d'Akira Kurosawa (Japon 1952) version restaurée
avec Takashi Shimura (Kanji Watanabe) Minoru Chiaki (Noguchi ) Miki Odagiri (Toyo l’employée) Bokusen Hidari (Ohara)
- 1953 : prix Mainichi du meilleur film pour Akira Kurosawa, du meilleur scénario pour Shinobu Hashimoto, Akira Kurosawa et Hideo Oguni, du meilleur son pour Fumio Yanoguchi
- 1953 : prix Kinema Junpō du meilleur film pour Akira Kurosawa
Rétrospective Kurosawa Omnia ( 21 août 3 septembre 2024)
séances jeudi 16h30, dimanche 19h30, mardi 13h40
Atteint d'un cancer, Watanabe chef de service du génie civil, décide de réaliser un projet qu'il avait d'abord repoussé, celui d'assainir un terrain vague, pour que les enfants puissent jouer dans un véritable jardin
Un homme "déjà mort" - -à son insu et de par un métier où la " bureaucratie tue " - mais qui "renaît " en apprenant qu’il est condamné ! Formulé ainsi ce constat aurait pu s’éployer en un pathétique larmoyant mais l’art de Kurosawa est précisément de le transformer en une œuvre d’art (à la portée universelle)
Qu’il est loin le temps où le jeune Luc Moullet alors critique aux Cahiers du Cinéma écrivait à propos de Vivre (rétrospective Kurosawa 1957à la Cinémathèque) Vivre bat les records du ridicule. (...) la misanthropie de l'auteur devient d'une telle outrance qu'elle se retourne bien vite contre lui-même A l’époque, semble-t-il, il était de bon ton aux Cahiers du Cinéma de préférer Mizoguchi à Kurosawa……Depuis Luc Moullet s’est illustré comme réalisateur loufoque, à l’abondante filmographie et Vivre est salué comme « un chef d’œuvre »
Oui Vivre est un chef d'œuvre ! tant par sa structure, le mélange des « genres », la science des cadres des plans, leur diversité, le montage, que par l’exploitation de thèmes universels et le jeu de l’acteur principal Takashi Shimura
Dès le début, une voix off informe le spectateur que le personnage (dont on analyse la radiographie de l'estomac) est condamné. Or ce gratte-papier n’était-il pas déjà un "cadavre ambulant" -ce qu'accentue le jeu de l'acteur ? Une "momie" tel est le sobriquet donné par l’employée…Et de fait dans l’exercice de son métier Watanabe fait corps avec l’entassement des dossiers (en écho au final Noguchi, le « rebelle», pliera lui aussi enfoui dans ces piles de paperasse). Mais quand la " mort" est annoncée -tel un couperet- dans la salle d’attente de l'hôpital -à la fois par un autre patient à l’humour noir et par le personnel soignant-- il y a une urgence de Vivre! Et dans un premier temps, face à cet ultimatum, Watanabe opte pour une sorte de carpe diem ; aux nuits hallucinées, faussement enchanteresses. Puis ce sera la révélation grâce à une employée --elle lui communique cet appétit de « vivre » en donnant un sens à l’existence. Déterminé, obstiné il frappe à toutes les portes et met tout en œuvre pour "réaliser" le fameux parc pour enfants (être constamment ballotté d'un service à l'autre, attendre le dos voûté, le regard implorant à peine larmoyant, qu'importe!!)
Après une ellipse de 5 mois voici une soirée mortuaire bien arrosée où défilent face au portrait du défunt, les trognes des « employés » à la posture codifiée, où le « peuple » -les mères- s’invite pour un hommage ultime. Reconstitution de ce qui fut, a été, restera, sous forme d’un brillant kaléidoscope de points de vue et de flashbacks
Watanabe sur une balançoire dans le parc enneigé, chantonne …Puis...Seule, la balançoire poursuit sa chorégraphie dans l’espace; une vue en contre plongée isole un « regardeur » qui contemple (vue en plongée) l’animation, la Vie …des… enfants !
Il y a des moments de pure contemplation, et/ou de pure émotion, des plans à la beauté sidérante, une majesté dans l’humilité de Watanabe (quand bien même le contraste avec les visées électoralistes de l’échevin usurpateur ou avec le pragmatisme éhonté du fils ingrat et de la bru cupide est par trop criant) ce qui n’exclut pas l’humour pince-sans-rire
VIVRE un film à voir! ou revoir!
Colette Lallement-Duchoze