d'Astrid Rondero et Fernanda Valadez (Mexique, 2023)
avec Juan Jesús Varela, Yadira Pérez, Karla Garrido Sandra Lorenzano
Prix Sundance 2024
Argument: Josué, sicario – tueur à gages – d’une petite ville mexicaine, est assassiné, payant ainsi de sa vie une dette contractée envers le cartel local. Son fils de quatre ans, Sujo – nommé ainsi en référence à un cheval – se retrouve orphelin et en péril. Contrainte de le recueillir, sa tante décide de l’élever à la campagne, à l’écart des dangers de la ville. Mais à chaque étape de sa vie, Sujo semble poursuivi par l'ombre de la violence, comme si le destin de son père devait se confondre avec le sien...
Le Mexique, ses cartels ses caïds la corruption la mort, un « contexte » qui s’apparenterait à celui d’Emilia Perez MAIS avec des dissemblances si évidentes qu’il y a comme un abyme entre les "fantasmes suscités par le narcotrafic" et l’approche sociale et politique des deux femmes Astrid Rondero et Fernanda Valadez qui s’interrogent sur les victimes collatérales et particulièrement les enfants de sicaire…(homme de main chargé de tuer pour les cartels de la drogue) . A travers le « portrait » de Sujo c’est celui de milliers d’enfants qui au Mexique perdent leurs parents à cause de la violence des cartels de la drogue
Structuré en 4 chapitres à l’instar des romans d’apprentissage le film nous invite à adopter le point de vue de Sujo depuis cet instant (il a 4 ans) où tapi dans la voiture il appelle en vain son père, un sicaire, tué par un gang jusque sur les bancs de l’Université de Mexico où sous l’égide de sa professeure il parviendra à se débarrasser ‘définitivement ( ?) d’un lourd héritage. Car il s’agit bien d’un questionnement sur le déterminisme, sur l’atavisme -si l’on se réfère au titre ; lui Sujo fils de Josué serait-il " condamné" à perpétuer la sauvagerie des sicaires ?
Ecartelé entre des forces contradictoires, victime -malgré lui- de résurgences du passé, Sujo part à la conquête de soi. Deux figures tutélaires féminines la tante Nemesia (Yadira Pérez) et la professeure d’université Susan (Sandra Lorenzano) vont l’aider dans son "apprentissage" cette "quête de soi" …L’orphelin (mère morte en couches père tué) aura trouvé en elles des figures de substitution protectrices mais aussi une réponse à son tiraillement intérieur
Chaque étape (à l’instar des saisons) est illustrée par des changements d’atmosphère de lumière ; même si les réalisatrices privilégient les brumes et les ambiances nocturnes, qu’elles mêlent quelques éléments plus oniriques (récurrence de la figure du cheval) ou insistent par de gros plans (insectes araignées) sur l’opposition entre un tiraillement intérieur et la quiétude ou sur la notion de « captivité », que démultiplie le zoom.
Mutisme et provocations, vie et mort ! Ombre(s) et Lumière !
Il y a certes quelques longueurs (surtout dans la première partie qui se veut plus contemplative) quelques symboles trop appuyés (le redémarrage de la voiture jusque-là camouflée dans les broussailles par exemple) une légère tendance au didactisme démonstratif (cf le cours de Susan portant sur le conflit entre libre-arbitre et déterminisme),
Cela étant Hijo de sicario en évoluant de bout en bout comme sur un fil, en reléguant hors champ la crudité et l'âpreté de la violence (ce qui la rend d’ailleurs plus suggestive), en renversant le « cliché» habituel de « la tension brutale » n’en reste pas moins un film essentiel à ne pas rater !
Colette Lallement-Duchoze