De Frederico Luis (Argentine 2023)
avec Lorenzo Ferro ,Kiara Supini, Pehuen Pedre , Laura Nevole (la mère de Simon)
Grand Prix de la Semaine de la Critique Cannes 2024
Argument: Simon a 21 ans. Il se présente comme aide-déménageur. Il dit ne pas savoir cuisiner ni nettoyer une salle de bains, mais en revanche il sait faire un lit. Depuis quelque temps, il semble devenir quelqu'un d'autre
Un film pour le moins déroutant voire pervers.( ?) Le cinéaste ayant choisi de ne donner aucune explication, de procéder par ellipses, (alors que parfois il force le trait alourdit inutilement le fil narratif insiste presque avec indécence sur certains aspects) c’est au spectateur de remplir les interstices de combler les béances de se questionner et au final de rester dans l’incertitude. Pourquoi Simon mime-t-il une pathologie? opportunisme (allocation et passe-droits) ? malaise existentiel - douloureuse conscience d’une inadéquation foncière entre ce qu’il croit être , ce qu’il aspire à devenir et ce qu’il vit au quotidien? désir d'Intégrer l’univers de ses « potes » insouciants et si vivants malgré (ou à cause de ) leur handicap cognitif ? perversité malsaine ?
Dès le prologue on peut se sentir frustré. Voici une séquence filmée en extérieur dans la montagne de la Cordillère des Andes. Le groupe de randonneurs s’est perdu, vent violent assourdissant, brume, absence de réseau ; les personnages tels des fantômes agglutinés et/séparés mains levées conscients de la tragédie, être engloutis à jamais, ont foi en Simon (qui les a rencontrés …par hasard…) il gravit le mausolée afin de capter un réseau et appeler le secours…peine perdue…le portable a rejoint l’abîme !
Le titre suggérait un lien étroit voire interdépendant entre le personnage et la montagne. Un prologue à valeur épiphanique ? Révélation de soi à soi, grâce à la montagne et au groupe, dans un mouvement ascensionnel ? Une séquence censée illustrer une circulation des regards ? (une même "circulation" prévaudra dans les scènes à la piscine, au vestiaire, sur le plateau de théâtre) émanant d’un seul corps ??
Grâce à l’excellence du jeu de l’acteur Lorenzo Ferro, et à ces gros plans sur son visage, (la caméra portée accentue les effets d’enfermement et d’oppression) on imagine aisément que Simon « incarnerait » une forme de « monstruosité » (regards hagards, balancements de la tête, rictus) avec des nuances ou des variantes selon l’interlocuteur … tout cela amplifié par la bande son, elle-même dépendante de cet amplificateur auditif à l’oreille ; et la scène où Colo qu’il a sauvée d’une noyade le menace de dévoiler la supercherie s’il n’a pas de rapport sexuel avec elle, illustre les deux aspects du personnage (samaritain mais… horrifié par l’altérité) et parallèlement les deux tendances du film (perversité et empathie). La scène ultime fera écho à la scène inaugurale celle d’un face à face Simon /responsable social pour l’obtention… d’un formulaire de handicapé…
Par ailleurs on ne saurait reprocher au cinéaste de porter un regard nouveau sur le handicap (loin de tous ces clichés qui fleurent la mauvaise foi) et la distorsion, si récurrente, le cinéaste la met au service d’une approche moins clivante en l’intégrant aux univers dits « normaux » (la violence du milieu familial de Simon opposée à la sollicitude du père de Colo) Frederico Luis, lui-même semble habité par cet élan d’humanité qu’il filme auprès de (et si près de) Kati Colo Péhuen .qui interprètent leur propre rôle!
Simon de la montana est aussi (surtout) un film sur l’adolescence (au moment des premiers amours et des désirs avoués et/ou frustrés)
Impression mitigée
Colette Lallement-Duchoze