De Céline Sallette (2023)
avec Charlotte Le Bon, (Niki) Judith Chemla (Eva Aeppli) John Robinson (Harry) Damien Bonnard (Jean Tinguely) Radu Mihaileanu (Brancusi) Jesse Guttridge (Jean-Pierre Reynaud ) Eric Pucheau (Dufrêne) Hugo Brunswick (Arman) Maxime Saint-Jean (Jean-Paul Riopelle) Romain Sandère Hugues Weiss
Festival de Cannes 2024 Un certain regard
en avant-première à l'Omnia vendredi 6 septembre en présence de la réalisatrice
Argument: Paris 1952, Niki s'est installée en France avec son mari et sa fille loin d'une Amérique et d'une famille étouffantes. Mais malgré la distance, Niki se voit régulièrement ébranlée par des réminiscences de son enfance qui envahissent ses pensées. Depuis l'enfer qu'elle va découvrir, Niki trouvera dans l'art une arme pour se libérer.
Un format 4,3 (enfermement), le recours aux split screen, (dissociation) le jeu sur les couleurs et les lumières, les titres à la « franc-tireuse » qui jalonnent les étapes, un tempo qui épouse tous les battements de cœur,, de la Vie de la Douleur de Niki, autant de procédés au service d’une approche à la fois frontale immersive et délicate de la plasticienne Niki de Saint-Phalle de 1952 à 1960 (une Niki admirablement interprétée par la talentueuse Charlotte Le Bon)
Un visage à la blancheur quasi spectrale enfermé dans le cadre 4,3 une voix masculine hors champ impose de légers mouvements des yeux, c'est le plan d'ouverture. Elle c'est Niki. Mannequin, elle pose pour la revue Vogue ! Mais… Mais voici qu’une ampoule éclate. Panne de lumière, panique ; l’écran lumineux s’assombrit !
Un prologue qui encoderait le film ? En tout cas le « partage /dissociation» n’est -il pas le prélude au split screen, procédé assez récurrent (surtout quand ressurgit le passé, le trauma) et à la dialectique ombre et lumière, au tiraillement qui écartèle la jeune femme. Jusqu’à sa résolution; le dernier plan d'ailleurs fait écho au tout premier (à l’image lisse mais figée, s’est substitué le visage rayonnant de celle qui vient de couper ses cheveux de façon anarchique : Niki s’est libérée de ses emprises. Niki peut devenir enfin ce qu’elle est .... Grâce à l'art!!
C'est le parcours auquel nous convie Céline Sallette dans son premier long métrage qui mêle la fureur et la douceur, le tragique (les couteaux amoncelés sous le matelas, la folie dévastatrice et ses non moins dévastatrices thérapies) et l’humour (à un amant dégoûté par ses menstrues elle répond « je croyais que tu aimais la couleur »)
S’il n’est pas un « biopic » il pèche parfois dans ses tentatives de « reconstitution » historique ou autre : on célèbre en extérieur la création du mouvement pictural les « nouveaux réalistes » (et ils sont tous présents Arman, Brancusi, JP Raynaud, Tinguely, Dufrêne…) mais que le discours d’intronisation fleure la leçon bien apprise ! La confrontation présent/passé, à cause du format 4,3 divisé par le split screen, est traitée à la façon de vignettes (comme si on « lissait » certaines aspérités ??) Or dans le premier le père n’était-il pas censé « avaler » moins sa nourriture, que l’enfant comme l’Ugolin de Dante ou le Saturne de Goya, métaphore de l’inceste pour la réalisatrice ???). D’autres split screen rappellent plus les écrans divisés des programmes télévisés que la « trouvaille » esthétique, narrative ou dramatique ; le jeu entre Tinguely et Niki qui se cherchent sans (encore) se trouver vire à la caricature, le passage d’une missive (capitale pour Niki qui souffre d’amnésie traumatique) grâce à ces mains qui se touchent par-delà les temporalités et les lieux différent.es, se contente de niveler les raccords et de réduire les deux temporalités à une seule
Autant le personnage d’Eva Aeppli (Judith Chemla) est convaincant autant celui de son mari Jean Tinguely (Damien Bonnard) peine …à s’affirmer même quand il énonce le primat de la gratuité dans l’acte créateur sur toute autre considération (à moins que ce ne soit antiphrastique) …
Mais ce ne sont là que de légers bémols….
Un film où vous ne verrez aucune œuvre (photographie, reproduction) Certes les ayants droit s'y sont opposés, mais comme, l’affirmait enjouée Céline Sallette lors de l’avant-première (vendredi 6 septembre) « de toute façon le sujet du film c’est comment l’art la transforme et non ce qu’elle produit »
Un film à voir !
Colette Lallement-Duchoze