Documentaire réalisé par Frédérick Wiseman (USA 1970) version restaurée
1970, le film a gagné deux Emmy Awards pour le meilleur film documentaire et le meilleur réalisateur
sélectionné en 1994 par le National Film Preservation Board pour conservation à la Bibliothèque du Congrès aux États-Unis dans le National Film Registry
Sélectionné en 2016 au festival de Cannes (Cannes classics)
"il était une fois l'Amérique"
argument: 1970. Jour et nuit, le service des Urgences du Metropolitan Hospital de New York voit arriver de nouveaux patients. Cardiaques, diabétiques, cancéreux, alcooliques, drogués, accidentés, les malades défilent entre les mains des médecins, des infirmières ou des psychiatres. Il leur faut tous ensemble affronter les règlements, la disponibilité des ressources et les contraintes d’organisation, qui décident souvent de la nature des soins. »
i don’t want to die répète tremblant et apeuré cet homme (jeune) victime d’un « bad trip » ; un lavage d’estomac va le remettre sur pied, entretemps le sol aura été maculé par son vomi ! Une « tranche de vie » parmi tant d’autres ! La scène inaugurale au bloc opératoire ne lassait-elle pas émerger le concept de « tranche » ? à l’instant précis où le scalpel ouvre la chair du patient (filmé en gros plan) la séquence est « coupée » …de même qu'elle plongeait le spectateur "in media res" (tel l'incipit de certains romans)
Comme dans law and order Frédérick Wiseman livre ainsi sous forme de « vignettes » ou de tableautins des lambeaux de vie ; ici c’est le corps malade qui en porte les stigmates…Corps déchiré lacéré par la drogue la précarité l’alcool la maladie le cancer ; lambeaux de vie restitués dans un enchaînement d’images -aux multiples angles de vue et aux plans variés. Une telle immersion dans le quotidien d’un hôpital a-t-elle pour finalité de heurter le spectateur, l’apitoyer, le responsabiliser ? Certes hormis quelques confidences ou infos extorquées grâce aux habiles ou nécessaires questions du soignant, on ne saura quasiment rien des relations extérieures du patient, ou des circonstances les ayant conduits à ces « urgences » -et le plan final - flot de voitures filmé en extérieur- semble opposer l’enfermement (mortifère ?) dans lequel le documentariste nous a plongé.es et le flux de la vie « normale »( ?)
Détresse humaine, certes mais aussi réunions de travail, avis d’experts, constats positifs ou négatifs (sur les disponibilités en équipements, médicaments, sur les prévisions etc…) et qui vont immanquablement « conditionner » la stratégie dite d’urgence !!!
Observer, ne pas intervenir, mettre en évidence le professionnalisme du corps soignant et simultanément les failles du système de soins (le long entretien téléphonique du psychiatre -en charge d’un transsexuel schizo- avec Miss Hightower de l’Aide sociale, en dit long sur ce double aspect de la médecine « prévention et thérapie »; la femme consciente du coût qu’exigerait un traitement tous azimuts, consciente aussi de ses faibles moyens financiers conclut "bien sûr, personne ne souhaite être aidé par l'État…) tel est bien un des aspects de la démarche de F Wiseman
Il ne « construit » pas des « types sociaux » ceux-ci préexistaient ! Oui ce sont bien les plus démunis qui fréquentent cet hôpital ; et cet immense lieu dispensateur de soins, devient comme le microcosme d’une Amérique où la « condition sociale » se donne à voir, à lire dans le Corps…(du) malade…
A ne pas rater
Colette Lallement-Duchoze