12 septembre 2024 4 12 /09 /septembre /2024 07:31

Documentaire réalisé par Mati Diop (France Bénin 2024)

 

 

Ours d'or Berlinale 2024

Argument: Novembre 2021, vingt-six trésors royaux du Dahomey s’apprêtent à quitter Paris pour être rapatriés vers leur terre d’origine, devenue le Bénin. Avec plusieurs milliers d’autres, ces œuvres furent pillées lors de l’invasion des troupes coloniales françaises en 1892. Mais comment vivre le retour de ces ancêtres dans un pays qui a dû se construire et composer avec leur absence ? Tandis que l’âme des œuvres se libère, le débat fait rage parmi les étudiants de l’université d’Abomey Calavi.

Dahomey

Les 26 œuvres élues qui retournent dans leur pays d'origine seront dans le film/documentaire de Mati Diop   "actrices et narratrices de leur épopée" . Ecoutons la voix de la statue n°26 (sculpture du roi Ghézo ) qui va parler au nom de toutes les œuvres qui resteront (encore) dans l’ombre et au nom des 26 élues. Ecoutons cette voix venue du fond des âges du fond des abysses ou des profondeurs chthoniennes…

Dans ce film à la puissance formelle novatrice audacieuse Mati Diop « restitue » les étapes d’un long voyage : en artefact le « rapatriement » (terme qu’elle préfère à « restitution ») des 26 objets royaux (raflés par le colonel Dodds en 1892, expédiés au musée du Trocadéro puis réinstallés au musée du quai Branly en 2000) depuis les coulisses du musée Chirac jusqu’au palais présidentiel de Cotonou, en passant par un empaquetage ritualisé et le transport en avion-cargo. ; simultanément la cinéaste  invite le spectateur à un voyage à travers les océans, les continents et les époques Car  elle exhume  par la fiction la mémoire de populations exilées, et cette population déportée, mise en  esclavage, colonisée, recouvre SA voix,. Un rapatriement qui va se confondre avec la restitution de soi-même, à soi-même.  

Dans un premier temps -quai Branly-, une approche très clinique mêle froideur (sous-sol aseptisé) et liturgie (délicatesse des gestes ritualisés), silence sépulcral et cliquètement de chaînes,  en une succession de plans fixes prolongés ou de "tableautins" ,- et la lente immersion dans l’intériorité des statues ira de pair avec les frôlements sur la matière que l’on caresse (le bras de l’officiant/technicien épouse parfois celui de l’exilé.e à rapatrier) avant une mise en « caisse»  telle une mise au tombeau -écran noir pour le cérémonial d’enfermement.

De retour au Bénin, l’œuvre est auscultée (d’éventuelles fissures telles des lésions sont méthodiquement consignées comme pour un diagnostic médical). La médiatisation fut telle que tout un pays en liesse fête l’événement ! Musique danses couleurs et lumière. Mais simultanément voyez ces jeunes ouvriers sur des chantiers dangereux (réfection du palais présidentiel en vue de l’expo) ou portant à bras le corps les caisses : le « rapatriement » serait un projet dont ils sont exclus ? La voix ne reconnait pas … les siens …une violence de « classes »  si patente !!!  J’ai voulu la rendre palpable tant je l’ai sentie forte au Bénin – 

En faisant se croiser des points de vue différents, la séquence où nous « entendons » les propos de jeunes étudiants met en évidence une confiscation de la mémoire. Parler de restitution n’est-ce pas parler des stigmates du colonialisme ? de mémoire et… d’amnésie , une amnésie "méthodiquement" orchestrée ?

(il y a d’autres priorités pour notre pays dit l’un, …comment être sensible à cette « histoire » alors que l’on a été nourri de Tom et Jerry…avoue un autre ; c’est un combat politique en ce qui concerne l’identité culturelle de l’Afrique ose affirmer une autre  Ce qui a été pillé est l'âme des peuples

Et  de fait  la "restitution" serait d'abord l'histoire du  "pillage" ..d'un Continent !

Or  le combat politique reste à  "reconstruire"  et Mati Diop dédie ce film en priorité à la jeunesse africaine

 Je tenais à ce que le sujet lui soit restitué et j’espère que le film participe à cette réappropriation

Un film à ne pas rater

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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