d’Andrei Tanase (Grèce Roumanie 2023)
avec Catalina Moga, Paul Ipate, Alex Velea, Nicolae Cristache
Synopsis: Suite à un signalement, Véra, vétérinaire, accueille dans son zoo une femelle tigre à laquelle elle s’attache rapidement. Un soir, alors qu’elle vient de surprendre son mari en plein adultère, Vera, ivre de colère, omet de refermer la cage du fauve. Le lendemain, la tigresse est introuvable. La jeune femme et son mari prennent alors la tête d’une expédition improbable pour retrouver l’animal....
C’est un premier long métrage apparemment sans prétention mais dont l’objectif avoué était d’insuffler dans le cinéma roumain une autre forme de réalisme…
Refusant les effets numériques, Andrei Tanase a travaillé avec de véritables animaux ! ..
De plus il fait coïncider (astucieusement ?malicieusement? ) deux intrigues -la traque du fauve et les déboires d’un couple (confronté à deux problèmes : adultère, inhumation de leur bébé mort non baptisé) MAIS en dehors de toute intention allégorisante (n’est-ce pas un peu facile, réducteur d’affirmer que la première symbolise la seconde ?) les deux sont concomitantes : un couple est passé au scalpel lors d’une traque au fauve ; les deux vont s’imbriquer, les deux présentent des similitudes (mais de là à faire de Vera une tigresse encagée dans des principes…non !) Certes le questionnement sur le couple sa fragilité sa genèse peut être perçu comme l'écho -lointain ou feutré- d'une "traque" ;et la trajectoire de la battue (zoo, forêt, ville) menée par des policiers et le personnel du zoo sera simultanément celle d’un autre itinéraire, cheminement mental de Vera « passant» d’un « état » à un autre tout en sachant que le temps de la battue, avec ses aléas ne saurait coïncider avec celui d’une éventuelle réconciliation -quand bien même le couple, en première ligne, dialogue avec sarcasmes de la nature profonde de leurs sentiments, de leur passé …Une halte (pause ?) le mari tout ébranlé par une morsure de serpent appréhende une mort prochaine…, il gémit, terrassé alors que sa femme agile fait corps avec un arbre ; à l’écoute du moindre bruit pour une localisation… dans l’espace… qui est aussi l’espace d’une re-connaissance intime (réconciliation espace/ temps ?)
Poreuse la frontière entre le monde animal et le monde des hommes. ?- le recours aux champs contre champs semble établir un dialogue à distance ou capter des regards, substituts du verbe ! Et si Vera « renifle » cette table d’opération (qui fut aussi l’autel des ébats amoureux entre son mari et une étudiante…) si elle décide de dormir à même le sol, tel un animal lové dans l’herbe, c’est que par son métier (vétérinaire) et son amour des bêtes, elle sait leur "parler" les "apprivoiser"…
Certes il y a des intrigues parallèles ou du moins des thématiques à l’état d’ébauches à peine esquissées (le tatoué et sa bande de mafieux, la société roumaine et son arrière-fond de corruption, les pénuries de médocs au centre, le pouvoir éhonté de l’église orthodoxe, par exemple) mais cela n’est-il pas compensé par l’humour pince sans rire parfois ? (cf le rituel quasi religieux qui préside à l’enterrement du fauve et les visages confits d'émotion des humains...) et par le jeu discret, sans esbroufe, sur les changements d’échelles, de points de vue
Tigresse un premier film prometteur !
Colette Lallement-Duchoze