, le paroxysme
Ouf ! sera le soupir de soulagement après 2h46 dont plus des deux tiers marqués du sceau de l’hubris…
Passons outre les références (revendiquées assumées) à Tarantino, Scorcèse, West Side Story …
Quelle surenchère dans le traitement ; tout est exagéré ! « trop » de ….travellings circulaires et latéraux, ralentis, split-screen (avec coexistence de deux temporalités ou concomitance de propos en écho ou encore larmes synchro) des lumières trop irréalistes, trop de mouvements de caméras virevoltantes, à l’endroit, à l’envers, trop d’images criardes, trop de longueurs et d'inutiles insistances … On a la fâcheuse impression que ce film (adapté d’un roman irlandais et transposé dans les Hauts de France) se doit d’épuiser tous les champs du possible cinématographique tout en mélangeant les genres (romance, thriller, comédie…musicale). Trop de facilités -scénaristiques et autres- dans un film constamment survolté. Et même l’environnement si cher à Gilles Lellouche (la ville portuaire de Dunkerque dont l’usine filmée en frontal impose une stature couleur brique mordorée), ne saurait décliner âpreté, rudesse, ni se métamorphoser en théâtre de la passion sinon toxique du moins orageuse Tout cela se répercute sur le jeu des acteurs, surtout dans la seconde partie où François Civil n’est pas toujours convaincant, où Poelvorde est trop caricatural …où même Adèle Exarchopoulos est par moments décevante …
Le ton est donné dès le prologue assez « spectaculaire » : choix de déroulés chorégraphiés même sans pas de danse (au « ballet » des «hommes/ bandits » répond celui de voitures dans un tunnel) choix d’un rythme trépidant dans une ambiance bleutée choix d’une bande-son vrombissante, fracas de métal, de coups de feu ; en extérieur une femme (Adèle Exarchopoulos) tente de téléphoner d’une cabine…mais le chauffeur et commanditaire du braquage (François Civil) ne répond pas…Explosions et sang…la mort à portée des flaques. Une symphonie du massacre… La même séquence sera reprise MAIS avec une issue plus moralisante…ah les sortilèges de l’amour ouf ! Le prologue n’était donc qu’un « artifice d’intrigue »…
L’amour ouf ou la voracité à la mesure d’ailleurs du budget …pharaonique (plus de 35 millions d’euros…)
On pourra toujours objecter que la démesure -traitée ici comme un feu d’artifice pétaradant - correspond à tout ce qui est paroxystique en Amour comme dans la quintessence du cinéma, peut-être. Mais la surenchère -à presque chaque instant aura vite fait de terrasser et ensevelir ces partis pris, projet !
Colette Lallement-Duchoze