De Clint Eastwood (USA 2023)
Avec Nicholas Hoult (Justin Kemp) , Toni Collette, Zoey Deutch Gabriel Basso Kiefer Sutherland JK Simmons
Argument Alors qu'un homme se retrouve juré d'un procès pour meurtre, il découvre qu'il est à l'origine de cet acte criminel. Il se retrouve face à un dilemme moral, entre se protéger ou se livrer.
la vérité n'est pas toujours juste;
la justice juge bien des faits et non la vérité
(paroles de jurés)
Un gros plan sur le visage de Thémis, déesse de la justice les yeux bandés et sur les deux plateaux de la balance, c'est l'ouverture du film ; une telle entrée en matière, déjà signifiante, va se lester d’autres signifiés quand dans la séquence suivante on voit une femme les yeux bandés, enceinte, guidée par la main protectrice de son époux… elle va "découvrir" la chambre du futur bébé …chambre que le père formidable (tu es parfait!) a minutieusement préparée. Thématique du regard ? Cécité aveuglement ? Vérité qui crève les yeux ? Au sein d’une famille nucléaire américaine… .Famille dont le lissé propret masque en fait quelques craquelures....
Soucieux de l’avenir de sa famille, de la santé de son épouse, Justin Kemp souhaite être récusé comme juré (ma femme est enceinte, une grossesse à risque, je veux être à ses côtés…) ; arguments refusés : il sera le "Juré n° 2" …
Les faits ? Un homme est accusé du meurtre de sa compagne suite à une violente altercation, lui James Sythe dealeur imbibé d’alcool est le coupable idéal !! sauf que…le juré n°2 non seulement était présent dans le bar au moment de la dispute mais aurait "malencontreusement écrasé" la femme en fuite - persuadé jusqu’alors qu’il s’agissait d’un cerf…éventualité confirmée par le panneau de signalisation plusieurs fois montré en gros plan (reconstitutions mentales en flash back telles de fracassantes réminiscences) Ses pleurs (on comprendra les causes de son inquiétude ce jour-là...) mêlées au ruissellement de la pluie gênent sa vision de chauffeur, le regard furtif sur la photo de l’épouse qui l’accompagne dans l’habitacle, une seconde d’inattention et vacarme des freins….
Un Juré (le n°2) nommé à un procès de son ....propre crime....
L’enjeu du film est d’entraîner le spectateur dans les méandres assez retors d’une conscience. Taraudé par un dilemme (dire la vérité mais ce serait sacrifier famille et avenir, ou laisser accuser un innocent mais ce serait contrevenir aux fondamentaux de la justice; intérêts personnels vs intérêts collectifs), Justin Kemp "manœuvre" ; à la fois contre les jurés persuadés ( ?) de la culpabilité de l’accusé, (mais s'il était injustement accusé, laissons lui une chance...) et contre tous les soupçons qui engagent sa responsabilité, quitte à être démasqué... On lit dans le regard et sur le visage de l'acteur Nicholas Hoult la déchirure qui habite et lacère le personnage. Sa démarche parfois "potache" (se planquer pour une « contre-enquête ») peut être machiavélique (laisser tomber la liasse de documents fournis par un juré complice, convaincu de l’innocence de l’accusé, juré qui d'ailleurs sera …renvoyé…)
Et ce procès que certains souhaitent "bâcler" ou "utiliser" (la procureure corsetée dans son tailleur comme dans ses certitudes, en fait un tremplin pour sa carrière d'élue politique) va s’éterniser …jusqu’au triomphe d’une certaine vision du mal et du bien…
Mais la mise en scène de cette énième méditation sur la justice est bien trop classique et par moments osons l’épithète mollassonne. L’alternance entre scènes de prétoire, scènes de "reconstitution" du drame, par flashbacks, scènes d’intérieur, si elle crée un certain tempo n’a absolument rien d’original (même dans les films dits de procès) il en va de même pour cette progression/tension dont les étapes scandent la narration !!
Une "tempête sous un crâne", un face à face permanent avec soi-même, avec les autres, avec une société dont on prétend défendre les "valeurs", auraient mérité (à mon humble avis !) un autre traitement
Restera gravé cependant le dernier plan où un champ contre champ oppose deux visages glacés de silence ….complice …et ….réprobateur
Colette Lallement-Duchoze