d'Hasan Guerrar (France 2023)
avec Sofiane Zermani, Khalil Gharbia, Khaled Benaïssa, Adila Bendimerad, Eye Haïdara et Clotilde Courau
Malek, la quarantaine, célibataire, vient d'emménager à Montmartre et accueille bientôt chez lui son neveu Ryiad, fraîchement arrivé d'Algérie. Ensemble, ils découvrent Barbès, le quartier de la communauté algérienne, très vivant malgré la crise sanitaire en cours. Ses rencontres avec les figures locales vont permettre à Malek de retrouver une part de lui qu'il avait enfouie, de renouer avec ses origines et de commencer à faire le deuil de ses disparus.
Le film s’ouvre sur un très gros plan -un visage- puis zoom sur un regard (celui de Malek) et comme en reflet ce sera d’emblée un regard chaleureux porté sur le quartier de Barbès, quartier que Malek arpente d’un pas décidé. Etonné par des visages tuméfiés, par ces corps à demi nus dans une laverie, cette course poursuite flics/jeunes? Le film évitera les pièges clivants, les clichés et le manichéisme. Il va brosser en un melting-pot réaliste -aux accents de documentaire parfois- le quotidien des habitants pendant le confinement. Un quotidien où cohabitent différentes générations d’origines différentes, où co-existent violences solidarité, débrouillardise (incarnée par Préfecture) où« tout se vend et tout s’achète », où les mises en garde d’Hadria la patronne du bar, sont parfois comminatoires
Barbès little Algérie : une chronique estivale ?. Nous sommes en pleine pandémie : le port du masque est obligatoire, les rues si grouillantes de vie sont désertes car désertées -ce qu’expliquera Malek à son neveu Ryiad « fraîchement arrivé d’Algérie » qu’il hébergera et dont il facilitera l’accès au « savoir universitaire ». En parallèle une association propose une aide alimentaire dans une …église -la crise sanitaire ayant accentué les inégalités et Malek, l’informaticien, s’intègre au groupe de bénévoles…
Bref un film animé par une incroyable énergie narrative, une étonnante pulsion de vie malgré les tiraillements et les jalousies de « clans » …malgré l'intrigue "fictionnelle" – un déraillement tragique- qui verra cette « pulsion » momentanément anéantie pour de « sordides raisons » !!!
Mais, et c’est un des enjeux du film on devine une forme de déshérence, larvée…Elle habite les silences, s’illustre dans une scène teintée d’onirisme ou de fantastique (Malek s’imagine face à sa mère, réprobateur…); Malek le taiseux est confronté à « ses démons intérieurs » , une blessure qui ne dit pas son nom Le film est d’ailleurs dédié aux bi-nationaux dont le réalisateur lui-même !! et ce n’est pas pur hasard s’il se clôt sur le poème de Mahmoud Darwich A ma mère
On l’aura compris. Voilà un film où la narration, faite de rebondissements, servie par une incroyable faconde, par une musique qui fait la part belle aux artistes algériens mais aussi aux classiques de la chanson française, explore une complexité sociale et œuvre pour un vivre ensemble loin de certains ….relents… racistes, fascistes.
A ne pas manquer !
Colette Lallement-Duchoze